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Les Peuls
Présentation
Parmi les ethnies du Niger que nous avons côtoyé, nous nous arrêtons sur les Peuls: peuplade nomade discrète et mystérieuse qui représente 8,3% de la population (en 2014).On pouvait croiser sur les marchés leurs très belles femmes. Lors de mon séjour dans L’Ader Douchi Maggia nous étions proches. Le premier contact a été la charge des taureaux dans la retenue de Guidanmagagi, puis ma visite aux puits, leur invitation au Charo, plus tard le Geerewol.
Nous allons nous intéresser à un sous-groupe nomade les Wodaabes plus couramment appelés au Niger “les Bororos” qui font pâturer leur bétail dans la zone sahélienne. Il existe plusieurs groupes de peuls sédentaire. Ce qui m’a attiré chez eux est leur mode de vie et leur culture si loin des nôtres !
J’ai été surpris de découvrir toutes les recherches et photographies dont les peuls font l’objet depuis le XX ième siècle et en particulier les théories échafaudées sur leur origine. Les anthropologues ont recherché entre autre le lien entre les vaches à grandes cornes figurées sur les gravures rupestres du massif du Tassili et les vaches à grandes cornes des Peuls actuels.
Une étude de 2018 a établi un lien entre la diffusion de population par le détroit de Gibraltar aux migrations néolithiques et au développement néolithique en Afrique du Nord.
Une étude génétique publiée en 2019, montre que les populations peules sont issues d’un mélange entre un groupe d’Afrique de l’Ouest et un groupe portant à la fois des ancêtres européens et nord africains. Les fractions d’ascendance d’Afrique de l’Ouest à raison de 74,5%, 24.4%d’origine européenne, 4.1%d’origine Est-Africaine.
Les Peuls se situent donc à la frontière du monde « blanc »et du monde « noir ».
Les Bororos sont un peuple de nomade qui se déplace de l’Atlantique au Lac Tchad et évoluent en zone sahélienne. Ils conduisent leurs zébus là où les pâtures sont bonnes.Ils vivent dans des huttes rondes en branchage, recouvertes de couvertures en laine en saison des pluies. Ils ne construisent pas de véritable habitat afin, selon une légende locale, “de ne pas être séparé du ciel”. Leur mobilier est constitué du matériel, de cuisine et pour la transformation du lait. L’ensemble est en bois (pas de métal) et en terre cuite pour la cuisson. Ils ne possèdent pas d’instrument de musique. Ce sont des nomades qui transportent le strict minimum, à dos d’ânes. Leur patrimoine ?: le troupeau ! Ce n’est pas celui que nous connaissons, ce sont des centaines de vaches qui se déplacent ensemble. Elles sont disciplinées et obéissantes. La vache teint une grande place, non seulement dans l’alimentation et l’économie du ménage, mais aussi dans les relations sociales et dans la mythologie. Cet animal a une valeur symbolique très grande et fait partie de leur inconscient collectif. Ils considèrent, la vache comme un « don de Dieu » dont ils doivent prendre soin.
Ils élèvent les vaches pour leur lait et ses dérivés. Les hommes assurent la conduite aux pâturages, organise la transhumance. La gestion et la transformation du lait sont assurées par les femmes.
Les Peuls pensent que :
–l’alimentation à base de lait donne une peau saine, claire et brillante ;
–la crème nettoie le cœur ;
–le beurre assouplit les cheveux, les fait pousser, préserve des poux.
Le lait caillé et le beurre ont une valeur commerciale importante dans ces régions: le surplus de lait et de beurre est vendu par les femmes auprès des populations sédentaires.
Une longue expérience leur a permis d’identifier certaine maladie comme la péripneumonie contagieuse bovine et d’en trouver, depuis des temps très reculés, une méthode de vaccination dit « procédé peul ».
« Le vaccin qu’ils utilisent est préparé en prélevant, sur une bête morte de la maladie un petit morceau de poumon infecté qu’ils laissent macérer un jour ou deux dans un mélange d’eau, de son de petit mil, de lait frais et de gousses pilées d’acacia nilotica (tanin).Une incision cutanée est ensuite pratiquée sur l’animal à vacciner au niveau du chanfrein (entre le front et les naseaux), zone faiblement irriguée et dépourvue de muscle sous-jacent : le fragment de poumon macéré est inséré sous la peau par cette incision »
(Bull.soc.fr.méd.sci.vét.2003)
Les Peuls savent soigner aussi : la trypanosomose, la babesiose, les affections cutanées les mamites etc…
La compétence des Peuls en santé animale découle de leur sens remarquable de l’observation clinique, d’une longue pratique et du soin qu’ils ont à transmettre cette expérience d’une génération à l’autre par tradition orale.
La vie de nomade a développé un caractère indépendant et une hypersensibilité ne favorisant pas le contact avec autrui. Ils sont aussi endogames, c’est à dire que les Bororo ne peuvent contracter mariage qu’à l’intérieur du groupe.
Ils sont en général monogames, mais contractent souvent plusieurs mariages au cours de leur vie (deux ou trois). Chez eux le pouvoir est exercé par les femmes et l’héritage est utérin (matrilinéaire).
