Dernière heure : Quoi de neuf ? Molière !

— Qu’est−ce donc ? Qu’avez−vous ?  

— Laissez−moi, je vous prie.

— Mais encore, dites−moi quelle bizarrerie…

— Laissez−moi là, vous dis−je, et courez vous cacher.


— Mais on entend les gens, au moins, sans se fâcher.


— Moi, je veux me fâcher, et ne veux point entendre.

— Dans vos brusques chagrins je ne puis vous comprendre,
 Et quoique amis enfin, je suis tout des premiers…

— Moi, votre ami ? Rayez cela de vos papiers.
J’ai fait jusques ici profession de l’être ;
Mais après ce qu’en vous je viens de voir paraître,
Je vous déclare net que je ne le suis plus,

Et ne veux nulle place en des cœurs corrompus.

Vous avez reconnu les premières répliques de la première scène du premier acte du Misanthrope.
Je me souviens qu’à l’occasion de ma critique aisée de la pièce telle qu’elle avait été montée à la Comédie Française il y a six ans, j’en avait fait le résumé suivant :

Alceste aime beaucoup Célimène qui aime un peu Alceste, mais Alceste est un enquiquineur de première, et Célimène, une coquette. Alceste n’aime pas le monde, enfin pas beaucoup de monde, et Célimène adore avoir du monde, du beau monde, autour d’elle. Alors Alceste fait des scènes à tout le monde et à Célimène. L’ami d’Alceste, Philinte, a beau lui conseiller de faire des concessions au monde, de ne pas nécessairement dire ce qu’il pense de tout le monde à tout le monde, Alceste fait des efforts mais échoue lamentablement, son autisme naturel revenant au galop. A force, il se met tout le monde à dos et ça ne finit pas très bien pour lui : il se retire du monde ; pour Célimène non plus d’ailleurs : le grand monde lui tourne le dos.

D’accord, le résumé est trivial, mais d’une part, je le crois fidèle à ce qui n’est peut-être pas la pièce la plus drôle mais, sans aucun doute, la plus belle de Molière. De plus, si par extraordinaire vous n’avez jamais vu la pièce ou l’avez oubliée, il vous suffira largement pour apprécier ce que je vais vous recommander.

Adoncques, je vous conseille le plus vivement du monde de filer sur France 4 pour y voir, en replay sur France TV ou par le lien que je vous donne un peu plus bas, « Atelier Misanthrope : Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous ? »

Pendant quatre-vingt dix minutes, Jacques Weber, qui réalise l’émission, et Denis Podalydes vont lire, répéter, jouer, rejouer, décortiquer, analyser, parodier la première scène du premier acte du Misanthrope, chaque comédien jouant indifféremment Alceste ou Philinte.

Le spectacle est peut-être un peu long pour vos esprits volages, mais il est éblouissant d’intelligence, de sensibilité, de drôlerie et de talent. Il est même très drôle quand les deux compères jouent la scène à la manière d’un film muet de Max Sennet. Il est émouvant quand Jacques Weber découvre avec émotion dans le jeu de Podalydes, son cadet de quinze ans,  une manière de jouer Alceste qu’il n’avait pas soupçonnée et qu’il avoue être bien incapable d’assumer.

Vous ne pouvez pas manquer ça. Dépêchez-vous, vous n’avez que jusqu’au 23 octobre.

https://www.france.tv/spectacles-et-culture/theatre-et-danse/4176319-atelier-misanthrope-qu-est-ce-donc-qu-avez-vous.html

 

Une réflexion sur « Dernière heure : Quoi de neuf ? Molière ! »

  1. Le titre « Quoi de neuf ? Molière ! » n’est pas de moi.
    Il est de Sacha Guitry bien sûr.

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