L’histoire ? On s’en fout !

Au temps où l’invention d’un sujet nouveau était considéré comme une tricherie, La Fontaine s’est efforcé d’imiter Esope et Phèdre, Molière a cru traduire Plaute, Racine fit le disciple modeste d’Euripide : ce sont trois génies purement français, d’une originalité rayonnante qu’ils n’avaient certainement pas recherchée. Ce n’est ni le sujet ni la matière d’une oeuvre qui font sa nouveauté : c’est la démarche de l’esprit de l’auteur, sa vision du monde, le son de sa voix, l’invention et la maîtrise de sa propre langue.

Marcel Pagnol – Cinématurgie de Paris – 1980

Je vous l’ai dit cent fois : l’histoire, on s’en fout ! C’est le style qui est important.

4 réflexions sur « L’histoire ? On s’en fout ! »

  1. Et puis « le style c’est l’homme » comme le dissertait Buffon (attention, un homme bien de chez nous, et surtout ne pas prononcer son nom à l’italienne, y aurait confusion).

  2. Il me semble que, là encore, pas mal de choses se sont perdues dans la traduction Pagnol/Philippe.

    Avec Philippe et Pagnol, je partage la déconstruction de l’histoire narrée.

    Par contre, côté reconstruction, je ne me restreindrais pas au style.

    Certes, on peut le retrouver, chez Pagnol, dans ‘le son de la voix de l’auteur’ comme dans ‘l’invention et la maîtrise de sa propre langue.’

    Ces trois éléments sont importants mais je mettrais la priorité sur deux autres dimensions clefs: ‘la vision du monde’ et ‘la démarche de l’esprit de l’auteur.’ Ces dimensions vont beaucoup plus loin que le style, même pris dans une acception ample!

    Paradoxalement, ce faisant, l’auteur construit et exprime ainsi ce que les Anglo-Saxons nomment « A Narrative. » Une reproduction (plus ou moins approximative puisque lourdement affectée par la démarche de l’esprit de l’auteur qui est situé dans le temps et l’espace) du monde et de son fonctionnement. En fin de compte, c’est là une autre ‘story,’ c’est à dire une histoire (parallèle à la réalité qui échappe à tous) qui lui est propre et à laquelle ses lecteurs peuvent,éventuellement, se convertir s’ils lui font confiance!

    S’ils ne lui font pas confiance, cette histoire exhibée leur fournit la corde avec laquelle ils pendront l’auteur ou, si l’on préfère, les clous avec lesquels ils le crucifieront!

  3. Bien sûr, la démarche dont parle Pagnol n’est pas le plagiat dont Ambrose Bierce disait dans son Dictionnaire du Diabble (la Bible de l’incongruité que j’ai déjà eu l’occasion de citer dans ces colonnes) que c’est « emprunter la pensée et le style d’un autre ecrivain que l’on a jamais, jamais lu ».

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