RENDEZ-VOUS À CINQ HEURES (10)

RENDEZ-VOUS À CINQ HEURES (10)

24/05/20

 

  

Annick et Françoise
Titre provisoire

Attention chantier ! Cette nouvelle est en cours de construction selon la méthode surréaliste des cadavres exquis, c’est-à-dire qu’elle est composée par des auteurs différents qui, en suivant leur imagination personnelle et  dans leur style propre, écrivent chacun la suite du texte de l’auteur qui les a précédé. Le texte de base (Cadavre exquis n°0) est un court extrait d’un texte intitulé  « Les Deux Magots » paru hier ici-même. Le premier cadavre consécutif est signé Jim. Le deuxième devrait l’être par Bruno, le troisième par Lorenzo, puis Edgard, puis Lariegeoise… Les autres candidats, non encore cités, à la création d’un cadavre sont les bienvenus et priés de se faire connaitre.

Cadavre exquis (0)
Par Philippe

Il y a quelques minutes une très jeune femme, vingt ans au plus, s’est installée non loin de moi. Je la vois de côté. Chez elle, tout est mince, clair et net. Le profil est précis, la queue de cheval châtain est courte et bien serrée et de sobres boucles d’oreille fantaisie pendent à ses oreilles. Elle se tient bien droite sans s’appuyer au dossier de

la banquette. Elle regarde autour d’elle, me voit à peine. Le garçon s’approche, mais elle dit qu’elle attend quelqu’un. Un peu plus tard, elle est rejointe par une autre femme, un peu plus âgée, moins de trente ans. Elle se lève pour embrasser la nouvelle arrivante sur les joues (trois fois : elle doit être du Massif Central). Celle-ci est le contraire de celle-là. Tout en elle est arrondi, flou, imprécis. Sa silhouette de pas-tout-à-fait-grosse s’est tassée sur la banquette à la gauche de son amie qu’à présent elle me cache. Ses cheveux bruns et frisés forment un nuage mousseux au-dessus de sa tête. Son jean marron clair comprime ses cuisses et son pullover en grosse laine noire poilue n’arrive pas à rejoindre la ceinture de son jean, laissant à découvert une bande de chair. Elle a commandé deux formules J-P.Sartre à 26 Euros. Les jus d’orange, les croissants, les tartines, les beurriers, les tasses, les cafetières et les théières ne tardent pas à encombrer la table. La plus jeune fouille dans son sac et en sort le Guide Hachette de Paris qu’elle pose entre deux tasses.

Elle s’appelle Françoise Maignan. Elle a 22 ans. Elle est la fille unique d’un couple de pharmaciens installés à Chauvigny, à une trentaine de kilomètres de Poitiers. Elle est étudiante en pharmacie. Elle vient d’arriver à Paris par le premier TGV et en sortant de la Gare Montparnasse, elle a suivi les instructions de son amie Annick : elle est passée le long de la tour et puis elle a pris la rue de Rennes tout droit avec le clocher de Saint Germain des Prés en ligne de mire. Avec ces indications, elle ne pouvait pas rater les Deux Magots.
Annick Cottard a 31 ans. Elle est chercheuse à Normale Sup dans le département des Sciences de l’Antiquité. Le grand studio dans lequel elle vit seule est situé tout en bas de la rue Mouffetard. C’est un peu bruyant le matin, mais ce n’est pas loin de la Rue d’Ulm, et elle ne paie pas de loyer : le studio appartient à la Ville de Paris qui l’a mis à sa disposition en échange d’une dizaine d’heures de travail par mois à la Direction de la Communication de l’Hôtel de Ville. Jusqu’à présent, Annick a connu une vie sentimentale chaotique et une vie sexuelle hésitante. Récemment, après une liaison idyllique de cinq semaines avec un chercheur du CNRS adepte de la théorie des cordes et de l’échangisme, elle a connu une période d’abstinence de 14 mois, à peine interrompue par quelques aventures furtives à l’issue de soirées universitaires. Cette période s’était achevée avec les dernières vacances de Noël quand elle avait rencontré Françoise dans un chalet de l’UCPA à Notre-Dame de Bellecombe. Toutes deux skieuses débutantes et, au fond, peu enclines à la pratique sportive, dès le deuxième jour Annick et Françoise avaient abandonné le cours de ski débutant pour se retrouver dans de longues balades dans les forets enneigées. C’est au cours d’un piquenique ensoleillé qu’elles s’étaient mutuellement découvertes, allongées sur un matelas de neige fraiche et d’anoraks Canada Goose. Avant qu’elles ne se séparent sur un quai de la Gare Lyon-Part-Dieu, Annick avait fait promettre à Françoise de venir passer quelques jours à Paris afin de lui faire découvrir les lieux historiques de la capitale. Elles commencent avec Jean-Paul Sartre aux Deux Magots.

