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Les sept mercenaires (Critique aisée 80)

Critique aisée n°80
Les sept mercenaires
Antoine Fuqua – 2016
Denzel Washington, Ethan Hawke

Tout d’abord, il y eut Akira Kurosawa qui, d’après un scénario qu’il avait écrit lui même, nous donna en 1954 « Les sept samouraïs ».

Dans une ambiance médiévale, japonaise et extrêmement boueuse, un village de pauvres paysans, mis à chaque saison en coupe réglée par une bande de brigands, veut se défendre en engageant des mercenaires, en l’occurrence des samouraïs en mal de seigneur. Outre le prologue, le film comporte quatre parties principales : la rencontre des paysans et du premier samouraï et la sélection de ses six compagnons, la préparation du village et des villageois à la prochaine venue des brigands, la première bataille victorieuse, et enfin la trahison d’un villageois au profit des brigands suivie aussitôt du retour des samouraïs et de la victoire finale. D’une première version de plus de trois heures, le film a été réduit à deux heures et demie pour des raisons d’exportation. Ce film est un des meilleurs films d’action de l’histoire du cinema et il connut un très grand succès tant auprès de la critique que du public. Violent sans excès, avec des pointes d’humour et de poésie de temps en temps, le film était porté par quelques excellents acteurs dont le favori de Kurosawa, Toshiro Mifume.

En 1960, le metteur en scène américain John Sturges reprend le film de Kurosawa. Il le transpose dans un univers fin dix-neuvième siècle, mexicain et poussiéreux et le nomme « The magnificent seven » traduit par « Les sept mercenaires ». Sturges raccourcit la durée d’une trentaine de minutes, mais il conserve l’histoire, les personnages, le découpage et même quelques répliques. Il supprime la pluie et la boue et la remplace par le soleil et la poussière, il ajoute quelques chevaux et se permet quelques très belles scènes comme la chevauchée des brigands à l’attaque du village ou la fête des paysans. Il faut admettre que, pour l’acteur principal, Sturges n’avait pas choisi le meilleur du moment : Yul Brynner. Mais son jeu raide et figé colle assez bien avec le personnage du chef des samouraïs. Par contre il est entouré d’acteurs débutants ou presque, McQueen, Bronson, Coburn, impressionnants et d’acteurs confirmés ou presque, excellents, Vaughn, Wallach…, même Hortz Buchholz, agaçant au début, ne s’en tirait pas mal vers la fin. Ajoutez à cela une musique d’Elmer Bernstein, qui donne envie de chevaucher en sautant des clôtures. Wikipedia dit que Kurosawa était très satisfait du remake de son film. Je le comprends.

Et maintenant, c’est un autre américain, Antoine Fuqua, qui s’y colle. Il place le film dans un autre lieu, il conserve la même époque, presque la même histoire, presque les mêmes personnages, presque … presque…

Mais c’est raté. Il a pourtant choisi deux très bons acteurs américains, Denzel Washington et Ethan Hawke. Mais on ne peut pas dire que Denzel soit à son aise (D’ailleurs, il commence à m’énerver, Denzel, à ne plus tourner que des âneries ). On en viendrait à regretter Yul Brynner. Ethan Hawke s’efforce de faire le dur torturé par la peur, mais ça ne colle pas. Les autres acteurs sont inexistants, aussi bien mercenaires que villageois, des archétypes juste bon à tirer beaucoup de coups de revolver. Il y a même le personnage ridiculement incongru d’une jeune et jolie veuve qui vient faire le coup de feu en profond décolleté. A aucun moment on ne s’attache aux personnages, ne serait-ce qu’à un seul d’entre eux. Qu’ils meurent ou pas, on s’en fout. Les scènes de sélection des mercenaires, essentielles chez Kurosawa et Sturges, sont bâclées, en particulier celle du duel du lanceur de couteau. (La même scène dirigée par Sturges et jouée par James Coburn était un chef d’œuvre de tension et de simplicité).

Les paysages sont quelconques, l’humour inexistant et la musique tonitruante, ponctuée d’énormes coups de percussion sans objet ni raison.

Il y a beaucoup de mouvements de grue, vers le haut, vers le bas, sur le côté, mais pas d’ampleur ou d’élan dans les mouvements. Il y a aussi énormément d’impacts de balles et de flèches (assez bien faits ceux-là, je dois dire), beaucoup de corps qui tombent, de cheval, de chariots, de toitures, de clochers…(mais là, c’est normal, c’est un western)

Au total, un remake inutile, un western sans envolée, une histoire sans émotion.

Ah, si ! Une émotion ! Au début du générique de fin, surgit la magnifique musique du western de 1960, la musique de Bernstein. On est ému, parce que, un instant, on croit que le film de Sturges va commencer.

Ah ! J’oubliais : je dois ici remercier le gérant du cinema UGC Odéon qui, malgré une panne de billetterie électronique, m’a permis d’assister gratuitement à la séance de 13heures de ce film.
C’est déjà ça.