Rendez-vous à cinq heures autour d’une coupe (5)

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Presque tout sur le champagne (5)

Bon ! C’est pas tout d’avoir la bouteille fraiche et les verres propres. Maintenant, il va bien falloir l’ouvrir cette roteuse de champ’ ! Voyons donc ce qu’en dit l’Union des Maisons de Champagne. 

OUVRIR SA BOUTEILLE

LES DIFFÉRENTES MÉTHODES

Le grand vin qu’est le champagne ne se sert pas n’importe comment. Il mérite d’être entouré d’un certain respect et honoré d’un cérémonial qui a sa place dans le plaisir que l’on éprouve immanquablement à déboucher ou voir déboucher une bouteille de champagne.

Certes, depuis plus de deux cent cinquante ans des millions de bouchons ont sauté sans aucun protocole et il en sera ainsi aussi longtemps que l’on boira du Champagne. Ouvrir de la sorte la bouteille, c’est une expression de spontanéité dans l’allégresse qui a une valeur indiscutable pour créer une ambiance de fête, pour célébrer le succès. Après tout, la détonation fait partie des rires de la victoire et le bruit des bouchons de Champagne qui sautent vaut bien celui d’une mousqueterie.

De nos jours, il est devenu incongru de faire sauter les bouchons dans les réunions officielles et mondaines ou dans les restaurants et établissements publics. Les vrais amateurs ont définitivement opté pour l’ouverture silencieuse de la bouteille. Il y a à cela plusieurs avantages. Après le départ soudain du bouchon, la pression baisse brusquement en dissipant une part des bulles qu’on a pris tant de soin et tant d’années à mettre en réserve dans le vin. De plus, on risque de perdre une quantité appréciable d’un vin de grande qualité qui peut devenir considérable si la bouteille a été secouée ou insuffisamment refroidie. On doit ajouter que, lorsqu’il saute, le bouchon peut être dangereux car il quitte la bouteille â une vitesse de 13 mètres/seconde. A un mètre de distance, il est susceptible d’atteindre à 40 km/h, en moins de 1/10e de seconde, un œil qui a justement besoin de 1/10e de seconde pour se fermer.

Que penser de l’ouverture de la bouteille de champagne au sabre. C’est un usage qui est traditionnel dans plusieurs armées du monde et particulièrement dans les régiments de cavalerie. L’opération est assez simple. D’une main on tient la bouteille par le corps, la paume en dessous et de l’autre, on fait glisser d’un coup sec la lame du sabre, à plat, sur la partie supérieure du fût, le côté non tranchant faisant face au goulot. Le sabre vient ainsi heurter la bague de la bouteille qui, en raison de particularités de fabrication, se sépare en entraînant le muselet et le bouchon. La cassure est parfaitement nette et il n’y a aucune chute d’éclats de verre dans le champagne. Sabrer le champagne est inoffensif pour celui-ci mais pas obligatoirement pour les spectateurs si l’opérateur est maladroit. Davantage encore qu’avec le saut du bouchon, on risque de perdre mousse, pression et vin, et c’est pourquoi il vaut mieux, pour cette opération, que la bouteille soit glacée.

Il est préférable de déboucher en douceur pour conserver au champagne l’intégralité de ses qualités physiques et organoleptiques, tout en créant l’atmosphère de recueillement propre à sa dégustation. On pourrait ajouter qu’il s’agit d’un rituel, dont les règles, si elles sont scrupuleusement observées, réjouissent les initiés et ne laissent pas indifférents les profanes.

LES PROCÉDÉS D’EXÉCUTION DE LA MÉTHODE CLASSIQUE

Il convient tout d’abord de s’assurer que tout est prêt pour l’ouverture : la bouteille, dûment rafraîchie dans son seau ou son étui isolant, un verre à portée de la main, une serviette propre, une pince et un tire-bouchon destinés aux bouchons rebelles, la pince la plus commode étant la pince de sommelier, ou mieux encore la pince à champagne, plus épaisse et qui épouse toute la partie libre du bouchon.
Ensuite, on entreprend de déboucher la bouteille. Pour éviter que la mousse ne se développe exagérément à l’ouverture, toutes les opérations doivent se faire sans secouer la bouteille, en la tenant par le corps et non par le goulot, dans lequel le vin se réchaufferait. Si la bouteille est à la température convenable de service, l’affaire ne devrait pas présenter de problème autre que celui que peut poser le bouchon. Voici les règles de l’ouverture de la bouteille de champagne telles qu’elles sont en usage dans la sommellerie, étant entendu qu’à domicile le particulier en observera celles qui lui paraîtront nécessaires.

