Journal de Campagne (45)

Journal de Campagne (45)
Mercredi 29 avril 2020 – 16h4

Il y a quelques jours, au milieu d’une balade, je suis passé devant la ferme de Monsieur Minette, un agriculteur que j’ai un peu connu. Monsieur Minette est mort il y a plusieurs années et je ne sais déjà plus combien. De son vivant, sa minuscule ferme avait nettement entamé la descente qui allait la conduire à l’effondrement. De son temps, le crépis n’était déjà plus qu’un souvenir presque oublié ; parmi les fenêtres, une seule avait encore ses carreaux et les volets des autres étaient toujours fermés ; le toit faisait des vagues, la porte de l’ancienne porcherie avait été remplacée par un bout de tôle ondulée et la petite cour ravinée était encombrée d’herbes folles et de vestiges de matériels agricoles. Maintenant, Monsieur Minette est mort et sa ferme est en ruines. Le tracteur de Monsieur Minette avait son âge, celui de Monsieur Minette, indéfinissable. Il avait dû être rouge vif, il donnait maintenant dans les rouges vieille tuile éclaboussé de larges coulures d’huile sombres. Il ne faut pas croire qu’il ne travaillait pas, Monsieur Minette. Je le voyais souvent apporter de l’eau ou du sel à ses vaches et ses veaux, labourer, faucher, sarcler, enfin faire tout ce qu’on doit faire à la terre. Quand je passais le soir devant chez lui, je le voyais assis, contemplatif, sur ce fauteuil en plastique blanc que j’avais acheté 30 Francs au Carrefour du coin. Un jour, le shoot puissant d’un garçon avait frappé ce fauteuil qui faisait semblant d’être un poteau de but. Son dossier avait été fendu et je l’avais placé à côté des poubelles pour que les éboueurs l’emportent. Monsieur Minette avait dû passer par là avant eux parce que, pendant des années et jusqu’à sa mort, ce fauteuil, réparé à coup de ficelles et placé dos au mur à côté de la porte d’entrée, a fait office de trône sur lequel il venait s’asseoir pour méditer jusqu’à la nuit quand il ne faisait pas trop mauvais.

Un jour, je vous en dirai  plus sur Monsieur Minette, mais pas aujourd’hui. Je garde ça pour plus tard. Ces jours-ci seront plutôt consacrés au récit de ma première rencontre avec son voisin, Roger A. de la ferme de Montapeine.

 

3 réflexions sur « Journal de Campagne (45) »

  1. Mais ce n’est pas fini. Je garde en stock un Monsieur Coupy et une Madame Dérot. Ils sont morts eux aussi, je pourrai donc tout dire. Si je m’en souviens.

  2. À l’entrée d’Orbais l’Abbaye, en arrivant de Montmirail, juste après la forte descente qui fait passer du plateau à la vallée, il est une source, dite de la Minette, flanquée d’un moulin appelé le moulin minette. C’est une jolie promenade, malheureusement fermée depuis les tempêtes de l’automne qui ont abattu quelques frênes et fragilisé les autres.
    Lorsque nous pourrons à nouveau nous y rendre, je ne manquerai pas de déposer un fauteuil plastique blanc qui nous permettra d’y faire une pause en songeant à ton Monsieur Minette.

  3. Assez sadique de ta part ces promesses de premières rencontres en cette cette période d abstinence sociale caractérisée.
    Si l écroulement économique évoqué par notrePm devait inspirer aux amis de Mélenchon un grand soir révolutionnaire, un tel voisinage devrait te protéger des foules  » aisneuses »*.
    En tout cas l évocation de Mr Minette sur son trône en plastique , va me réjouir plusieurs jours, surtout si je l associe à un entourage de veaux débiles.
    *citation B Neouze

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