Cadavres exquis (1)
Par Jim

Françoise et Annick étaient manifestement heureuses de se revoir. Et pourtant, tout les distinguait. Les évidences de cette distinction n’échappaient pas aux coups d’œil et à l’ouïe fine de l’homme attablé à leur gauche, penché sur son Mac, une simple tasse de café à sa droite. Il avait rapidement saisi que la présentation des deux amies ainsi que leur conversation révélaient leur différence sociale. Françoise, à l’évidence, appartenait à la bonne société bourgeoise provinciale, à l’élite d’une petite ville comme Sillé-le-Guillaume ou Chauvigny dans le centre de la France par exemple, catholique, éduquée, diplômée même s’agissant des professions des chefs de famille, médecins, notaires, pharmaciens, industriels locaux, etc. Françoise était à l’image de ce que ses parents souhaitaient, un fille sérieuse destinée à reprendre plus tard l’officine paternelle sur la Grande Place une fois les études terminées et l’espérance d’un mariage célébré en grande pompe avec un bon parti, le fils du notaire par exemple, un garçon bien sous tous rapports . En attendant, c’est dans par la lecture des romans de Flaubert, Balzac ou Stendhal qu’elle rêvait sa vie sentimentale plus qu’elle n’avait pu la vivre à travers quelques flirts sans lendemains. Ce matin, elle était heureuse de retrouver Annick mais surtout de vivre une première aventure parisienne loin des parents, de Chauvigny, de la fac de pharmacie de Poitiers et des vacances familiales à Pornichet. Dès la découverte d’Annick Cottard à Notre-Dame de Bellecombe au stage de l’UCPA décidé par ses parents en toute confiance, elle envia sa nouvelle amie, plus âgée, plus expérimentée des choses de la vie, plus libre aussi de pouvoir satisfaire ses envies, son métier apparemment plus passionnant que celui d’un potard de province, et même ses origines sociales moins guindées, parisiennes, plutôt intellectuelles, bref, plus propices à la passion comme avait pu la vivre Madame de Rênal ou Emma Bovary.
Leur voisin replia son Mac, régla sa note et s’en alla non sans un rapide dernier regard vers ses deux voisines . Leur observation, notée sur son Mac, pourrait toujours servir un jour. Françoise qui avait aussi remarqué cet homme mûr se pencha vers Annick et lui dit « tu as remarqué l’homme qui vient de partir, je crois qu’il ne perdait pas une goutte de ce que nous disions et je crois qu’il notait notre conversation sur son ordi ». « Probablement un écrivain » répondit Annick, « ici c’est leur repère, ils viennent chercher l’inspiration et revivre les grandes heures de Saint-Germain-des-Prés, celle de Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Juliette Gréco ou Boris Vian, mais Les Deux Magots c’est surtout devenu un must pour les touristes en quête de respirer l’intellectualisme de Paris, ici ou au Flore à coté ou en face chez Lipp . Et puis tant mieux si nous avons servi de modèle à celui-là si c’est un écrivain. Pourvu qu’il nous rendent belles et intéressantes ! » Françoise était aux anges, elle avait l’impression que son escapade à Paris la faisait traverser le miroir.
La table voisine ne resta pas longtemps inoccupée. Deux jeunes américains, joyeux et un peu bruyants, entrèrent et s’installèrent à la place de l’homme au Mac. En peu de temps, ce dernier, comme il l’avait accompli avec ses deux voisines, eut noté, car il comprenait et parlait couramment l’américain, que l’un s’appelait John, qu’il était un étudiant du MIT à Boston, bon chic bon genre, évidemment d’origine WASP, fraîchement arrivé le matin même à Roissy par le vol United, un cadeau offert par ses riches parents avocats l’un et l’autre à Chicago à l’occasion du Masters Degree en Physique Nucléaire obtenu brillamment, et que l’autre, un peu plus vieux, d’origine afro-américaine, se nommait Robert mais John s’adressait à lui par Bob, qu’il séjournait à Paris depuis un an pour terminer sa thèse de doctorat d’histoire de la Columbia University of New York sur le rôle particulier de Benjamin Franklin dans la négociation du traité de Paris qui consacra l’indépendance des Etats-Unis-d’Amérique en 1782, les deux amis ayant noué plusieurs années auparavant une amitié fidèle au summer camp de Namequoit sur le Cap Cod où Bob était alors moniteur de voile pendant l’été pour payer ses études et John un jeune participant envoyé là par ses parents pour se dégourdir.
« Jo, I am so happy that you accepted my invitation to visit me in Paris. We are going to have a great time. Paris is a terrific place, so different from New York, so beautiful and so lively. Have you noticed these two French girls at the next table. One of them has been giving you the eye. Her name is Françoise. The other one is Annick. I think we should invite them to join us. »
Une grande aventure se préparait, à Paris d’abord, mais après… et même longtemps après…

