L’ironie

Morceau choisi

…D’abord de l’ironie. Ne vous laissez pas dominer par elle, surtout à vos heures de sécheresse. Dans les moments créateurs efforcez-vous de vous en servir comme d’un moyen de plus pour saisir la vie. Employée pure, elle aussi est pure ; il ne faut pas en avoir honte. Si vous vous sentez trop de penchant pour elle, si vous redoutez avec elle une intimité́ grandissante, tournez-vous vers de grandes et graves choses, en face desquelles elle devienne petite et comme  perdue. Gagnez les profondeurs : l’ironie n’y descend pas. Si elle vous accompagne jusqu’aux bords de la grandeur, cherchez si elle répond à une nécessité de votre être. Sous l’action des choses graves, ou bien elle se détachera de vous (c’est qu’elle n’était là que par accident), ou, vous étant vraiment innée, elle se forgera elle- même en instrument précieux et prendra sa place dans l’ensemble des moyens dont vous devez former votre art.

Rainer Maria Rilke. Lettres à un jeune poète

3 réflexions sur « L’ironie »

  1. Ironie et dérision sont les deux mamelles inépuisables et perpétuelles de ce que l’on appelle l »Esprit Canal+ ».
    Le mot Esprit appliqué à Canal + ne signifie pas fin, dôle, spirituel, comme on pourrait le dire de Sacha Guitry par exemple.
    Le mot Esprit est pris ici au sens de « Etat d’esprit », manière systématique de voir ou de présenter les choses. Ce n’est pas l’ironie elle même, ou la dérision que je mets en cause, c’est l’ironie et la dérision érigées en tant que système.

  2. Dans le dictionnaire Larousse :
     » Manière de railler, de se moquer en ne donnant pas aux
    mots leur valeur réelle ou complète, ou en faisant entendre le contraire de ce
    que l’on dit.

    RHÉTORIQUE :
    L’ironie consiste à faire entendre ou dire le contraire de ce que l’on pense
    ou veut faire penser. Elle commande diverses figures de rhétorique (la litote,
    l’antiphrase, l’hyperbole, etc.) et a toujours pour conséquence, comme l’indique
    l’étymologie du terme, d’entraîner l’auditeur/lecteur à s’interroger sur ce
    qu’on a pu vouloir dire. De cette inévitable interrogation, Socrate a fait la
    base de sa maïeutique, Aristote un instrument de sa rhétorique, les Alexandrins
    avec Callimaque un élément fondamental de leur esthétique perpétuellement
    décentrée et Kierkegaard la faculté de « vivre poétiquement » :
    se ménager un espace secret en obligeant l’autre à se démasquer.
    Distincte du trait direct, l’ironie s’en rapproche cependant
    par la prise qu’elle ambitionne sur le monde (en cela elle se distingue de
    l’humour) et prévaut dans les époques qui suscitent un mélange de lucidité,
    d’équilibre du raisonnement et de critique : le
    xviiie s. français est, sur ce point, exemplaire,
    prolongé par les publicistes et les pamphlétaires du siècle suivant, de
    P.-L. Courier à Rochefort. L’ironie désigne plus généralement l’ambivalence
    esthétique de toute œuvre. F. Schlegel a défini l’ironie romantique par le
    jeu de l’objectivité et de la subjectivité (« la claire conscience de
    l’agilité éternelle, du total chaos infini »), qui s’oppose à toute
    synthèse harmonieuse des contraires et privilégie les formes d’expression
    « ouvertes » (essai, paradoxe, fragment) ; l’ironie tragique, qui
    est issue, chez les Grecs, de l’ironie du sort, marque l’opposition entre la
    connaissance que le spectateur a de la situation, et l’ignorance dans laquelle
    se trouve le personnage dramatique (Œdipe). Le New Criticism a vu dans
    l’ironie le principe de toute poétique et de toute lecture : l’ironie
    assure la synthèse formelle des antinomies qui commandent l’œuvre et qui placent
    l’expérience du lecteur sous le signe de la tension. C’est faire des constats de
    la rhétorique et de l’esthétique du wit les déterminations de
    l’entreprise littéraire.  »
    Je reconnais que la deuxième partie la rhétorique me laisse perplexe, c’est pour les littéraires !
    Par contre, dans la vie de tout les jours l’ironie est à utilisée avec modération car elle
    peut vexer les gens, ou faire rire alors là c’est sans modération !!!!!

  3. L’ironie comme sa sœur la dérision est une spécialité bien française prisée par ceux qui veulent briller, souvent pitoyablement aux dépens d’autrui. Je citerai donc Stendhal que j’approuve: « chez les français le plaisir de montrer de l’ironie étouffe le bonheur d’avoir de l’enthousiasme ».

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