Rue Monsieur-le-Prince

Avec Pierre. Nous montons au sixième d’une maison de la rue Monsieur-le-Prince, en quête d’un local où je puisse tenir le cénacle. C’est, là-haut, une grande chambre, agrandie encore par l’absence de meubles. A gauche de la porte, le plafond tombe obliquement comme dans les mansardes. Tout en bas, une trappe donne dans un grenier qui longe la maison sous les tuiles. En face, une fenêtre à hauteur d’appui laisse voir par-dessus les toits de l’École de Médecine, par-dessus le Quartier Latin, l’étendue à perte de vue des maisons grises, la Seine et Notre-Dame dans le coucher du soleil, et, tout au loin, Montmartre, à peine distinct dans la brume du soir qui s’élève.

Et nous rêvons tous deux la vie d’étudiant pauvre dans une telle chambre, avec la seule fortune qui assure le travail libre. Et à ses pieds, devant la table, Paris. Et s’enfermer là, avec le rêve de son œuvre, et n’en sortir qu’avec elle achevée.

Ce cri de Rastignac qui domine la Ville, des hauteurs du Père Lachaise : « Et maintenant…, à nous deux ! »

André Gide – Journal – 1889 – Automne

Ces lignes sont les premières du Journal qu’André Gide a tenu pendant cinquante ans, de 1889, année de ses vingt ans, jusqu’en 1939. Le « Pierre » dont il parle, c’est Pierre Louÿs.

ET DEMAIN, UN TABLEAU DE SEBASTIEN COUTHEILLAS, LE 183ème.

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