Archives par mot-clé : Philippe

Go West ! (53)

(…)Je pris alors en main le manuel de maintenance et passai directement à la table des matières. Il y avait un chapitre 6 : Pannes et dysfonctionnements – Méthodologie de réparation.
76 pages en tout ! Je commençai à lire :
6-1. Arrêts inopinés du moteur
6-1-1. Nature des arrêts
6-1-2. Vérifications préliminaires
Je survolai les deux paragraphes qui n’avaient pas l’air trop difficile à traduire. Je continuai de la même manière jusqu’au paragraphe 6-1-5. Démontages préalables dans lequel j’entrai, plein de confiance.

Elle ne dura pas.

À l’école, au lycée, des professeurs ont certainement tenté de vous apprendre une ou deux langues étrangères, vivantes ou mortes. Si c’est le cas, vous devez vous souvenir des deux types d’exercice de traduction que l’on pratique couramment dans l’enseignement des langues : le thème et la version. Dans ce cas, vous vous rappelez probablement que le thème, c’est dix fois plus difficile que la version. Dans la version, si vous comprenez ou si vous devinez par le contexte le sens d’un mot étranger que vous ne connaissiez pas, vous trouvez presque ipso facto sa traduction dans votre langue maternelle. Dans l’exercice du thème, par définition, vous connaissez le sens du mot à traduire. Mais si vous ignorez sa traduction dans l’autre langue, vous êtes perdu. Par exemple, si vous avez à traduire « She used to ride a horse every day » et que vous ignorez le sens du verbe « to ride », il y a fort à parier qu’avec un peu de réflexion, vous arriverez à deviner qu’il veut dire « monter ». Mais à l’inverse, si vous avez à traduire en anglais « Elle montait à cheval chaque jour » et que vous ne connaissez pas le verbe anglais adequat, vous êtes perdu. Ou bien vous restez sec et vous êtes déconsidéré, ou bien vous tentez des « She climbed a horse every day » et des « She used to go up a horse every day » et Continuer la lecture de Go West ! (53)

Une semaine aux Seychelles (2/4)

(publié une première fois en décembre 2017)

Deuxième partie : Jacob Delafon et le penseur

Il y a deux jours, juste avant une longue digression sur les voyages d’affaire dans laquelle je vous expliquais d’une façon, je dois dire, très vivante que, même quand ils ont pour cadre des destinations réputées, ces déplacements professionnels sont loin d’être des parties de plaisir, je vous avais déclaré que je me souvenais d’un voyage aux Seychelles.

Eh bien, justement, ce voyage aux Seychelles n’avait pas été comme les autres.

Nous étions tous partis de Paris pour une expertise judiciaire à Victoria, la capitale des Seychelles. Peu importe pour le moment de connaître le litige qui la justifiait et peu importe de savoir quel rôle je devais y tenais tenir ; ce qu’il faut savoir, c’est que tout cela devait se passer dans une conserverie de poisson de Port-Victoria. Une expertise judiciaire dans une ile réputée paradisiaque, ça justifie que beaucoup de monde participe. Nous étions donc huit à faire le déplacement, fabricants, assureurs, avocats et experts. L’Expert judiciaire avait décidé de prendre son temps. Il pensait qu’une une bonne semaine sur place serait nécessaire pour procéder à ses opérations : discuter, démonter, expliquer, vérifier, remonter, discuter encore, essayer une fichue machine qui fonctionnait mal, ou ne fonctionnait pas ou qui ne plaisait plus au conservateur de poisson, voilà qui justifiait bien une semaine. En fait, nous eûmes Continuer la lecture de Une semaine aux Seychelles (2/4)

Une semaine aux Seychelles (1/4)

(publié une première fois en décembre 2017)

Première partie : Les frais de la princesse

Je me souviens d’un voyage aux Seychelles. C’était il y a vingt ans, vingt-cinq peut-être. Je dois préciser ce point, car il me permet d’espérer qu’il y a prescription.

— Les Seychelles ! Comme tu as de la chance, me disaient les gentils.

— Eh ben, on ne s’ennuie pas dans ton boulot, dis donc ! Et hop ! Un joli petit tour dans les iles aux frais de la princesse, me disaient les envieux.

