¿ TAVUSSA ? (25) Justice sacrée, sacrée justice ! 

Il y a quelques jours, je suis tombé sur un article qui, à propos d’un sujet dont j’ai déjà tout oublié, a fait référence, sans développer davantage, aux Mur des Cons. Vous vous souvenez du Mur des Cons ?

En avril 2013, l’existence d’un grand panneau d’affichage intitulé MUR DES CONS dans les locaux du Syndicat de la Magistrature était révélé par la presse (pas Libération ni le Canard, bien sûr). Sur ce panneau, exposées au pilori de la vindicte syndicale et des environs, étaient affichées les têtes d’hommes (et de femmes, oui, d’accord, d’accord, de femmes ; mais le mur ne s’intitulait pas « des cons et des connes » que je sache !) politiques (tous de droite, à l’exception de Jack Lang, mais peut-on vraiment dire où se situe Jack Lang ?, et de Michel Charasse, mais l’homme aux bretelles n’était-il pas surtout un copain du Florentin de l’Elysée), de patrons, de journalistes (plutôt du Figaro que du Nouvel Obs), de magistrats (non affiliés au Syndicat de la Magistrature), et de personnes de diverses professions et qualités, mais qui toutes avaient eu le malheur de déplaire au Syndicat et, parmi eux, les pères de deux jeunes filles violées et assassinées.

Pour scandaleux qu’il fût, le mur avait au moins l’avantage ne plus laisser planer de doute sur la partialité des membres du Syndicat à l’égard de certains groupes de justiciables.

C’est maintenant de l’histoire ancienne, mais savez-vous quelles ont été les conséquences de la révélation de l’existence de ce mur ?

—Le journaliste « découvreur » du mur est passé en conseil de discipline et a été mis à pied par France 3
—Le Conseil Supérieur de la Magistrature a refusé de se prononcer
—La présidente du Syndicat de la Magistrature a été mise en examen pour « Injures Publiques »
—Son procès aura lieu en décembre 2018, soit près de six ans après les faits.

On ne peut pas ne pas remarquer la qualification des faits qui seront jugés : injures publiques. Elle laisse bien augurer de ce qu’il adviendra de cette affaire, c’est à dire dire rien, car lesdites injures, ou plutôt le mur qui les supportait, ne se trouvaient évidemment pas dans un espace publique (C’est parait-il toute une science que de savoir bien qualifier des faits). Rendez-vous en décembre prochain pour confirmation.

Juste (1) pour nous amuser, rappelons-nous aussi le discours (2) de l’un des théoriciens du Syndicat de la Magistrature tenu en 1974 devant un parterre de jeunes magistrats fraichement nommés :

« Dans vos fonctions, ne faites pas un cas exagéré de la loi et méprisez généralement les coutumes, les circulaires, les décrets et la jurisprudence. (…)

La loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise. Sans y changer un iota, on peut, avec les plus solides « attendus » du monde, donner raison à l’un ou à l’autre, acquitter ou condamner au maximum de la peine. (…) 

Soyez partiaux. Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d’un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d’un côté. C’est la tradition capétienne. Examinez toujours où sont le fort et le faible, qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurances de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice. »

Stupéfiant, non ? (3)

Notes
(1) Attention,
juste,  ici, c’est l’adverbe, ce n’est pas juste, l’adjectif, celui qui dérive de justice.

(2) Oswald Baudot, procureur, extraits d’un discours.
(3) Que les juristes qui liront ce texte veuille bien excuser les inexactitudes, erreurs et inepties qui l’émaillent probablement. Qu’ils se disent qu’il part d’un bon sentiment.

5 réflexions sur « ¿ TAVUSSA ? (25) Justice sacrée, sacrée justice !  »

  1. « Plaisante justice qu’une rivière borne! » Montaigne repris par Pascal!

    L’équité historique (sur le long terme ou la longue durée, justifiant les ‘positives actions’ des démocraties dignes de ce nom) exige de pousser le balancier quelques secondes à gauche (au moins dans les discours du syndicat de la magistrature) quand il a été si longtemps à droite, pour ne pas dire à l’extrême droite, dans les faits!
    Foi de Filion!

    « Le temps béni des colonies… » (dénoncé par l’intéressant, Président!) poussé, comme le bouchon, un peu trop loin et trop tard par les Bush et leur allié au Moyen Orient peut, en partie expliquer, (il est interdit d’essayer de comprendre!) … cette nouvelle forme de terrorisme – rien de nouveau sous le soleil -, d’autres formes de terrorisme ont souvent trouvé leur origine dans le maintien du balancier à droite dans la pratique quotidienne de la justice occidentale!

    Foi de Toubira (dont l’idée de justice est bornée par un océan!) et du Canard-Django déchainé!

  2. « …le paradigme de ce théoricien du Syndicat de la Magistrature n’est jamais sorti de son statu de ‘conjecture.’ »
    Je ne suis pas certain de mon interprétation de tous ces mots savants, mais si cette phrase veut dire que les souhaits de monsieur Baudot sont restés lettre morte, l’histoire récente des procès de petite et moyenne délinquance me semble, à moi, établir le contraire. Le Syndicat a compris La Fontaine à l’envers, et il applique les principes de Monsieur Baudot chaque fois qu’il le peut. L’existence du Mur des Cons en est un début de preuve qui suffit, pour moi, à le condamner.

  3. Aux États-Unis, ça (les propos du théoricien du syndicat…) s’est appelé: « Positive Action! »

    Évidemment, Trump, le ‘juste milliardaire,’ ose y mettre un terme absolu et, faisant preuve d’audace, encore et toujours de plus d’audace, ose lui substituer, de façon éhontée, « la raison du plus riche! » (la plus ‘juste’ selon ses ‘vérités alternatives’!)

    Si l’on prend comme référence ‘l’histoire, longue durée,’ si chère à Marcel Gauchet après Fernand Braudel, à part ‘Robin des Bois, en Angleterre’ (Richard Cœur de Lion bouffait du Salafiste dans les banlieues de Jérusalem avant de recevoir sa volée méritée) le paradigme de ce théoricien du Syndicat de la Magistrature n’est jamais sorti de son statu de ‘conjecture.’

    La Fontaine reste toujours la source de l’eau vive de la Justice occidentale!

    Dégoutté, mais plus généreux que le goutte à goutte, je me réfugie dans l’eau de vie, Marc de Gewurtz avec un peu de sorbet à la poire et quelques feuilles de menthe!

  4. ahurissant de mépris pour la démocratie… quelle honte !

  5. Le discours du théoricien du syndicat de la magistrature me révolte en ce matin alors qu’on apprend la nouvelle attaque terroriste à Londres, car ce CON aurait pu ajouter à son discours sur la partialité la nécessité pour le magistrat d’avoir un préjugé favorable pour le terroriste (le faible, l’incompris, le debousolé) contre la société (le fort, le riche, le libre, le respectueux). Une fois de plus je répéterai cette antienne: « les cons (pas ceux du murs mais celui du discours et ses pairs) ça ose tout. C’est meme à ça qu’on les reconnaît ».

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