Piqûre de rappel – 4

C’est l’été et vous allez partir pour quelque pays insalubre où, si vous êtes surs de trouver en abondance moustiques, frelons, et méduses, il est à peu près certain que vous ne trouverez pas une seule bonne librairie. C’est donc l’heure d’une petite piqure de rappel. Rassurez-vous, il ce n’est pas la peine de prendre rendez-vous, et ça ne fait pas mal : il suffit d’aller sur Amazon, de taper Philippe Coutheillas dans la case de recherche et d’acheter Blind dinner ou La Mitro, ou les deux. Vous pouvez aussi penser à vos amis et en prendre plusieurs exemplaires. En attendant voici un extrait de l’une de ces deux œuvres indispensables à un été en sécurité.  

LA MITRO (Extrait)

(…) Comme personne ne faisait attention à moi (personne ne fait jamais attention à moi), à un moment, je me suis glissé entre les jambes de tout ce monde, j’ai longé le mur de la mairie et je me suis accroupi derrière les deux grosses poubelles à roulettes qu’ils ont mises là pour que les gens viennent y jeter des trucs ; dans la jaune, le plastique, et dans la verte, le verre. Les gens, ils y mettent bien tout ce qu’ils veulent, et vas-y, le verre dans la jaune, et le plastique dans la verte, et les vieilles chaussures, et les journaux, et même les crottes de chien dans les deux, même que le maire, il est pas content parce qu’après,

il faut trier. Mais pour me cacher tout en étant aux premières loges, c’était drôlement pratique. De mon poste d’observation, juste à côté et au-dessus de la porte en fer, je pouvais tout voir et tout entendre tranquillement assis par terre.

Pour le moment, il se passait plus rien : monsieur Cabanis était parti chercher madame Mueller, et tout le monde attendait la suite en bavardant, un peu comme pendant la publicité à la télévision. Il se passait tellement plus rien qu’avec la chaleur qui montait, j’ai bien failli m’endormir. Mais les gens dans la foule ont recommencé à faire du bruit et je les ai vus arriver vers moi. Monsieur Cabanis disait à sa sœur qu’il allait lui ficher une danse si elle n’arrivait pas à faire sortir le Parisien tout de suite. Alors elle s’est approchée de la porte, elle a toqué doucement : « Gérard, c’est moi… »

Elle est jolie, madame Mueller. Qu’est-ce qu’elle est jolie ! Et elle est toujours bien habillée et bien coiffée. Elle a des cheveux blond doré qui descendent sur ses épaules en centaines de petits frisotis. Quand elle enlève ses lunettes de soleil, on voit que ses yeux sont bleus comme les autobus d’Aubagne. Elle porte toujours des petites robes courtes en tissu très léger de toutes les couleurs qui lui collent à la peau. Elle a aussi de jolies chaussures avec des talons hauts comme la main et des lacets en cuir. Je l’aime bien, madame Mueller. Et je crois qu’elle m’aime bien aussi. Elle me l’a dit. Si, c’est vrai ! Elle me l’a dit un jour : « Je t’aime bien Félix, tu es gentil. Grandis encore un peu et on pourra s’amuser tous les deux.»  Si, c’est vrai ! Alors, ce vieux crétin de Cabanis, s’il veut lui taper dessus, moi, je le laisserai pas faire.

« Gérard, c’est moi. Ouvre ! qu’elle répète gentiment. »

Comme l’autre, il répond pas, elle insiste.

« Ouvre, s’il te plait. J’ai des choses à te dire, mais je peux pas le faire à travers cette fichue porte. Allez, ouvre.

— Non, tu es une sale garce et je veux plus te voir. Je vais me faire sauter. Dis à tout le monde de s’éloigner, et toi, écarte-toi ! Ça va péter.

— Fais pas ça, mon chéri,  je suis juste à côté de la porte. Écoute, je te propose : tu ouvres et c’est moi qui entre. Comme ça on pourra parler tranquilles. J’ai des choses importantes à te dire. J’ai été méchante et je regrette, et je voudrais t’expliquer.

— Méchante ! Tu appelles ça être méchante ! Coucher avec toute la ville ! Eh bien, tu ne manques pas de culot!

— Mais non, c’est pas ça. Laisse-moi entrer, je vais t’expliquer. C’était des histoires. Je t’ai raconté des histoires, je t’ai jamais trompé, je te jure.

— Martine, tu te fous encore de ma gueule. Tu m’as tout avoué tout à l’heure, à la maison !

— Mais c’était des histoires, j’étais en colère. Laisse-moi entrer, je vais t’expliquer. »

J’entends des frottements à l’intérieur, puis la clé qui tourne dans la serrure, un tour, deux tours, la porte s’entrouvre et Gérard passe la tête:

« Si tu me racontes encore des fariboles, je te préviens, je te fracasse ! »

Madame Mueller lui répond par un joli sourire, timide et doux. Le Parisien hésite un peu, puis il ouvre un peu plus largement la porte. Avant d’entrer, elle chuchote à son frère :

« Va-t’en, Elzéar. J’ai besoin de lui parler seul à seul. Va dire au Maire qu’on sortira tranquillement dans vingt minutes, pas plus.

Elle entre et il referme derrière elle. J’entends à nouveau les deux tours de clé et je vois Monsieur Cabanis qui remonte la rue vers le maire, les gendarmes et la foule. Maintenant, ça parle à l’intérieur, mais je n’entends plus grand chose. Je sors rapidement de derrière mes poubelles, je saute la balustrade et me retrouve en bas de l’escalier. Je colle mon oreille contre la porte. Ça y est, j’entends mieux :

« … ta faute aussi. Tu m’avais traitée de salope. J’étais furieuse, alors, j’ai voulu me venger et je t’ai raconté n’importe quoi. Tu le sais bien que je t’ai jamais trompé. Enfin, réfléchis, tu t’en serais rendu compte, quand même. Tu n’es pas idiot.

— Je sais pas…Mais tous ces hommes que tu m’as dit, là, tu as tout inventé ?

— Ben, …oui…enfin, non…enfin, pas tout à fait.

 Comment ça,  pas tout à fait ?

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