La conversation

La conversation en France n’est pas simplement un moyen de communication des idées et des sentiments ou un échange d’instructions sur la marche de la vie, c’est un instrument sur lequel nous aimons à jouer et qui réjouit et fortifie l’esprit ainsi que le fait la musique dans certains pays ou le vin dans d’autres.

Madame de Staël, écrivain et philosophe, 1766-1817

ET DEMAIN, BREXIT-DREYFUS, MÊME COMBAT

8 réflexions sur « La conversation »

  1. Bon! Je coche maintenant la case ‘Tout à fait d’accord’ avec les derniers commentaires. Je continuerai à vivre épanoui avec le souvenir de la conversation de Jean d’Ormesson (à la télé) et la musique de… Johnny Haliday bien sûr, en buvant un verre de Beaujolais.

  2. La musique, en effet, a un effet plus largement universel, dû à la possibilité de sa propagation et de sa diffusion par divers moyens.
    La conversation, quant à elle, a une éphémérité qui en fait le charme et s’avère d’autant plus stimulante pour cela.

  3. Pour moi, Madame de Staël ne parlait que pour la « France qui vaille », c’est-à-dire la France de l’aristocratie, même pas, celle de la cour, augmentée peut-être de quelques écrivains et philosophes. Ce que m’évoque la proposition de Madame de …, c’est la conversation pratiquée pour elle-même, dans de petits cercles, exercée comme un art (au sens limité de technique élaborée), comme on pratique l’escrime, sans esprit guerrier, juste pour la beauté du geste, pour rien, pour le plaisir. Le fond n’a pas d’importance, seule le brillant, l’habileté de la forme compte. Il y en avait une très bonne démonstration dans le film de Patrice Leconte « Ridicule » : devant toute la cour de Louis XVI, le personnage joué par Bernard Giraudeau démontrait brillamment l’existence de Dieu. Il était acclamé. Rouge de plaisir, il déclarait aussitôt qu’il aurait pu tout aussi bien démontrer le contraire (cette imprudente impudence lui sera fatale). Voilà le genre de conversation dont je crois Mme de S. parle. Les grecs appelaient ça de la rhétorique, que Socrate n’aimait pas beaucoup, mais pratiquait fort bien lui-même.

  4. Rassures-toi Rebecca, mes yeux sont bien en face des trous, mes oreilles toutes ouïes, mon palais tout réceptif et mon esprit en alerte pour réagir aux bienfaits procurés par les arts qui s’adressent à mes sens. J’ai eu tort dans mon commentaire précédent d’employer le mot art s’agissant de la conversation (même si l’expression n’est pas stupide) alors que Mme de Staël employait le mot instrument, un instrument joué pour réjouir et fortifier l’esprit. Je suis entièrement d’accord avec elle. Elle compare les bienfaits de cet instrument – en France je présume bien qu’elle ne le dise pas – à ceux produits par la musique ou le vin dans d’autres pays. D’abord, je ne comprend pas trop cette distinction entre pays pour ne pas dire entre cultures. Par ailleurs, je trouve ce propos ambigu car si les bienfaits sont les mêmes, les modes opératoires ne sont pas les mêmes. Dans un JDC de l’été dernier, un morceau choisi extrait du livre Soumission de Michel Houellebecq, exposait parfaitement les effets possibles et identiques de la littérature, de le musique et de la peinture – émotions, suggestions, émerveillement, extase, etc – avec toutefois un bénéfice supplémentaire pour la littérature qui est l’établissement du contact entre l’auteur et le lecteur que seuls peuvent produire le style et les mots explicitement. J’etais d’accord avec un bémol toutefois car, pour moi en tout cas, certains compositeurs, pas tous, telle mon idole Beethoven dont le buste est en face de moi en ce moment et dont les symphonies, les concertos, les sonates, m’émeuvent jusqu’aux larmes comme si il me racontait son histoire dans le creux de l’oreille, ou la criait avec force cuivres et timbales, tels aussi Dvorak, J-S Bach et quelques autres dont Gershwin à propos, alors que d’autres aux talents immenses me touchent guère. Il en est de même avec certains peintres. Houellebecq parlait du pouvoir de suggestion immense résultant du génie de la création attribuable à tel ou tel écrivain, tel ou tel compositeur, tel ou tel peintre. Je considère que la conversation n’a pas cette force en dehors du groupe qui la dispense.