  1. Sortir la bouteille de son réceptacle. Si elle était dans le seau à champagne, l’essuyer avec la serviette (celle-ci pourra être utilisée ensuite pour les opérations du débouchage mais ce n’est pas indispensable). La renverser sans brusquerie sur elle-même une ou deux fois pour mélanger le liquide dûment rafraîchi avec celui qui, dans le goulot, ne l’a pas été autant ; faute de pratiquer cette opération, ce qui est versé dans le premier verre n’est pas assez froid. Or c’est justement celui du client qui doit juger si le champagne est servi convenablement.
  2. Présenter la bouteille aux convives car l’esthétique de son habillage contribue déjà à leur plaisir.
  3. Dégager l’œillet du muselet et le détordre ; séparer légèrement les branches du muselet. L’œillet (boucle) est parfois apparent ou tout au moins visible par le renflement qu’il forme sous la coiffe du muselet. Sinon, il faut palper le goulot pour le sentir sous le doigt. Si l’habillage est trop épais pour qu’il puisse être décelé, il faut en enlever à l’ongle des morceaux successifs jusqu’à ce qu’il ait été découvert. C’est le seul cas dans lequel on peut être amené à « déshabiller » la partie supérieure de la bouteille. On considère que le faire systématiquement est une perte de temps et que l’opération est inesthétique. Normalement, l’œillet se détord dans le sens contraire à celui des aiguilles d’une montre, mais pour quelques marques, c’est l’inverse ; il faut donc se méfier.
  4. En essayant de faire imperceptiblement tourner le bouchon encore partiellement maintenu par le muselet, vérifier s’il est fortement fixé dans le goulot, ce qui est généralement le cas pour un bouchon resté peu de temps dans la bouteille, ou s’il risque au contraire de s’échapper dès qu’il sera libéré du muselet, comme cela arrive, par exemple, avec un bouchon « cheville » (fréquent avec de vieux vins).
  5. Si le bouchon est solidement rivé au goulot, finir de séparer les branches du muselet et l’enlever en même temps que la partie de l’habillage qui le recouvre, d’un seul mouvement en se servant de ses doigts comme d’un crochet pour décalotter le fil de fer ; placer aussitôt un pouce sur le bouchon, par mesure de sécurité. Si le bouchon est jugé prêt à partir, afin d’éviter d’être surpris en flagrant délit de manœuvre, on enlèvera d’un seul coup le muselet (avec son habillage) et le bouchon, en suivant les préceptes des paragraphes ci-dessous.
  6. Saisir le corps de la bouteille avec une main, en l’inclinant de 30 à 45° afin de faciliter le débouchage en évitant la sortie de la mousse à l’ouverture, mais en prenant bien garde de ne pas diriger la bouteille vers un des assistants, qui pourrait être atteint en cas de départ intempestif du bouchon. Tenir en même temps le bouchon de l’autre main en le logeant dans le pli du pouce que l’on a placé par-dessus, l’index entourant la partie libre du bouchon et les autres doigts accrochés autour du col de la bouteille.
  7. Tourner la bouteille pour en séparer sans bruit le bouchon, en balançant légèrement si nécessaire celui-ci avec le pouce et l’index, les trois autres doigts prenant toujours appui sur le col de la bouteille, et en laissant progressivement fuser le gaz jusqu’à ouverture complète. Si nécessaire, pour avoir davantage de force, on peut appliquer la main qui tourne la bouteille sous le culot de celle-ci. Si le bouchon résiste, l’ébranler avec la pince et terminer le débouchage à la main.
  8. Essuyer le goulot avec la serviette ou avec le « miroir » (bas du bouchon en contact avec le vin) du bouchon, tout en faisant faire lentement une rotation à la bouteille, toujours inclinée, si la mousse a tendance à sortir seule.
  9. Verser le tiers d’un verre au maître de maison pour qu’il puisse s’assurer que la température et la qualité du vin sont convenables ; dans un service collectif on vérifiera soi-même l’état du vin.

