Rendez-vous à cinq heures avec les fleurs jaunes du mâle

temps de lecture : 4  minutes 

La page de 16h47 est ouverte…

LES FLEURS JAUNES DU MALE
par Lorenzo

Après la parution de la seconde partie des Fleurs jaunes, Lorenzo a repris sa plume avec ces « Fleurs jaunes du mâle » dont on peut dire que s’il n’est probablement pas un pastiche, il est à coup sûr un détournement de texte.

Un pote écrivain m’avait refilé un tuyau de première bourre. Il prétendait qu’avec un bouquet de fleurs à la main les nanas que tu croisais dans la rue tombaient comme des mouches. Son trajet entre un fleuriste de la rue de Vaugirard et son domicile fixe fut, à l’entendre, un véritable chemin de croix de feu au cul. Faut reconnaître que des conseils pareils prodigués par un ami ingénieur d’habitude plutôt rigoureux, c’est tentant, ne serait-ce que pour vérifier en cachette la validité de ses théories. J’avais néanmoins de sérieux doutes sur le motif réel des sourires de toutes ces jolies femmes et, bien que ça m’écorche la gueule de le reconnaître, cet écrivain est un séducteur invétéré que ni les années ni la jalousie de ses copains n’ont calmé. Autrement dit, toutes ces femmes qui lui avaient souri étaient-elles émues par son bouquet ou par son charme ? Donc, me suis-je dit, je fais exactement la même chose que lui et on verra bien : si elles me sourient aussi malgré mon physique ingrat, sa théorie est exacte, si elles ne me sourient pas, cela signifiera qu’il est plus séduisant que moi et j’irai lui casser sa gueule d’ange. D’aucuns insinueront que ce genre de préoccupation relève plus de la sénilité que d’une quelconque préoccupation scientifique ; ils peuvent bien penser ce qu’ils veulent mais moi, je m’en fous. Donc, je file chez le fleuriste de la rue de Vaugirard et j’achète un énorme bouquet de fleurs jaunes qui me met pile poil dans les mêmes conditions expérimentales. Pour augmenter mes chances, je tiens le bouquet de fleurs dans le bon sens, contrairement à mon ami écrivain, considérant qu’ainsi mes proies verraient de loin les pétales jaune vif orientés vers le ciel. J’empreinte comme lui la rue de Vaugirard qui, grâce à notre élue, est devenue une épreuve pour les piétons de mon âge. Croiser une autre personne sur le trottoir, qu’elle vous sourit ou pas, oblige à descendre sur la chaussée et à vous offrir en victime expiatoire aux roues assassines des vélos et autres trottinettes. Dans son remarquable récit qui manque parfois d’objectivité, C. n’a pas fait état de ces risques comme s’il avait idéalisé son trajet à partir de souvenirs remontant à son adolescence. La première femme que je croise, ni belle, ni moche, m’adresse effectivement un sourire que, sur le coup de la surprise, je n’analyse pas avec lucidité. La seconde, une jeune blonde assez mûre possède des charmes qui ne peuvent laisser indifférent un artiste comme moi. Elle m’offre elle aussi un aimable sourire quoiqu’un peu figé où je décèle une pointe d’ironie. La troisième, une brune comme il n’en existe qu’en Italie, arbore un sourire affligé comme si elle me plaignait alors que je me sentais assez fier de moi avec mon superbe bouquet jaune. La quatrième, comme les suivantes, aura, elle aussi, ce sourire narquois que je ne comprends pas et que P. ne semble pas avoir remarqué ou qu’il a refoulé inconsciemment. On dirait qu’elles ont pitié de moi. Leur sourire qui m’apparaît de plus en plus comme un rictus semble me dire : mon pauvre vieux, tu ne sais pas qu’en 2022, ce qu’on offre à une femme pour la séduire ou lui faire plaisir, ce n’est pas un bouquet de fleurs mais une tablette i-Pad dernier cri ? Non, je ne le savais pas et P. non plus, d’ailleurs. Par hasard, je rencontre au bas de mon immeuble une voisine qui me sourit aussi, bien qu’elle soit en période post ménopausique avancée (donc a priori insensible à mon charme éventuel) et lui raconte mes inquiétudes sur l’interprétation des sourires féminins. « Un bouquet de fleurs », hurle-t-elle !!! « Mais mon pauvre Lorenzo, tu ne sais pas que de nos jours seuls les hommes qui ont quelque chose à se faire pardonner offrent des fleurs à leur femme ? Et en plus, tu ne sais pas que traditionnellement le jaune est la couleur de l’infidélité ?

Une réflexion sur « Rendez-vous à cinq heures avec les fleurs jaunes du mâle »

  1. On signale rue de Vaugirard, un phénomène très curieux : des mâles blancs, d’un âge sinon certain du moins post acnéique , arborent un bouquet de fleurs jaunes, et avec une attention sans lubricité soutiennent les regards de toutes les passantes croisées : s’agit il d’un test de la Mairie de Paris, pour démontrer qu’on circule très aisément à pied sur les trottoirs parisiens? Que l’on peut en toute tranquillité avancer , des fleurs à la main?
    S’agit il d’un opération commerciale visant à écouler un lot de fleurs jaunes?
    Ou bien un effet inattendu du JDC, qui propulse ses lecteurs mâles à vérifier leur HPDS( haut potentiel de séduction)?
    L’ineffable Ratinet est sur le coup et ne manquera pas de faire part de ses conclusions…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *