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Le Rostand

Ce texte a été publié une première fois le 29 novembre 2014. Depuis quelques mois, j’y vais moins souvent, au Rostand. J’ai longtemps espéré y vivre la scène que je décris ci-dessous, mais je finis par me lasser et me dire que ce n’était peut-être pas la bonne méthode pour trouver un éditeur. Et puis, la clientèle, ça manque quand même un peu de jeunes. 

Couleur café (14)

Le Rostand    15 rue de Médicis


En cette fin d’après-midi de juin, la circulation dans la rue de Médicis est étonnamment réduite. Il doit y avoir une grève de quelque chose quelque part qui a empêché les banlieusards d’arriver ce matin, à moins que ce ne soit la méthode Hidalgo qui commence à porter ses fruits. On est entre nous, en quelque sorte. Le soleil filtre à travers les arbres et éclaire gentiment la terrasse du Rostand, toujours pleine à cette heure. Le Rostand a été refait il y a quelques années. C’est maintenant un magnifique café de style Napoléon III, un peu chic et un peu cher. Quand il fait beau, la terrasse, qui fait face à l’ouest, est un de mes endroits favoris. Les passants choisissent plutôt le trottoir d’en face, celui qui longe les grilles du Luxembourg. Ils sont attirés par ces éternelles et lassantes expositions de photographies que les administrateurs du Sénat se croient obligés d’accrocher aux grilles, sans doute pour se justifier de leur budget ‘culture’, et dont le principal effet est d’empêcher de voir le jardin.

…..Tu reprends un café? Je crois qu’on va taper très fort à la rentrée avec le dernier de Bernard. Je viens de finir la lecture, c’est encore Continuer la lecture de Le Rostand

Walter Mitty, c’est moi ! (texte intégral)

Critique aisée 42-1

« Madame Bovary, c’est moi!« 

Ce qu’avait voulu dire Flaubert en lançant cette petite phrase, on ne le sait pas vraiment. Voulait-il confirmer par là qu’il avait écrit tout ça tout seul : Madame Bovary, c’est moi qui l’ai écrit tout seul ! Moins prosaïque et plus littéraire: on pourrait penser qu’il voulait expliquer que la personnalité d’Emma, son attitude devant la vie, son insatisfaction, ses déceptions, étaient le résultat de ce que lui, écrivain, avait vécu. Moins littéraire et plus psychologique: certains affirment qu’avec cet aphorisme, Flaubert avait voulu révéler la femme qui était en lui. Moins psychologique et plus people: à partir de cette petite phrase, d’autres ont même été jusqu’à insinuer que Gustave était une femme.

« Madame Bovary, c’est moi !  » Qu’est-ce que Flaubert avait bien voulu dire par là ? Hé bien, rien du tout. Parce qu’aux dernières nouvelles, il n’aurait jamais dit ni écrit cette phrase ! Que de dissertations, essais, articles, thèses, notes de bas de page et autres exposés deviennent désormais bons à jeter aux orties ! Au moins, ça fera de la place pour les choses sérieuses.

Donc, Flaubert a dit « Madame Bovary, c’est moi ! «  et personne n’a rien compris. Mais quand je dis: « Walter Mitty, c’est moi!« , vous comprenez très bien ce que je veux dire. Non ? Ah, bien sûr, si vous ne savez pas qui est Walter Mitty, pour vous, tout ça manque un peu d’intérêt.

Hé bien, voilà :
Walter Mitty est un héros littéraire (c’est à dessein que j’emploie ici le mot héros) qui n’est apparu qu’une seule fois, et très brièvement, dans la littérature nord américaine, plus précisément dans une courte nouvelle de Continuer la lecture de Walter Mitty, c’est moi ! (texte intégral)

Walter Mitty, c’est moi ! (3)

Critique aisée 42-3  (traduction de « The Secret Life of Walter Mitty »; voir notes ci-dessous)

Résumé des deux premiers épisodes : Après avoir successivement forcé un hydravion gigantesque  à travers un ouragan déchainé, accompagné sa femme chez le coiffeur, opéré à l’improviste un millionaire d’une obstréose compliquée d’un coreopsis, garé sa voiture dans la mauvaise file, Walter Mitty va poursuivre ses aventures avec l’achat d’une paire de caoutchoucs…

