Lettres d’automne

Morceau choisi
Ça faisait trop longtemps que je ne vous avais pas servi un petit morceau de Vialatte. Voici un extrait ce qu’il écrivait dans sa chronique du 20 octobre 1953 sous le titre « Lettres d’automne ».

(…) Le mois d’octobre est en plein essor. Jamais Paris n’a été aussi beau, sa brume, si mauve, ses feuilles si jaunes, ses lointains si nobles et fins. Jamais la Seine n’a été plus historique, le Louvre plus majestueux, les vespasiennes à tourelles plus pareilles aux châteaux de la Loire. Le marron d’Inde, au Luxembourg, tombe avec un bruit sec, rebondit sur le sol comme sur un tambour basque, s’échappe de sa cosse plus brillant qu’un bijou et roule en travers de l’allée jusqu’au pied de la statue de Marguerite de Navarre où l’humidité le ternira. C’est la grande saison des libraires. La littérature se déchaîne. Commençons donc par le best seller : Virgile est le poète le plus lu. Anchise, à sa page 304, ne cesse d’y échapper aux flammes de Troie sur les épaules de son robuste fils. Cent mille garçons de treize ans à la chevelure hirsute découvrent ses beautés en se grattant les mollets, couchent Tityre à l’ombre du hêtre et pleurent avec Didon sur les ruines de Carthage en remontant ses chaussettes rebelles. (…)

Alexandre Vialatte
Chroniques de La Montagne 1952-1961
(c) Robert Laffont

Une réflexion sur « Lettres d’automne »

  1. Un cachet de Vialatte tôt le matin fait toujours du bien et met en forme pour la journée. Les chroniques de cet auteur « notoirement méconnu » nous livrent les détails essentiels sur « les plus vastes choses et les plus hauts sujets ». Cette fois c’est Paris, son Louvre et sa Seine, ses Vespasiennes (disparues aujourd’hui), ses marrons du Luxembourg, et surtout le rappel de sa culture littéraire authentique. Cette automédication vitaminée n’est pas remboursée par la Sécurité Sociale mais c’est pas une raison pour s’en priver. On en redemande ici.

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