Marius en 3 dimensions

Je suis prêt à parier qu’à moins d’avoir lu le JdC dans son édition du 22 novembre 2016, vous ne connaissiez  pas la vérité sur le tournage du film Marius. la voici à nouveau.

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Dans Cinématurgie de Paris, un livre que j’ai déjà eu l’occasion de vous recommander, Pagnol raconte comment la version de sa fameuse pièce de théâtre Marius fût finalement tournée ainsi que vous la connaissez.

La pièce connaissait un énorme succès, jouée sans interruption depuis deux ans par Raimu, Fresnay, Charpin, enfin ceux que vous connaissez.
Bob Kane, patron de la Paramount en France voulait tourner la pièce, mais il considérait que des comédiens de théâtre n’étaient pas capables de jouer dans un film parlant, ou plutôt

pas capables d’attirer le public.
Les noms qu’il citait pour tourner le film ne vous diraient rien ou pas grand-chose aujourd’hui, mais c’étaient ceux de véritables vedettes du cinéma de l’époque.
Pagnol se battit très fort pour imposer les comédiens qui jouaient sa pièce et il obtint gain de cause. Voici ce que lui dit Kane (La scène se passe en 1931 et c’est Pagnol qui raconte) :

      — Voici, me dit-il, ce qui est convenu. Tu seras le superviseur de la production française, et tu auras pour collaborateur Alexandre Korda. Le film sera joué par tes acteurs puisque tu y tiens. De plus j’accepte de te donner des droits d’auteur sur les recettes, ce qui me vaudra de vifs reproches télégraphiques de la part d’Hollywood. Mais, en échange de ces sacrifices, tu m’autorises à tourner comme il me plaira une version allemande et une version suédoise de ton film. Je ferai, pour ces versions, les coupures qui me paraitront nécessaires, je choisirai les acteurs à mon goût, je changerai le titre, bref, tu me laisses une entière liberté. Es-tu d’accord ?

Je ne discutai rien. Je pouvais, enfin, faire un film français à ma guise : les versions étrangères m’importaient peu.

(…) Le film fût terminé en cinq semaines. La projection durait deux heures, et c’était le plus long film qu’on eût jamais réalisé.

Au cours d’une conférence, tous les chefs de service – américains ou français – se déclarèrent horrifiés par la longueur des dialogues et prétendirent qu’il fallait en couper au moins quarante minutes. (…)

De plus, il était très clair et très évident pour tout le monde que les véritables films de Marius étaient la version suédoise et la version allemande, qui avaient été réalisées avec de vrais acteurs de cinéma, un vrai treatment (c’est-à-dire que le scénario department avait rendu la pièce méconnaissable), un vrai découpage (c’est-à-dire que la plus longue des prises de vues ne dépassait pas trente secondes) et une vraie « mise en scène »(c’est à dire que l’appareil s’était continuellement promené à travers le décor comme s’il tournai autour du pot.)

Pour la version française, elle était considérée comme un ouvrage d’amateurs (…) la vie de ce navet devait être courte, on en serait quitte pour une semaine de ricanements…

Il y eu donc trois versions tournées simultanément. Les versions suédoise et allemande connurent chacune un four étourdissant. On sait ce qu’il advint de la version française…

Bientôt publié

30 Juil, 07:47 Tableau 358
31 Juil, 07:47 Le Cujas (85)
1 Août, 07:47 La colère d’Ulysse
2 Août, 07:47 Monopoly 2.0

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