Un  peu de temps à l’état pur

Morceau choisi

Un  peu de temps à l’état pur

Longtemps après l’épisode de la madeleine, le narrateur, trébuchant sur les pavés inégaux de la cour de l’Hôtel des Guermantes, revit la sensation de bonheur qu’il avait éprouvée des années plus tôt à Venise.

Tant de fois, au cours de ma vie, la réalité m’avait déçu parce qu’au moment où je la percevais, mon imagination, qui était mon seul organe pour jouir de la beauté, ne pouvait s’appliquer à elle, en vertu de la loi inévitable qui veut qu’on ne puisse imaginer que ce qui est absent. Et voici que soudain l’effet de cette dure loi s’était trouvé neutralisé, suspendu, par un expédient merveilleux de la nature, qui avait fait miroiter une sensation à la fois dans le passé, ce qui permettait à mon imagination de la goûter, et dans le présent où l’ébranlement effectif de mes sens avait ajouté aux rêves de l’imagination ce dont ils sont habituellement dépourvus, l’idée d’existence, et, grâce à ce subterfuge, avait permis à mon être d’obtenir, d’isoler, d’immobiliser – la durée d’un éclair – ce qu’il n’appréhende jamais : un peu de temps à l’état pur.

Marcel Proust – Le temps retrouvé

Une réflexion sur « Un  peu de temps à l’état pur »

  1. Un expédiant est une réelle substence, mais il se trouve aussi être une expédition exploratoire outre la réelle substance innée dans l’imaginaire. La démonstration est faite dans toute la litérature exsistante.

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