— Ras le bol les voyages, me disais-je

Et d’abord, la princesse ! Quelle princesse ? Qu’est-ce que ça veut dire « aux frais de la princesse » ? C’est vrai ça, à la fin !

J’en ai fait des voyages professionnels dans mon dernier métier ! … Abidjan, Alger, Athènes, Barcelone, Caracas, Casablanca, Cayenne, Clermont-Ferrand, Djakarta, Dortmund, Douala, Edimbourg, Fort de France, Istanbul, Papeete, Rome, Ljubljana, Londres, Madrid, Manchester, Milan, Munich, Prague, Pointe à Pitre, Saint-Denis de la Réunion, Singapour, Tanger et leurs environs… Même en les prenant par ordre alphabétique, je suis sûr que j’en oublie. Et je ne compte pas Continuer la lecture de Une semaine aux Seychelles (1/4)

Go West ! (52)

(…) A notre arrivée, c’était de cette manière que Tom m’avait présenté aux quelques hommes venus le saluer. « Il est français, avait-il annoncé. Il est venu pour m’aider à réparer la machine Alsthom. » A l’entendre, et c’était sans doute ce que voulait Tom, on pouvait presque comprendre que j’étais venu spécialement de Belfort pour régler le problème. Après quelques plaisanteries sur la fameuse technique et les fameuses vacances françaises, tout le monde s’est rendu dans la salle de repos pour y prendre un café et discuter du planning de la semaine qui s’ouvrait. Dix minutes plus tard, chacun partait vers son travail, deux 4×4 prenaient la piste, le camion de forage chauffait sur le parking et Tom m’emmenait à la Centrale. Il était à peine 7 heures. Moi qui n’avais jamais fait le moindre stage en entreprise, je me retrouvais d’un coup équipé d’un casque de chantier et d’un blouson aux armes de la Belridge, affecté à une tâche et intégré de fait dans une équipe de terrain.

La Centrale… Nous avons roulé un demi-mile entre les nodding donkeys pour parvenir aux pieds d’une installation compliquée faite de hauts cylindres verticaux, de gros réservoirs horizontaux, d’un fouillis de câbles et d’un enchevêtrement de tuyauteries accrochés à des échafaudages. On dirait une raffinerie qui aurait été construite à l’échelle 1/2.

« C’est là qu’on traite le brut, me dit Tom. Normalement, tout ça fait beaucoup de bruit, il y a de la chaleur, de jets de vapeur dans tous les sens et, tout en haut, une torche qui brûle nuit et jour. Mais aujourd’hui, plus de moteur, plus d’électricité… Tout est à l’arrêt. Il parait que la dernière fois que c’est arrivé, c’était le jour de Pearl Harbour »

La Centrale se trouve derrière la raffinerie : deux bâtiments métalliques reliés l’un à l’autre par une panoplie de tuyauteries et de câbles. Le premier, Continuer la lecture de Go West ! (52)

Conversation Sélecte

Cette chronique a été écrite il y aura bientôt 10 ans. C’est pour cela que certaines considérations pourront vous paraitre datées, en particulier celles qui portent sur la circulation et la sécurité des piétons. C’est pourquoi je me suis permis d’ajouter quelques notes de bas de page explicatives. 

Couleur café 15
Le Sélect,Boulevard du Montparnasse

Le Sélect est un bel endroit mais il a peu d’histoire. Sur ce plan, il ne peut pas lutter avec La Coupole (mais la Coupole n’est plus la Coupole) ou Le Dôme (sans charme, mais gastronomique). Le Sélect est un tout petit peu mieux placé que La Palette qui, certes, a eu l’honneur de l’une de mes rubriques (« Les hommes de la Palette« ) mais qui aujourd’hui a disparu. La Closerie des Lilas demeure à l’écart de ce concours, tant sur le plan historique que géographique.

Le Sélect se trouve à l’angle du Boulevard du Montparnasse et de la rue Vavin. Contrairement à ses voisins, il n’a jamais vraiment cherché par le passé à être un restaurant ou même une simple brasserie. Non, jusqu’à il y a peu, c’était Continuer la lecture de Conversation Sélecte

Go West ! (51)

(…).  Là, je suis à l’aise. Je n’ai pas besoin de raconter des histoires. En fait, je ne sais plus si je vous l’ai déjà dit, je suis élève en prépa en attendant de passer les concours des écoles d’ingénieur. Par expérience, je sais que les Américains — ils ne sont pas les seuls — ne comprennent rien à notre système de Grandes Écoles. Alors je lui explique que je suis en deuxième année d’université à Paris pour devenir ingénieur.

