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On est toujours trop bon avec les femmes

morceau choisi 

Zazie dans le Métro“ est certainement le roman le plus célèbre de Raymond Queneau. Mais pour moi, ce n’est pas le meilleur. Le meilleur, le plus drôle, c’est “On est toujours trop bon avec les femmes“ édité en 1947, réédité plus tard avec “Le Journal intime de Sally Mara“ pour former “Les oeuvres complètes de Sally Mara“.
La scène se passe à Dublin au début de la révolution irlandaise de 1916. L’armée britannique va attaquer la Grande Poste de Dublin, occupée par les Républicains. Ph.C.

Le Furious s’embossa quelques yards en aval d’O’Connell bridge. Sur l’ordre du commodore Cartwright, les canons furent prêts à canonner. Mais il avait toujours quelques répugnance à les servir, non qu’il se refusât à écrabouiller des rebelles papistes et républicains, mais ce bureau de poste, parfaitement laid, graisseux et sordide en son architecture fonctionnaire et presque dorique, ce bureau de poste évoquait pour lui l’attachante personnalité de sa fiancée, Miss Gertie Girdle avec laquelle il devait de plus (et désirait) se marier dans un délai très proche afin de consommer avec elle l’acte quelque peu redoutable pour un garçon chaste, l’acte étrange dont les péripéties occultes amènent une jeune gonzesse de l’état virginal à l’état prégnant.
Cartwright hésitait donc. Ses matelots attendaient ses ordres. Soudain, une demi-douzaine d’entre eux s’étalèrent sur le pont et deux autres basculèrent par-dessus le bastingage pour piquer une tête sanglante dans la Liffey. Il ne s’était pas méfiés. Kelleher en avait eu marre, de voir ces silhouettes si sûres d’elles. Sa mitrailleuse fonctionnait très bien. 

Raymond Queneau – On est toujours trop bon avec les femmes – 1947