Que faut-il penser d’ Histoire de Dashiell Stiller ? (9)

A peine sorti de presse, l’Histoire de Dashiell Stiller déclenche les polémiques auxquelles les ouvrages de Philippe Coutheillas nous ont habitués.
Histoire de Dashiell Stiller… Roman d’aventures, autofiction, roman historique, histoire d’amour, roman à l’eau de rose, roman de l’été, bide de l’année… tout à été dit.
Mais que peut-on en penser, que FAUT-il en penser ?

Des écrivains vous répondent…

Moi, j’avais jamais rien dit, rien demandé. Rien. Ça m’est arrivé comme ça, un matin, par la poste. Normalement, je reçois rien par la poste, que des cadavres de chat, des cloportes empaillés, des merdes dans de la cellophane et des lettres d’injures. Que des amis qui m’envoient ça ! Des copains d’avant comme ils disent à l’ORTF. Ça prouve au moins qu’ils pensent à moi. D’avant quoi, les copains ?  D’avant la guerre, c’est sûr ! La Grande, je veux dire. Z’ont pas aimé mes souvenirs d’au bout de la nuit alors ils m’envoient des leurs, des souvenirs bien frais de leurs entrailles, des trucs qu’ils ont libérés hier soir dans du papier bonbon en faisant bien attention de pas se salir les doigts. C’est pour offrir qu’ils disent. Moi, je m’en fous de leurs attentions. Je les balance dans le jardin et c’est mes chiens qui s’en régalent. Laissent pas grand’chose aux piafs, les salopards.

Bon, j’avais jamais rien demandé, rien, mais c’est arrivé quand même, une fois de plus. Mais là, c’était pas une crotte d’homme dans un paquet cadeau, c’était un livre ! Bien imprimé et tout, avec une belle photo dessus. Un livre ! Comme si j’avais besoin d’un livre ! Comme si j’avais pas assez à faire avec les miens ! J’ai failli le jeter tout de suite dans le jardin avec les autres, ceux qu’on m’envoyait avant, seulement, avant, j’ai regardé la photo.

D’avant-guerre, qu’elle était. Pas d’avant la Grande, non, d’avant la Plus Grande, d’avant la Sale, la Dégueulasse de guerre. De 35 qu’elle disait qu’elle était la photo. Elle montrait des gens à une terrasse de café, deux bourgeois bien propres, une petite pute à l’air gourmand, deux frappes et derrière, la maitresse des lieux, son loufiat et un ouvrier. Tranquilles qu’ils étaient les photographiés ! Tous bien tranquilles. A coup sûr, ceux-là ils savaient où ils seraient demain et après demain aussi. Ça se voyait sur leur visage qu’ils le savaient dur comme fer. S’ils avaient su que dans quatre ans… sûr qu’ils auraient préféré pas savoir ce qui les attendait. En tout cas, moi j’ai pas voulu, et le bouquin, je l’ai balancé par la fenêtre, dans le jardin, avec les autres. Mes deux chiens en ont fait deux bouchées. Ils avaient l’air content. Mais c’est des chiens.

Louis-Ferdinand Bardamu, La Garenne-Rancy, 2 juillet 1961

3 réflexions sur « Que faut-il penser d’ Histoire de Dashiell Stiller ? (9) »

  1. J’ai relu ce pastiche remarquable et mon commentaire dont je corrige la dernière phrase pour dire que cette pourriture noble qui fait tant apprécier un grand cru velouté peut faire apprécier tout autant la lecture d’une écriture astucieusement crue.

  2. Remarquable pourriture ce pastiche! Manque juste l’incipit: « Ça a débuté comme ça ». Bon dieu! j’ai reconnu vers la fin un certain Cujas, cette même pourriture noble qui donne le goût sucré à la lecture.

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