Shakespeare et ses amis (4)

William Shakespeare et William Shakespeare

Durant toute sa carrière, le barde de Stratford fut accusé de faire écrire ses pièces par quelqu’un d’autre. Plus de quatre cents ans après sa mort, perdurent encore les engueulades mémorables entre érudits de tous poils sur le sujet de savoir qui a vraiment écrit Macbeth, Hamlet, Jules César et tout le toutim. On ne compte plus les magazines littéraires, les thèses universitaires et même les tabloïdes britanniques farcis des envolées lyriques de ceux qui soutiennent que c’est Francis Bacon qui est l’auteur du Songe d’une nuit d’été, des répliques méprisantes de ceux qui pensent que c’est le VIème Comte de Derby, des diatribes interminables des supporters du Comte d’Oxford, et des quolibets cinglants des adeptes de Marlowe. Sans parler des exclamations de ceux qui jurent que c’est la reine elle-même, Elizabeth 1ère, qui a écrit « La tragédie de Romeo et Juliette« . Assertions ridicules, prétentions extravagantes, mensonges éhontés que tout cela ! Comment voulez-vous qu’une Reine, aussi vierge soit-elle, ou un philosophe, aussi cognitivement biaisé que Francis Bacon, ou encore un comte de Derby ou même d’Oxford, aristocrates probablement dépravés et incultes comme la tradition l’exige, comment voulez-vous que l’une de ces personnes ait pu écrire ce qui suit et qui mit la larme à l’œil de la terre entière et de ses environs :

Wilt thou be gone? it is not yet near day: 
It was the nightingale, and not the lark, 
That pierced the fearful hollow of thine ear;
Nightly she sings on yon pomegranate-tree: 
Believe me, love, it was the nightingale. (1)

Non ! Seul Christopher Marlowe aurait pu écrire cette merveille, n’eut-il été complètement défunt au moment des faits.

Car je peux bien vous le dire aujourd’hui : effectivement, ce n’est pas William Shakespeare qui est l’auteur des œuvres de William Shakespeare, mais quelqu’un d’autre qui se faisait appeler William Shakespeare. Étonnant, non ? Je suis absolument navré de devoir ébranler avec ce coup de tonnerre des certitudes mentales qui ont fondé les principes moraux de tant d’entre vous, désolé de mettre ainsi à bas des édifices intellectuels péniblement érigés au cours de vos longues années d’échec scolaire, mais un fait est un fait, et je ne sentais pas le droit de le garder pour moi tout seul.

  • Note 1
    Veux-tu partir ? Ce n’est pas encore le jour.
    C’était le rossignol, non l’alouette,
    Qui perçait le tympan craintif de ton oreille.
    Il chante chaque nuit sous ce grenadier.
    Crois-moi, mon bien-aimé, c’était le rossignol.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *