Incident sur la ligne M10

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Ce matin, par extraordinaire, j’ai pris le métro. J’ai descendu le Boulevard Saint Michel jusqu’à la station Cluny, j’ai rechargé mon pass Navigo – oui, je sais faire ça – et trois minutes plus tard, j’étais dans la rame. Il était à peu près 7 heures 30 et « Si ça continue comme ça, me dis-je in petto, je vais être très en avance à Sèvres-Lecourbe. » « Tant mieux, poursuivis-je sur le même ton, j’aurai le temps de petit-déjeuner avant. »

Sur mon strapontin — c’est surprenant comme à cette heure, les rames sont pleines de gens — je suis plongé dans la vérification de ma publication du matin qui sera mon dixième et dernier cours  de mythologie. La rame ralentit, je jette un œil par la fenêtre qui m’indique par retour que nous entrons dans la station Duroc. Quelques passagers descendent du wagon dans lequel je voyage, rejoignent sur le quai ceux des wagons qui nous précèdent et remontent la rame vers la sortie en queue de train. Tout va bien, moi je descendrai à la prochaine…

Et puis, tout d’un coup, tout va moins bien. Des gens restés dans mon wagon semblent se raviser : l’air anxieux, ils descendent précipitamment sur le quai où les piétons sont de plus en plus nombreux. Sans réellement courir, mais à grands pas, tous se dirigent vers la queue du train en jetant des coups d’œils inquiets derrière eux. Hormis le bruit feutré des semelles de sneakers sur le bitume, on n’entend rien de particulier, pas un cri, pas une parole, pas même un murmure. Je suis obligé de conclure que les gens fuient en silence.

Pas plus que les autres, je ne sais ce qui se passe, mais pas moins que les autres, je pense qu’il n’est probablement pas bon de rester planté là. Je me lève de mon strapontin, certes sans précipitation, mais assez vite quand même, disons à une vitesse qui réalise un compromis entre l’urgence mystérieuse de la situation et la dignité du Parisien qui en a vu d’autres. 

Sur le quai, une épaisse fumée grise a envahi le tunnel à la hauteur du premier wagon. Ce qui me passe par la tête ?  Une bombe fumigène, une manifestation, une attaque terroriste, un racket de voyous, un incendie dans un moteur métropolitain ?

Un signal sonore retentit. C’est celui qui annonce d’ordinaire la fermeture des portes. Une bonne moitié des gens qui étaient sur le quai remontent dans les wagons. J’en fais autant : ce n’était probablement rien…

Mais les portes ne se referment pas. Au contraire, brusquement, il se produit un mouvement général et rapide de repli vers l’arrière de la rame. Décidément, rester-là plus longtemps devient déraisonnable. Je sors à nouveau du wagon. Sur le quai, vers l’avant du train, il y a maintenant des flammes. Pas loin de deux mètres de haut. Des hommes s’agitent dans la fumée. L’un d’eux tient à bout de bras une sorte de tige métallique tordue au bout de laquelle, au sol, quelque chose brûle. Deux autres tentent de piétiner le foyer. Sans succès, finalement, ils s’écartent et laissent brûler. Tout le monde, sauf moi, a sorti son téléphone pour filmer les dernières minutes de ce qui s’avère maintenant être une trottinette électrique en flammes. 

La rame n’est pas près de repartir. Je ferai le reste du trajet à pied et tant pis pour mon petit déjeuner. Ça ne leur suffisait pas de régner par la terreur sur les trottoirs de la ville, voilà que les trottinettes viennent nous emmerder jusque dans le métro ! 

 

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