La transmission orale des traditions et des légendes est importante n’ayant pas d’écriture. Enseignées auprès des adolescents par les personnes les plus âgées et en particulier les femmes par le moyen de chants, de comptines. Elles véhiculent l’histoire du peuple, ses exploits, ses rites et ses vertus.
Les femmes Peuls
Elles disent qu’elles sont “ les plus belles du monde”. Je ne suis pas un grand voyageur, mais effectivement la majorité des jeunes femmes Bororos rencontrées sont très belles et chez elles la beauté est considérée comme partie intégrante de leur culture. Elles sont grandes, élancées et ont une élégance naturelle, avec un long cou, le nez fin, certaines ont la peau claire et les cheveux souples.
Ces femmes que nous avons croisées étaient nées dans les années 1950. Leurs mères avaient accouché en brousse assises en plein air, avec l’aide de plus âgées, sans grand hygiène. La sélection naturelle faisait son œuvre: seuls les plus résistantes avaient droit à la vie ! Cela explique en partie la beauté de ces êtres (survivants), hommes et femmes.
Elles mettent de plus en valeur cette beauté par quelques tatouages sur le visage, les lèvres, les paumes des mains et les pieds. Chez les Bororos elles se percent les oreilles pour y placer sept grands anneaux d’argent à chacune. Nous en avons rencontré qui en avait perdu un ou plusieurs, laissant apparaître une déchirure. La vêture se compose d’un chemisier sans manche bleu marine avec ou sans raies rouges et d’une jupe faite dans la même toile.
Les femmes Bororos ramènent en chignions leur cheveux à l’avant, le reste des cheveux est sélectionné en plusieurs parties qu’elles tressent et qui retombent sur les côtés de la figure et à l’arrière de la tête. Un Peul m’a expliqué que cette touffe de cheveux sur le front des femmes, symbolisait “le refus à l’islam ” : leur front ne pouvant pas, ainsi toucher le sol. Je n’ai jamais retrouvé cette explication !
Les femmes Peuls émanent naturellement du charme, celui-ci s’appuie sur un savoir-faire gestuel, sur un code d’expression des émotions, cela demande tout un travail, un apprentissage. Le charme s’appuie également sur une mise en valeur du corps par des pratiques esthétiques et par les techniques de mouvement.
L’anthropologue Olivier Kyburz décrit la marche et le regard de la femme Peule:
« La démarche d’une femme Peule se caractérise par la lenteur du pas ainsi que par un léger balancement des fesses et des bras. Les femmes conservent leurs bras près du corps, excepté si elles transportent un objet. Par exemple, elles positionnent une calebasse contenant du lait de vache sur leur tête et la tiennent d’une main, tandis que l’autre bras longe le corps. Le mouvement du fessier et des bras a pour fonction de créer une impression de rythme. Les bras accentuent le rythme du pas en effectuant un mouvement d’avant en arrière tout en restant près du corps. L’exécution de ce mouvement se caractérise par une certaine souplesse et lenteur. À l’inverse du fessier et des bras, les épaules et la tête demeurent immobiles et sont redressées. Les femmes soulèvent enfin en marchant leurs pieds légèrement au–dessus du sol. La démarche féminine associe ainsi des parties corporelles en mouvement, les bras et le fessier, à d’autres plus statiques comme la tête et les épaules. Dans la posture érigée, les femmes donnent des regards furtifs mais réguliers pour se déplacer et identifier les personnes dans les espaces publics. Leur regard balaie l’horizon rapidement afin de se positionner tout en imposant une frontière d’ordre proxémique entre elles et les individus. Lorsqu’elles rencontrent une personne, elles modifient le positionnement de leur tête. Durant une conversation, une femme incline vers le bas ou sur le côté sa tête, afin de ne pas regarder autrui dans les yeux. Elle regarde alors du coin de l’œil ou rapidement l’autre personne dans les yeux, avant de fixer un autre point dans l’espace. Si sa curiosité est suscitée, elle a de brefs regards en faisant attention à ce que l’autre personne ne la regarde pas au même moment ».
Nous avons rencontré par deux fois des jeunes femmes portant des anneaux de pied, en bronze de 1,3kg posés sur leurs jambes, biens brillants symbolisant la richesse et surtout accentuant leur démarche.
On note chez les Peuls un pouvoir exercé par les femmes, ainsi que l’héritage est utérin.
A SUIVRE
Depuis son premier numéro, Aventure en Afrique, nous a fait découvrir – en tout cas à ceux qui ne connaissent pas ce continent – la mémoire d’un monde authentique, fascinant, souvent poétique et attachant, une culture originale tout en étant empreinte du colonialisme finissant, loin de l’image que nous en connaissons aujourd’hui quelques 50 ans plus tard. Je remercie Géraud de ces textes passionnants et des photos toujours pertinentes qui les accompagnent. C’est un travail digne de la Collection Terre Humaine de Plon dont j’ai lu plusieurs des livres.
Simplement passionnant !
Et quelles beautés !