Cette méthode de débouchage est la seule qui assure le parfait contrôle du bouchon, grâce à la mobilité du pouce et à la fixité de la main, avantage que n’a pas celle qui consiste à coiffer le bouchon de la paume de la main et qui est pratiquée trop souvent. Tourner le bouchon au lieu de la bouteille est absolument déconseillé. On a moins de force qu’avec la large prise du corps de la bouteille, on contrôle moins bien l’ouverture et on risque de casser le bouchon.

On peut utiliser systématiquement la pince pour dégager le bouchon, en finissant le débouchage à la main ; c’est ce qui se fait couramment quand on a de nombreuses bouteilles à déboucher. Dans les cas désespérés, on peut tremper pendant deux minutes le haut du goulot dans de l’eau chaude, toujours en maintenant le pouce sur le bouchon. Ce procédé peut être utilisé si le bouchon a cassé, mais dans cette éventualité on peut aussi se servir d’un tire-bouchon, la seule précaution à prendre étant d’entourer d’une serviette le goulot, pour le cas, extrêmement improbable, où celui-ci viendrait à se briser.

Mais moi, pour déboucher le champagne, j’ai un appareil spécial, un joujou extra, un truc qui fait crac-boum-hue, que tout le monde m’envie et que je vous recommande : 

A SUIVRE 

 

5 réflexions sur « Rendez-vous à cinq heures autour d’une coupe (5) »

  1. Mon cher Monsieur Bételgeuse de l’Orion,
    Je vous remercie sincèrement d’avoir bien voulu me consacrer un peu de votre temps précieux pour m’initier à la politesse dont nous autres au dernier échelon de l’échelle sociale à Tortilla Flat avons grand besoin. Pour vous démontrer que la leçon a été bien apprise je ne vois qu’une solution, celle qui ferait que vous m’invitassiez en bonne et due forme à l’un de vos rallyes de la haute société où je pourrais goûter aux millésimés et caviars de votre choix. Si vous daignassiez m’y autoriser, osez m’autoriser à venir accompagné de mon inséparable ami Danny, je vous assure que vous ne seriez pas déçu par nos manières.

  2. Mon cher Paddy,
    il est très honorable de désirer apprendre les bonnes manières. Les bonnes manières, c’est une part importante de la politesse, et c’est avec la politesse que commence le respect des autres. Et le respect des autres, c’est la paix civile et la paix tout court.
    Mais quand il s’agit de vouloir apprendre les bonnes manières pour pouvoir accéder sans invitation ni vergogne aux salons du beau monde où l’on peut se torcher gratos au millésimé et s’empiffrer de saumon fumé à la sauce caviar jusqu’à vomir dans les rideaux de la comtesse, c’est une autre paire de manche. C’est le début de la pente savonneuse qui mène successivement l’indélicat du stade de pique assiette occasionnel à celui de parasite permanent pour finir inéluctablement dans la peau de l’assassin crapuleux. Et là, je dis « Attention ! Attention de ne pas tomber plus bas dans l’échelle sociale ! »

  3. Hello Rodrigo, moi qui suis issu des quartiers sud de Tortilla Flat où tout est inné comme l’innévitable recours à l’innéluctable débouchage de bouteilles pour assouvir une innébranlable et même innégalable soif … , je précise toutefois que la mienne est une irrépressible soif d’apprendre les bonnes manières pour arriver, où ? je n’en sais rien, peut-être là où on peut boire du champagne jusqu’à plus soif.

  4. je voudrais pas avoir l’air de me vanter, mais chez moi, le débouchage de bouteille, c’est naturel, c’est inné, ça se transmet de père et mère en fils, pas besoin d’école, on est tous doués pour ça dans la famille

  5. À l’évidence, déboucheur de bouteille de champagne, c’est un métier! Combien d’années d’études et d’apprentissage? Quelle école? Comment y entrer ? (sur dossier? concours? examen? faut-il avoir son bac?). Quel diplôme à la sortie? Peut-on cumuler ce métier avec celui d’ouvreur d’huîtres? Est-ce un métier d’avenir pour un jeune? Je pose ces questions c’est pour mon petit-neveu qui est bouché à l’émeri comme on dit.

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