« Ingénieur en quoi ? me demande-t-il, l’air subitement intéressé.
Comme je ne peux pas lui dire que je n’en ai aucune idée et que j’entrerai dans l’École qui voudra bien m’accepter, je choisis la discipline la plus éloignée possible de la sienne : Génie Civil. Ça devrait m’éviter d’avoir à tenir des conversations sur le courant triphasé ou le fonctionnement d’un moteur à courant continu.
« Ah ! C’est dommage ! Tu aurais pu m’aider… »
L’aider ? Ça, ça m’intéresse. Je me verrais bien passer quelques jours ici, bien à l’abri, planqué au milieu de nulle part.
« Ah bon ? Et comment ? Dis toujours. On ne sait jamais »

Alors Tom commence Continuer la lecture de Go West ! (51)

Go West ! (50)

(…) Un bref instant, j’ai été tenté d’ouvrir les vannes, de lui dire la vérité : « Voilà, je suis un étudiant français en voyage aux USA et j’ai des problèmes avec la police. Hier soir… »  Ce serait tellement moins fatiguant. Alors : « Voilà, Tom. Je suis un étudiant français en voyage aux USA… Tout allait bien jusqu’à hier soir à Santa Monica, et puis… » Et puis, non. Je n’allais pas lui dire ça. C’était trop dangereux. Je ne le connaissais pas, Tom. Il pourrait ne pas vouloir être mêlé à quoi que ce soit et me planter là, dans ce diner. Il pourrait même appeler la police. Je ne sais pas pourquoi il ferait ça, mais il pourrait. Je ne pouvais pas risquer ça. Et puis, j’avais encore besoin de lui. J’avais pressenti qu’il pourrait bien m’inviter à dormir chez lui. Ce serait toujours ça de gagné. Parce que je n’avais toujours que vingt dollars en poche, moi, et un sacré parcours à faire ! Je le savais parce que tout à l’heure, dans sa voiture, j’avais déplié une carte de la côte Ouest. Dans un coin, il y avait un tableau des distances : Bakersfield-Seattle : 1059 miles ! Seattle- Vancouver : 155 miles ! 1200 miles au total, près de 2000 kilomètres en tout. Ce n’est pas le moment de me faire lâcher dans ce diner perdu.

Donc, je vais mentir à Tom, comme j’avais menti à Cal pendant notre déjeuner à Electra. Je lui en dirai le moins possible, je collerai le plus possible à la vérité. New-York, Flagstaff, les amis, la Hudson 51, jusqu’au contrôle de Clemmons à Pacific Palisades, ce ne sera pas difficile.  Après, il faudra commencer vraiment à mentir, expliquer pourquoi j’étais désormais seul et sans argent et pourquoi j’étais en train de filer vers le Nord.

En fait, c’est venu tout seul. Je me suis même admiré de pouvoir dessiner en quelques secondes une histoire bien plausible qui aura en plus l’avantage de m’attirer la sympathie de l’auditoire. Grosse modo, mon histoire sera la suivante :
« Hier soir… » Je n’arrivais pas à croire que tout ça datait de moins de vingt-quatre heures ! « Hier soir, lors d’un contrôle routier à Santa Monica, un flic a subtilisé mon dernier billet de cent dollars que je gardais dans mon permis de conduire. Ah, le salaud ! Je ne m’en suis Continuer la lecture de Go West ! (50)

Go West ! (49)

(…) Du moment que ça m’éloigne de L.A., tout me va. Il n’y a pas de banquette arrière. Je jette mon sac sur le plateau et je grimpe à bord. Du côté gauche, calé contre la cabine, il y a un gigantesque réfrigérateur aux formes arrondies ; à côté du réfrigérateur, une grand fauteuil-club usé avec dedans un mexicain endormi. Le reste du plateau est encombré de chaises empilées, de tables renversées, de valises de cartons et de caisses. On est dimanche : ces gars-là doivent être des cambrioleurs ; ou alors, ils déménagent un copain. Ça redémarre brusquement. Je chancelle et m’affale sur le fauteuil-club.  Le dormeur se réveille, me regarde sans surprise et se rendort aussitôt. Je m’assieds sur une valise. Un quart d’heure plus tard, le pick-up me dépose une centaine de mètres avant la sortie pour Santa Clarita.

