Being a woman

Voici les (presque) dernières répliques de Bette Davies dans un de mes films préférés du cinéma américain, ALL ABOUT EVE. C’est probablement aussi le meilleur film qu’on puisse trouver sur le sujet du théâtre et du métier d’acteur.
Si vous avez oublié le sujet de All about Eve, allez donc relire ma Critique aisée n°59, dont voici le lien :
https://leblogdescoutheillas.com/?p=4196
Cette tirade que je vous propose n’est pas vraiment dans l’air du temps, pas vraiment féministe, et elle risque d’attirer au JdC quelques commentaires acides ou furibards. Eh bien, tant pis. Considérez seulement qu’on est en 195O, que c’est Mankiewicz qui écrit et qui dirige, que c’est Margo Channing, la plus grande actrice de Broadway du moment, qui parle, et qu’elle est interprétée par Bette Davies, la plus grande actrice d’Hollywood du moment.

« So many people know me !… I wish I did.  I wish someone would tell me about me…
Besides something spelled out in light bulbs, I mean.
Besides something called the temperament, which consists mostly of swooping about on a broomstick, screaming at the top of my voice.
Infants behave the way I do, you know. They carry on and misbehave -they’d get drunk if they knew how-  when they can’t have what they want, when they feel unwanted, or insecure, or unloved.Bette Davies as Eve
More than anything in this world, I love Bill, and I want Bill. I want him to want me, but me, not Margo Channing. And if I can’t tell them apart, how can he?
About Eve, I’ve acted pretty disgracefully towards her too. Oh, let’s not fumble for excuses, not here and now with my hair down. At best, let’s say I’ve been… oversensitive to…  well to the fact that she’s so young, so feminine and helpless… to so many things I want to be for Bill…
Funny business, a woman’s career : the things you drop on your way up the ladder so you can move faster, you forget you’ll need them again when you go back to being a woman. That’s one career all females have in common, whether we like it or not, being a woman, sooner or later we have to work at, no matter what other careers we’ve had or wanted, and in the last analysis, nothing is any good unless you can look up just before dinner or turn around in bed and there he is. Without that, you’re not a woman, you’re something with a French provincial office or a book full of clippings, but you’re not a woman… Slow curtain… The End. »

11 réflexions sur « Being a woman »

  1. Je prefererais du García Márquez, si c’est pas trop demander!

  2. Le « that » en question, c’est tout simplement l’amour, sacrifié sur l’autel de la reussite professionnelle.

  3. No problem! même si nous continuons à nous interroger sur le « without that », le « that » qui pourrait être le pouvoir de séduction « dropped » (entre autres choses sacrifiées au nom de la carrière professionnelle) et qui reste nécessaire dans « l’autre » carrière. Notre ultime commentaire ne vient pas comme pour avoir le dernier mot mais plutôt pour clarifier notre propre pensée qui se base sur une mémoire du film qui remonte à de très nombreuses années. Nous allons le revoir dès l’achat du DVD qui ne saurait tarder. C’est assurément un texte très pensé, construit pour être déclamé par une grande actrice de théâtre en finale de la pièce avant la chute du rideau. Nous voyons dans ce film (de mémoire) et sa fin, les thèmes du succès dans une carrière et de ses exigences égoïstes, du pouvoir de séduction qui se perd, de la vieillesse surtout et des regrets. « Si c’était à refaire… ». Evidemment, dans le contexte des années 50 en Amérique comme dit avant. Si « All about Eve » raconte une histoire par le biais du théâtre, il interpelle en fait toutes les femmes (all females). C’est bien un film qui reste moderne. Sur le thème de la vieillesse, de la célébrité perdue et de la séduction envolée, n’oublions pas non plus « Sunset Blvd » avec Gloria Swanson et William Holden, un autre très grand film de la même époque.

