NOUVELLES DU FRONT (26) – 22/03/2022

LA BÊTISE AU FRONT DE TAUREAU

Nous avons, pour plaire à la brute,
Digne vassale des Démons,
Insulté ce que nous aimons
Et flatté ce qui nous rebute ;
Contristé, servile bourreau,
Le faible qu’à tort on méprise ;
Salué l’énorme bêtise,
La Bêtise au front de taureau.

Explosion d’une tête de cylindre

Voici un très court extrait des Aventures de Huckleberry Finn. Il s’agit d’un dialogue au cours duquel Huckleberry ment à Tante Sally. Il lui explique que s’il est en retard, c’est parce qu’il y a eu une explosion à bord du bateau à vapeur sur lequel il se trouvait.

Huckleberry Fin :
— On a explosé une tête de cylindre.

Tante Sally :
— Mon Dieu ! Des blessés ?

-Huckleberry Finn :
— Non, M’dam. Un nègre tué.

Tante Sally :
— Eh bien, c’est un coup de chance ; parce que quelquefois il y a des gens qui sont blessés.

Et maintenant, le texte original :

« We blowed out a cylinder-head. »
« Good gracious! anybody hurt? »
« No’m. Killed a nigger. »
« Well, it’s lucky; because sometimes people do get hurt. »

Quand on a lu un minimum de Mark Twain, ce qui est la moindre des choses pour un citoyen américain, quand on sait que cet écrivain était engagé contre le racisme dont les noirs étaient victimes à son époque, et même quand on ne sait pas ça, quand on a un minimum de jugeote, de bon sens et de bonne foi, il ne faut pas deux minutes pour comprendre à la lecture de ce texte que les paroles de Tante Sally ne reflètent pas la façon de penser de l’auteur.

Je ne sais plus si Tante Sally est, dans le roman, un méchant personnage ou non, mais ce dont je me souviens c’est que Huck a été élevé dans le racisme, mais il n’est encore qu’un enfant.

Par ce dialogue très cru, il parait tout de suite évident que Mark Twain veut donner une image éclatante et satirique du naturel et de l’insouciance avec laquelle la plupart des blancs de l’époque considéraient que les noirs n’étaient pas de véritables êtres humains.

Mais la satire est sans doute trop subtile pour certains — on devine que c’est aux USA et au Canada qu’ils se trouvent — qui veulent faire interdire ou tout au moins réécrire ce chef-d’œuvre de la littérature américaine. Ils ont d’ailleurs probablement déjà réussi ici ou là. 

En tout cas, ce qui est certain, c’est qu’une jeune fille de l’Etat de Virginie a fait écrire par sa mère à la directrice de son école pour dire que l’utilisation du mot « nègre » dans ce texte l’avait offensée.  L’école a rapidement supprimé le livre par qui le scandale était arrivé. Du coup, la jeune indignée et toutes ses camarades de classe auront appris qu’il suffit de geindre un peu pour parvenir à priver toute une école, peut être bientôt tout un pays, des plaisirs de la lecture de Mark Twain et, qui plus est de son roman le plus critique sur l’hypocrisie de la société américaine et le plus antiraciste de l’époque. 

On se demande ce qu’écrirait Twain aujourd’hui. Mais aurait-il seulement le droit de l’écrire ? 

 

Une réflexion sur « NOUVELLES DU FRONT (26) – 22/03/2022 »

  1. Pauvre Mark Twain! Il a en effet fait plus pour la prise de conscience du racisme ambiant dans le Sud des EU que tout autre. Mais le monde occidental avec son mouvement woke et le cortège d’imbéciles qui l’accompagne, marche sur la tête. Faudra-t-il que toute œuvre ou spectacle qui inclut le mot « nègre » soit interdit ou brûlé en place publique (autodafés chers aux fascistes)? Faire ressortir Joséphine Baker du Panthéon, elle la star de la « Revue Nègre »? Faudra-t-il interdire les disques ou les retransmissions de « negro-spirituals »?
    Mon opinion est que les racistes, les vrais, ceux qui ne supportent pas la couleur de peau noire, aux USA comme ailleurs, et les wokistes masqués sont tout aussi détestables les uns et les autres. J’inclus dans ce tas de salopards virulents le virusse Putine.

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