Il est 4 heures de l’après-midi. Hier soir, Marylin Monroe est morte à Brentwood, chez elle, et moi je suis à une centaine de miles de là, dans un diner au bord de l’US 5, un peu au sud de Bakersfield. En face de moi, il y a Tom, Tom Dooley.

Il ne s’est pas passé beaucoup de temps entre le moment où je suis descendu du pick-up des Mexicains déménageurs et celui où la voiture de Tom s’est arrêtée à ma hauteur. Vingt minutes, une demi-heure, pas davantage… Mais quand je me suis retrouvé en pleine chaleur, tout seul sur le bord de la route, à me faire secouer par les bourrasques de poussière soulevées par les camions hurlants qui me frôlaient, ça m’a laissé tout le temps pour repenser à ma situation. Elle n’était pas brillante : sans argent et probablement recherché par le LAPD, le FBI ou la CIA, ou par les trois à la fois, je risquais la prison ou pire. Pour moi, il ne suffisait plus de me débarrasser du Continuer la lecture de Go West ! (49)

Go West ! (48 bis)

FIN DE L’ENTR’ACTE

C’est au nord de Los Angeles que, le 5 juin dernier, nous avons laissé notre jeune héros au bord de l’US 5. Pour nous, c’était le 5 juin 2024, mais pour lui, c’était 22.585 jours plus tôt, le 5 août 1962. Entre son arrivée aux États Unis et le moment où nous le retrouvons, il s’est écoulé tout un mois, ou seulement un mois, comme vous voudrez, au cours duquel il a vécu quelques aventures anodines, quelques péripéties sans réelle gravité, jusqu’à cette nuit fatidique du 4 aout dans ce quartier chic de L.A., Brentwood. Si vous souhaitez revivre tout ce qui lui est arrivé, vous pouvez revenir sur les 48 épisodes qui ont précédé cette reprise de la publication de Go West ! Mais si vous ne souhaitez pas subir à nouveau cette épreuve ou que vous vous souvenez très bien de ce qui s’est passé, à partir du 1er octobre, vous allez pouvoir vivre de nouvelles aventures dont l’auteur, et il n’est probablement pas le seul, espère qu’elles auront une fin.
Pour vous remettre un peu dans le bain, je vous propose quand même de relire la fin de l’épisode 48 sur lequel l’histoire s’était arrêtée. 

(…) Après une aussi longue digression mâtinée d’allers et de retours dans le temps, je réalise que le lecteur est peut-être perdu dans la chronologie. Donc, avant de reprendre le récit, il ne me parait pas inutile de rappeler, sans trop entrer dans les détails cependant, où je l’avais laissé et même un peu avant. Voilà :
Dans la nuit du 4 aout 1962, j’avais été embarqué dans sa voiture par un flic qui me soupçonnait, à tort, de trafic de drogue et de corruption de policier. Appelé par radio, il avait dû se rendre d’urgence sur les lieux d’un suicide. Tandis que j’attendais sagement dans la voiture, j’avais vu l’acteur Peter Lawford cacher quelque chose sous sa Rolls Royce, quelque chose qu’il ne voulait pas remettre au policier. Ce quelque chose, c’était un magnétophone de poche. Pris par un de mes fantasmes habituels, j’avais commis cette folie de Continuer la lecture de Go West ! (48 bis)

Go west ! Le come back !

Alors, voilà ! L’été, c’est fini ! C’est déjà l’automne et il faut retourner au boulot, retourner au jardin, au bistrot et autres lieux propices à la création. Il faut s’y remettre.

Et c’est là le problème. Depuis la mi-novembre de l’année dernière, j’avais entrepris de développer régulièrement l’autofiction de mon été 1962. Après avoir collé de près à la réalité pendant de nombreux épisodes, le récit Continuer la lecture de Go west ! Le come back !