  4. Fine analyse, mais pour moi, c’est clair :
    « ...no matter what other careers we’ve had or wanted, and in the last analysis, nothing is any good unless you can look up just before dinner or turn around in bed and there he is. Without that, you’re not a woman »
    en d’autres termes : no matter what, you’re not a woman, unless you can look up just before dinner…etc…

    Pour le souci du détail : dans ce monologue, Margo Channing ne s’adresse pas à Eve, mais à son amie, la femme de l’auteur, avec laquelle elle est seule dans une voiture bloquée par la neige. C’est justement ce soir là que Eve la remplacera dans son role et se fera reconnaitre comme actrice.

  5. D’abord, « French provincial » était un style de décoration qui pouvait s’appliquer à une pièce quelconque d’une maison (chambre, salle à manger, etc) ou eventuellement à un bureau, féminin peut-être. Un bureau design!
    Il n’est pas évident que Margo pense qu’une femme n’est femme que pour et par l’homme. Elle réalise la futilité d’une carrière professionnelle dont elle réduit la réussite à deux preuves tangibles: en cours de carrière d’abord, un beau bureau (trés emblématique en Amerique), et, quand l’activité professionnelle elle-même est finie, des « clippings », des souvenirs à consulter le soir à la chandelle comme l’aurait dit Ronsard. Futilité, donc, si l’autre carrière, l’autre rôle d’une femme, est negligé, celui de partage de sa vie avec son homme. C’est évidemment très années 50. Comment pouvait-il en être autrement! Une jeune femme commençait sa vie d’adulte comme secrétaire, se mariait avec son patron et devenait femme au foyer. Une femme sans homme était un peu suspecte. Inimaginable aujourd’hui. Mais, comme Rebecca, le without that nous interpelle. Margo a des regrets et les exprime en évoquant, en conseillant presque à Eve de le comprendre, que les deux carrières d’une femme ne sont pas exlusives et que le vrai challenge est de les mener de front. Oui, c’est toujours actuel.

  6. Pas d’accord, Rebecca.
    Le without that se rapporte à « nothing is any good unless you can look up just before dinner or turn around in bed and there he is. » qui se trouve d’ailleurs juste avant le without that et qui est une périphrase pour désigner un homme.
    Pas d’accord non plus sur le fait que le film date. Son absence de réalisme, en particulier l’absence de naturel des dialogues qui impliquent le metteur en scène, le critique d’art et Margo, placent ce film dans la théorie du théatre et le rendent intemporel, au contraire de Birdman par exemple et du Dernier Metro.

  7. Pas d’accord, Philippe.
    Le « without that » réfère à « things you drop on the way up the ladder so you can move faster ».
    Petit rappel: un pronom ou déterminant comme « ce, cette » réfère à un groupe nominal déjà employé, donc connu, dans le texte.

    En dehors de cela, je ne suis pas d’accord avec sa vision de la féminité!
    On voit que le film, même s’il demeure cinématographiquement une grande , immense, oeuvre, date quelque peu.

  8. Tout à fait d’accord : le dilemme est actuel, mais c’est à la réponse de Margo à ce dilemme que je faisais allusion dans mon avertissement :
    « Without that (a man) , you’re not a woman, you’re something with a French provincial office or a book full of clippings, but you’re not a woman… »
    autrement dit : sans un homme, une femme n’est pas une femme…
    Gonflé, non ?
    A propos, comment traduire « a french provincial office » ?

  9. Magnifique actrice !
    Dernièrement j ai eu l occasion de voir
    Eve film que je n avais jamais vu.
    Digne de figurer avec Kathrine Hepburn et Meryl Steeple..

  10. Nous trouvons au contraire que cette réplique est tout à fait dans l’air du temps. Le dilemne presenté par Eve est d’une trés grande modernité et la plupart des femmes d’aujourd’hui s’y trouvent confrontées, c’est à dire la confrontation entre deux identités, la professionnelle et la personnelle, l’une prenant l’ascendant sur l’autre jusqu’à l’écraser parfois.
    By the way, la référence à un French provincial office est très années 50. Ce thème de décoration était le summum de la mode aux Etats-Unis.

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