Archives par mot-clé : Sophistes

Les Nuées – Aristophane – 423 avant J.C.

Morceau choisi

Avertissement.
Quand cette pièce a été donnée par Aristophane à Athènes, Socrate avait 47 ans. Les Nuées sont une comédie à charge contre Socrate et ses disciples. Le personnage principal, Strepsiade, recherche l’enseignement que Socrate donne dans son « philosophoir » et qui permet de gagner par l’éloquence même les causes injustes. Strepsiade finira par mettre le feu au philosophoir.

Les Nuées 
Philippide, fils de Strepsiade, dilapide l’argent de son père en chevaux de grande race et attelages somptueux. Pour les payer, Strepsiade s’est couvert de dettes. Dans cette scène, il demande à son fils d’aller suivre l’enseignement du « philosophoir » où exerce notamment Socrate. (1)      

(…)

STREPSIADE. Regarde de ce côté. Vois-tu cette petite porte et cette petite maison ?
PHILIPPIDE. Je les vois ; mais, mon père, qu’est-ce que cela veut dire ?
STREPSIADE. C’est le philosophoir des âmes sages. Là sont logés des hommes qui disent et démontrent que le ciel est un étouffoir, dont nous sommes entourés, et nous, des charbons. Ils enseignent, si on leur donne de l’argent, à gagner les causes justes ou injustes.
PHILIPPIDE. Qui sont-ils ?
STREPSIADE. Je ne sais pas exactement leur nom. Ce sont de profonds penseurs, beaux et bons.
PHILIPPIDE. Ah ! oui, les misérables, je les connais. Ce sont des charlatans, des hommes pâles, des va-nu-pieds, que tu veux dire, et, parmi eux, ce maudit Socrate et Chéréphon.
STREPSIADE. Hé ! hé ! tais-toi ! ne dis pas de bêtises. Si tu as souci des orges paternelles, deviens l’un d’eux, et lâche-moi l’équitation.
PHILIPPIDE. Oh ! non, par Dionysos ! quand tu me donnerais les faisans que nourrit Léogoras.
STREPSIADE. Vas-y, je t’en supplie, ô toi, l’homme le plus cher à mon cœur. Entre à leur école.
PHILIPPIDE. Et qu’est-ce que je t’y apprendrai ?
STREPSIADE. Ils disent qu’il y a deux raisonnements : le supérieur et l’inférieur. Ils prétendent que, par le moyen de l’un de ces deux raisonnements, c’est-à-dire de l’inférieur, on gagne les causes injustes. Si donc tu m’y apprenais ce raisonnement injuste, de toutes les dettes que j’ai contractées pour toi, je ne paierais une obole à personne.
PHILIPPIDE. Je n’y saurais consentir : je n’oserais pas regarder les cavaliers avec ma face jaune et maigre.
STREPSIADE. Alors, par Déméter, vous ne mangerez plus mon bien, ni toi, ni ton attelage, ni ton cheval. Je te chasse de ma maison et je t’envoie aux corbeaux.

PHILIPPIDE. Mon oncle Mégaclès ne me laissera pas sans monture. Je vais chez lui, et je me moque de toi.
STREPSIADE. Eh bien, moi, pour une chute, je ne reste point par terre. Mais j’invoquerai les dieux et j’irai moi-même au philosophoir. Seulement, vieux comme je suis, sans mémoire et l’esprit lent, comment apprendrai-je les broutilles de leurs raisonnements raffinés ? Il faut y aller. Pourquoi hésiter encore et ne pas frapper à la porte ?

(…)

Notes

1-Le Socrate mis en scène par Aristophane représente les Sophistes (2).

2-Sophistes (maîtres de sagesse) : professeurs d’éloquence, maîtres en rhétorique et en philosophie, qui vont de ville en ville pour enseigner l’art de parler en public et les moyens de l’emporter sur son adversaire dans une discussion.

3-En réalité, Socrate (470-399 avant J.C.) était en désaccord avec les Sophistes. Il leur reprochait, entre autres, leur utilisation de la démagogie pour vaincre dans les joutes oratoires, pendant que lui ne raisonnait que par argumentation à la recherche de la vérité.

ET DEMAIN, NOUS PRENDRONS UN PETIT CAFÉ SUR LA PIAZZA NAVONA