  5. Tout à fait d’accord avec Madame de Staël… ainsi qu’avec Philippe!
    Je crois que Jim a voulu être trop franchouillard, ou n’a pas les yeux en face des trous aujourd’hui.
    Il s’agit bien seulement de l’effet euphorisant, grisant, de la musique ou du vin sur d’autres peuples.
    Il faut dire que la France n’était pas au premier plan musical, à l’époque. A l’époque composaient Mozart, Beethoven, Haydn, et de nombreux autres, dont peu furent français.

    Son propos m’amène à penser à l’Italie, lieu frontalier bien connu des français, réputé tant pour sa gaieté de caractère que pour son vin ou sa musique.

    Pourtant, il semblerait que Madame de Staël ait plutôt fréquenté la Suisse, l’Allemagne, l’Angleterre, toutes nations moins sujettes aux passions engendrées par l’art et le vin que d’autres! En Russie, où elle séjourna également, la musique tient un grand rôle, mais on se réchauffer plutôt les sens à la vodka.

    Quoi qu’il en soit, je pense que Madame de Staël serait atterrée si elle fréquentait de nos jours les salons français. Elle qui fut réputée pour son érudition, et qui tenait salon à 14 ans, serait déconfite de constater la baisse de niveau culturel et l’amoindrissement de la conversation.

  6. Oui Philippe, mal formulé à mon avis même par Mme de Staël. J’ai bien compris son propos, exactement comme tu l’expliques, mais je l’ai retourné plusieurs fois dans mon esprit et j’y vois une ambiguïté. L’art de la conversation à la française au 18ème (un art que d’aucuns continuent à nous attribuer, de préférence à l’action…) était par définition très élitiste puisque limité aux salons ou quelques cafés. Je suis sûr que cet art était très réjouissant et fortifiant pour l’esprit de ses participants et si cet esprit ainsi enrichi se trouvait ensuite partagé par des écrits, encyclopédies, satyres, etc., avec la société, le public quoi, c’était tout bénéfice. Je vois alors dans le salon conversationnel une espèce de laboratoire d’idées à être diffusées, un think tank on dirait aujourd’hui. Mais c’est pas le cas de la musique qui, en Allemagne je veux bien, à moins d’être jouée par un petit groupe, quatuor ou octuor par exemple, ou bien une chorale, qui prenait son pied dans l’exercice collectif avec respect des partitions et sans improvisation (quoi que!), était un art de la représentation à partir d’une création due au génie d’un compositeur, éventuellement aidé d’un librettiste pour un opéra, qui, oui, réjouissait, peut-être fortifiait, l’esprit des auditeurs qui n’étaient que récepteurs libres mais pas organisateurs, ni créateurs. Quant aux vertus réjouissantes et fortifiantes du vin sur l’esprit, je suis sûr qu’elles existent, autrement!

  7. Mal formulé ? Madame de Staël ?
    Les vertus du vin et de la musique ne sont pas attribuées à d’autres pays, mais l’effet que la musique ou le vin ont sur d’autres nations, c’est-à-dire joie, euphorie, enthousiasme, passion, (elle pensait peut-être à l’Allemagne et à l’Italie) c’est la conversation qui l’a sur les Français. Ce n’est pas pour autant que le vin ou la musique ne leur font rien, mais ils ont cette chose en plus qui les anime, l’exercice de l’art de la conversation, du moins, au siècle des lumières.

  8. Propos discutable, ou mal formulé. Si à l’époque de Mme de Staël la France détenait le monopole de la conversation (peut-être toujours d’ailleurs, de préférence à l’action…), pourquoi avoir attribué les vertus de la musique et du vin (!) à d’autres pays?

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