Cadavres exquis (2)
Par Bruno ( ?)

En attente…

8 réflexions sur « RENDEZ-VOUS À CINQ HEURES (10) »

  1. Il n’est pas demandé d’écrire du tac au tac. Tu as du temps devant toi ; le Rendez-vous à cinq heures a de la matière pour occuper quelques jours prochains. Du temps, oui, mais pas trop quand même. Il ne faudrait pas que le bel élan initié par Jim se noie dans l’attente. Deux jours ?

  2. Très belle reprise de Jim qui a l’élégance d’ouvrir des perspectives.
    N’ayant pas eu le loisir de participer au thé d’hier et étant légèrement en retard pour celui d’aujourd’hui, je découvre à la fois le défi d’Edgard (qu’il s’est bien gardé de relever lui-même), les règles du jeu et ma désignation d’office pour donner à ces perspectives un contenu digne de les faire figurer dans la Cité Idéale d’Urbino.
    Bien que m’étant toujours considéré comme incapable, après avoir essayé mille fois, de faire oeuvre d’une quelconque imagination, et malgré une brève rupture de confinement rendue nécessaire par de multiples obligations et occupations parisiennes, je ne me déroberai pas à cette fatale mais ardente obligation envers notre si sympathique communauté peuplée d’inconnu(e)s pseudonymisé(e)s.
    Pour quelle heure notre gourou bien aimé attend-il ma page blanche ?

  3. SIM, je vous inscris quand même dans la liste des donneurs potentiels. La limite inférieure des 200 mots n’est pas une règle d’or qui ne puisse être transigée.

  4. Suspense ! Que va donner cet éventuel échange franco-américain dans ce café mythique … j’attends la suite avec impatience. Comme Rebecca j’aurais bien quelques idées mais la qualité des interventions précédentes met la barre un peu trop haut !

  5. J’hésite à en faire partie, mais je vais me régaler à lire les propositions de tout le monde. En tout cas, je ne savais pas Jim si en verve!

  6. La dernière pour te donner la joie de conclure l’histoire d’Annick et Françoise à ta guise.
    La dernière pour te donner le temps de te procurer une machine digne de ce nom.
    La dernière pour avoir le dernier mot.

  7. C est le STO ici!
    En plus je suis la dernière derrière 4 pointures galanterie ou machisme invétéré ?
    Je rappelle au Maître que je te tape sur un phone ….
    Ce sera plutôt une brève de comptoir.

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