La nuit des Roggenfelder (extrait)

Au lieu de lire cet extrait d’un texte érotique et transalpin déjà publié, vous feriez bien mieux d’aller voter…

(…) et tout en la regardant intensément dans les yeux, de ma main restée libre, je lui pris un sein et le serrai. Je fus surpris par sa douceur. Tandis qu’une tendre tiédeur gagnait la paume de ma main, je pensais que j’étais perdu : elle allait me gifler, ou crier, ou s’échapper pour courir jusqu’au refuge et me dénoncer à mes camarades horrifiés, je serais chassé sur le champ du refuge et de Sankt-Johann et je rentrerais chez mes parents couvert de honte…
— Non, Franz, dit Tavia en écartant doucement ma main de sa poitrine.
J’étais sauvé ! Elle n’allait pas me dénoncer… Et puis elle ajouta :
— Pas maintenant…

Pas maintenant ? Qu’est-ce que ça voulait dire pas maintenant ?
Pas maintenant, pas cette nuit, pas ici au milieu de tous nos camarades ? Pas maintenant, mais un autre jour, mais demain peut-être ?
Ou encore, pas maintenant, nous sommes, tu es, bien trop jeunes ?
Ou alors, pas maintenant, mais tout à l’heure, tout à l’heure, quand nous rentrerons au refuge et que nous allongerons côte à côte dans le dortoir ?
Je ne savais que penser. Pour cacher mon égarement, je fis semblant d’être fâché. Je lui lâchai la main, lui tournai le dos et regardai loin devant moi. Du dos de ses doigts, elle frôla ma nuque. Je frissonnai. Et maintenant, que fallait-il faire ? Les idées se bousculaient dans ma tête. Un instant, je rêvais même de la renverser sur l’herbe, de l’embrasser passionnément, de la caresser follement…

Un grondement lointain vint interrompre mon rêve. L’air était immobile, la lune et les étoiles avaient disparu. Devant nous, l’obscurité était totale. Tavia me dit, tendue :
— Le tonnerre… Il faut rentrer… vite… j’ai peur de l’orage…
Derrière nous, à une centaine de mètres, on n’apercevait que le rectangle de la porte du refuge, faiblement éclairé. 
Un nouveau roulement de tonnerre se fit entendre, plus prolongé mais peut-être plus lointain. Sans attendre qu’il s’éteigne, Tavia saisit ma main et commença à me tirer vers la lumière. Je la suivis. Autour du feu de camp qui achevait de mourir, il n’y avait plus personne, et dans la salle du bas du refuge, pas davantage. Mais quelqu’un avait laissé deux ou trois chandelles allumées plantées dans une assiette.
Un nouveau coup de tonnerre, plus proche cette fois-ci, fit s’arrêter Tavia, figée sous la trappe qui menait au dortoir. Sitôt que le grondement cessa, elle se précipita sur l’échelle de meunier en me tirant derrière elle.

Le silence et l’obscurité régnaient dans le dortoir. Je me demandai où était tout le monde. Tavia m’entrainait toujours dans son sillage vers le fond de la salle où devaient se trouver nos paillasses mais, après trois ou quatre pas, je trébuchai sur une paire de jambes. Tandis que jaillissaient des protestations et des rires des quatre coins du dortoir, je m’affalais en travers d’une paillasse. Elle était occupée.
— Bonsoir, Franz, et surtout, bonne nuit ! dit la voix d’Anton.
Et puis aussitôt, d’un autre coin de la pièce, une voix anonyme et joyeuse s’éleva :
— Et à toi aussi, Tavia ! Bonne nuit !

Au milieu des rires que l’apostrophe avait déclenchés, maintenant que toute la bande était au courant de notre retour d’escapade, je ne gardais plus beaucoup d’espoir de pouvoir m’allonger à côté de Tavia. Pourtant, dans le noir, je sentis sa main qui m’aidait à me relever et me guidait fermement vers nos couchettes voisines. Quand je la sentis s’étendre sur sa paillasse, je repris un peu confiance et, me mettant à genoux sur le bord du matelas, je me penchais vers elle…
(…)

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