Ambiguïté et confusion 

Ukraine – 737ème jour

On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, avait dit avec beaucoup de finesse François-Machiavel Mitterrand, reprenant à son compte une sentence du Cardinal de Retz. Et tous les admirateurs du trop subtil florentin en sont encore à admirer cet aveu transformé habilement en sagesse de gouvernement. 

Il y a deux ans, nombreux sont ceux en Europe qui avaient reproché à Joe Biden son manque d’ambiguïté quand, en commentaire de l’invasion russe en l’Ukraine, il avait déclaré que jamais il n’enverrait de soldats US en Ukraine. Au moins, comme ça, Poutine était fixé. 

Comme un seul homme et d’un seul coup d’un seul, les trois quart des Français et les trois quarts des pays européens reprochent aujourd’hui à E.M. sa déclaration sur l’engagement de troupes européennes au sol et déclarent qu’en ce qui les concerne, il n’en est pas question. Le discours est repris aussitôt en cela par les USA et l’OTAN. Poutine se trouve donc ainsi encore confirmé dans sa conviction qu’il pourra aller jusqu’où il voudra en Ukraine et au-delà.  Il est aux anges !

Les circonstances et le verbatim de ce qu’a dit E.M. sont exactement les suivants:
Lors de la conférence de presse qu’il a tenue à l’issue de la Conférence de soutien à l’Ukraine, une journaliste de Bloomberg a posé deux questions. La première portait sur ‘’(…)la possibilité d’envoyer des troupes au sol occidentales en Ukraine. Est-ce que cela a été discuté aujourd’hui? Qu’est-ce que vous en pensez et qu’en est-il ?’’. 

La réponse présidentielle a été la suivante :
‘’Sur la première question, tout a été évoqué ce soir de manière très libre et directe. Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique rien ne doit être exclu.’’

Autrement dit : pour le moment, il n’y pas d’accord européen sur ce point, mais rien ne doit être exclu a priori si on se rappelle qu’il y deux ans, on envoyait des sacs de couchage et qu’aujourd’hui ces sont des canons, des chars et des missiles.

La déclaration à peine achevée, toutes les bonnes âmes du RN et de LFI et tous les sages de LR qui reprochaient encore récemment à Macron son ‘’il ne faut pas humilier la Russie’’ ont fait semblant de comprendre que la France de Macron allait envoyer des troupes au sol. Nous allions être co-belligérants (comme si nous ne l’étions pas déjà), Macron nous amenait à la guerre, et la preuve c’est que Poutine, trop heureux, le disait lui même en réponse, et ça, si ce n’est pas une preuve…! Pour tous ces gens, il s’agissait d’affoler les populations et on allait s’y employer avec entrain de l’extrême gauche à l’extrême droite. Il y a quand même des élections dans pas longtemps !

Si l’opposition française a voulu affoler ses populations pour qu’elles se réfugient dans ses bras, les autres gouvernements européens ont, au contraire, voulu rassurer les leurs, mais en adoptant le même discours : Peut-être que la France veut y aller, ont-ils affecté de croire, mais nous, non, on n’ira pas !

Mais où sont passées la finesse, la subtilité, l’intelligence et donc le sens de l’ambiguïté qui font la diplomatie ? Y a-t-il encore quelqu’un dans la salle qui comprenne ce que dissuasion veut dire ? 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *