GISÈLE ! (Extrait)

(…) Sans même qu’il ait touché le frein, l’arrière de sa voiture se mit à déraper sur la droite. Bernard contre-braqua un peu trop fort. Aussitôt, il sentit l’arrière se déporter sur la gauche. Il contre-braqua encore une fois, et l’arrière repassa sur la droite.

nom de Dieu de nom de Dieu de nom de Dieu…

Au bord de la panique, Bernard se battait avec sa voiture. Le balancement s’amplifiait à chaque coup de volant. Dans l’encadrement du pare-brise, le double pinceau des phares balayait successivement la chaussée blanche marquée du sillage grisâtre du camion, puis la glissière de gauche, puis à nouveau la chaussée, puis la glissière de droite, pour revenir à la chaussée, puis la glissière de droite…

ça va mal ça va mal ça va mal…

Effectivement, ça allait mal, de plus en plus mal. Mais après quelques secondes, tous ces dérapages finirent par ralentir la voiture et, après un ultime balancement encore plus prononcé que les précédents, elle se mit en glissade arrière. Instinctivement, Bernard se retourna à demi sur son siège comme s’il était en train de se garer en créneau, mais il ne savait plus quoi faire de son volant. Alors, il ne fit plus rien et c’est en marche arrière à vitesse de plus en plus faible que la voiture traversa les deux voies de circulation et la bande d’arrêt d’urgence pour venir mourir contre la glissière de sécurité dans un petit craquement sec. C’était le feu arrière gauche qui venait de céder.

Maintenant, tout était calme. Dehors, le paysage avait cessé de valser et, à part les flocons qui voletaient lentement dans la lumière des phares, tout était immobile. À l’intérieur, de sa belle voix chaude et tranquille, le speaker achevait de désannoncer le morceau précédent : « … avec bien sûr Léonard Bernstein à la baguette. Et maintenant, sans transition, nous allons entendre… » Cœur en folie, muscles tendus, épaules douloureuses, mâchoire crispée, Bernard respirait bruyamment par le nez.  Il n’entendait rien que sa respiration, ne voyait rien que la neige qui s’accumulait sur son pare-brise et ne pensait absolument à rien. C’est sans réaction aucune qu’il regardait grossir au loin sur sa gauche les phares éblouissants de ce qui ne pouvait être qu’un nouveau camion. Le monstre passa en hurlant et son souffle secoua la voiture. Ses feux arrière disparurent dans une gerbe de neige grise et lourde. Bernard sursauta et reprit ses esprits :

…bon sang ! faut pas que je reste là, je vais me faire rentrer dedans… quelle bande de salopards, ces poids-lourds !…

(…)

Ce texte est extrait de « Gisèle ! », nouvelle qui fait partie du recueil « Histoire de Noël » que vous pouvez acquérir sur Amazon.fr en allant sur le site en cliquant sur l’image de couverture. 

 

 

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