La bière

Morceau choisi

(…) mais je buvais aussi un peu de tout, et dans ce tout il y avait beaucoup de bières, avec une prédilection pour la 1664.
J’aime la bière. C’est la déglingue de proximité. On commande sans réfléchir, comme on hèle un taxi. Une-pression-s’il-vous-plaît. On reprend la conversation. Une bière, ce n’est pas grand-chose. On garde un air dégagé, mais toute la tension est tendue vers le verre à venir. Le manque se fait sentir, cruel : pas une sensation sophistiquée, juste un trou au plus profond de l’être. Qui a bu, boira : c’est l’axiome implacable. La bière arrive. On ne renifle pas le verre, on ne fait pas cent grimaces. On ne la goûte pas. On la sèche sans façon. La bière n’est jamais décevante. On reçoit ce que l’on vient chercher : la fraîcheur, le goût de blé humide et l’alcool qui chauffe le carafon. Elle ne recèle pas de secret, elle est ce qu’elle donne à voir : le contenu doré et glacé, dans son contenant ergonomique et fuselé. On ne la fait pas tourner comme un maniaque, on ne commente pas, on saisit le verre parce qu’il fait bon sentir les minuscules cristaux de givre sur la paume. On n’en boit une deuxième, on est très légèrement engourdi, on se détend, on prend possession des lieux. Tout à coup les choses se précisent, les choses et les gens gagnent en relief. Les couleurs sont plus chaudes, pas beaucoup plus mais un peu. On veut se nouer. On parle aux gens qu’on ne connaît pas. Ou bien on reste seul, dans la torpeur agréable. (…)

Le Voyant d’Étampes (Abel Quentin)

5 réflexions sur « La bière »

  1. @Lariegeoise. J’ai enfin retrouvé dans la littérature contemporaine cette autre évocation de la première gorgée de bière …

    Laisse-moi goûter pleinement mon unique plaisir, laisse-moi tremper mes lèvres fatiguées dans la fraîcheur pétillante de ce souvenir incertain. Laisse-moi contempler au fond des vagues jaunies les navires floconneux de mes voyages imaginaires. Laisse-moi refroidir ces élans brûlants qui endolorissent le quotidien. Laisse-moi encore me perdre dans cet océan opaque où s’évanouissent lentement mes rêves et mes cauchemars ! Ah, un demi bien frais dont la première gorgée fait frissonner et dont les suivantes ne sont plus que de tièdes souvenirs. Ah, un demi bien frais accoudé au bar avec le compagnon de route fidèle, quoi de plus chaleureux ?

  2. La comparaison s’impose avec La Première Gorgée et je ne suis pas du tout d’accord avec Lariégeoise …
    D’ailleurs, la bière est une boisson d’hommes et je n’ai jamais vu la moindre femme commander un demi sur le zinc, même à l’Écritoire..

  3. En pub anglais, on la boit plutôt à température ambiante, surtout pas glacée car ça anesthésie les papilles.
    J’ai essayé. Je suis d’accord.
    Par contre, pour le cidre, c’est mieux bien frais, sauf que le cidre, ça dépend d’autres facteurs tels que le mélange entre variétés de pommes « à cidre » et l’ensoleillement sur l’année.
    Parole de normand cauchois.

  4. Bonjour Lariegeoise, et bienvenue dans notre vallée de larmes.

    Il m’arrive de moins en moins souvent d’être machiavélique et je m’efforce depuis toujours de ne pas être manichéen. C’est pourquoi j’affirme avec vigueur que le placement de Valérie Pécresse entre les Routiers de la Liberté et le Tsar de Toutes les Russies était une coïncidence due à l’actualité et seulement à elle. J’aurais bien mis V.P. juste après la victoire du XV sur l’Irlande si le match avait eu lieu plus tôt.

    « Idole de la droite il y a deux mois » ? Peut-être, mais pour moi, comme je l’ai dit, seulement l’objet d’une certaine considération, pas uniquement due à la galanterie ou à la parité (Cf les articles sur Notre-Drame de Paris).
    Il fait bien avouer que si elle a été une bonne haute fonctionnaire, ou gestionnaire de la région ou je ne sais quoi d’autre, elle n’est pas une bonne candidate, froide et mauvaise oratrice. Ça gène peut-être une certaine « droite frustrée« , comme tu le dis, mais pas moi. Ça me la rendrait même plutôt sympathique. Ce qui me gêne, ce qui pour moi est rédhibitoire, c’est qu’elle n’a pas su ou plutôt pas voulu remettre Ciotti à sa place. J’ai compris pourquoi, bien sûr, mais ça ne change pas mon opinion sur cette mauvaise action. Je le redis : c’est raidibitoire !

    Le Journal des Coutheillas n’a pas tant d’influence que cela puisse expliquer l’unanimité que tu as évoquée contre V.P.
    Et quand tu évoques que la détestation de Macron pourrait pousser certains électeurs (sous-entendu de droite) à l’abstention, je crois que tu ne vas pas assez loin. Moi j’ajouterai qu’elle pourrait les pousser jusqu’à voter E.Zemmour ou M.LePen au deuxième tour.
    Ça c’est déjà vu. Certains se rappellent peut-être encore que c’est aux instructions que J.Chirac avait données de voter Mitterrand contre Giscard d’Estaing au second tour que nous devons 14 années de Mitterrand.
    Et c’est sans doute en hommage à J.C. que Ciotti a annoncé qu’entre EM et EZ, il choisirait le second.

  5. Cette ode à la bière est autrement plus goûteuse et virile que l’embleme fâlot de la nouvelle douceur masculine qu’avait incarné P DELERME avec sa première gorgée de bière …
    Hier je redescendais de la montagne( toujours belle) et faute de réseau j’ai retenu mon clavier.
    Placer Valerie Pecresse entre les damnés des ronds point et les bruits de bottes poutiniens m’a paru injuste et decevant.
    Il y a deux mois elle était l’idole de la droite frustrée de sa victoire en 2017; la voilà la cible de toutes les attaques: le balancier médiatique a viré à 180 degrés….
    Cette unanimité contre elle peut provoquer un accèdent électoral : la détestation de Macron peut pousser à l’abstention des électeurs lassés de son en même temps permanent et Marine peut rafler la mise….
    C’est improbable mais pas impossible…

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