3
Ils sont tellement sûrs d’eux, pensa Walter Mitty en marchant le long de Main Street; ils pensent tout savoir. Une fois, il avait essayé d’enlever ses chaînes, à la sortie de New Milford, et il les avait entortillées autour des essieux. Il avait fallu que quelqu’un vienne avec une dépanneuse pour les démêler, un jeune garagiste, narquois. Depuis lors, Mrs Mitty l’obligeait à chaque fois à aller dans un garage pour faire enlever les chaines. La prochaine fois, pensa-t-il, je me mettrais le bras droit en écharpe : alors, ils ne se moqueront plus de moi. J’aurais le bras droit en écharpe et ils verront bien que je ne pourrais pas enlever les chaines moi-même. Il trébucha dans un paquet de neige fondue. « Caoutchoucs,  » se dit-il, et il commença à chercher Continuer la lecture de Walter Mitty, c’est moi ! (3)

Walter Mitty, c’est moi ! (2)

Critique aisée 42-2    (traduction de « The Secret Life of Walter Mitty »; voir notes ci-dessous)

Résumé du premier épisode : Après avoir opéré un rapprochement audacieux entre Walter Mitty et Emma Bovary, l’auteur de l’article traduit maintenant intégralement l’œuvre fondatrice du Mittysme. Le héros de James Thurber, Walter Mitty, navigue entre la réalité dans laquelle il fait des courses en ville avec une femme autoritaire et le rêve éveillé où il est le héros de situations hautement dramatiques.

2
« Avancez, mon vieux! » lança un policier alors que le feu changeait, et Mitty mit ses gants en hâte et fit hoqueter sa voiture vers l’avant. Pendant un temps, il conduisit sans but au long des rues, et puis il passa devant l’hôpital en se rendant au parking.

… « C’est le banquier millionnaire, Wellington McMillan, » dit la jolie infirmière. « Oui ?«  dit Walter Mitty en enlevant lentement ses gants. « Qui s’occupe du cas ? » « Le Dr. Renshaw et le Dr. Benbow, mais il y a ici deux spécialistes, le Dr. Remington de New York et le Dr. Pritchard-Mitford de Londres. Il est arrivé par avion.«  Une porte s’ouvrit au bout d’un long corridor froid et le Dr. Renshaw apparut. Il semblait décomposé et hagard. « Bonjour, Mitty,«  dit-il. “Nous avons un mal du diable avec McMillan, le banquier millionnaire et ami personnel de Roosevelt. Obstréose des voies ductales. J’aimerais que vous y jetiez un coup d’œil. » « Volontiers,«  dit Mitty.

Dans la salle d’opération, Continuer la lecture de Walter Mitty, c’est moi ! (2)

Walter Mitty, c’est moi ! (1)

Critique aisée 42-1

« Madame Bovary, c’est moi!« 

Ce qu’avait voulu dire Flaubert en lançant cette petite phrase, on ne le sait pas vraiment. Voulait-il confirmer par là qu’il avait écrit tout ça tout seul : Madame Bovary, c’est moi qui l’ai écrit tout seul ! Moins prosaïque et plus littéraire: on pourrait penser qu’il voulait expliquer que la personnalité d’Emma, son attitude devant la vie, son insatisfaction, ses déceptions, étaient le résultat de ce que lui, écrivain, avait vécu. Moins littéraire et plus psychologique: certains affirment qu’avec cet aphorisme, Flaubert avait voulu révéler la femme qui était en lui. Moins psychologique et plus people: à partir de cette petite phrase, d’autres ont même été jusqu’à insinuer que Gustave était une femme.

« Madame Bovary, c’est moi !  » Qu’est-ce que Flaubert avait bien voulu dire par là ? Hé bien, rien du tout. Parce qu’aux dernières nouvelles, il n’aurait jamais dit ni écrit cette phrase ! Que de dissertations, essais, articles, thèses, notes de bas de page et autres exposés deviennent désormais bons à jeter aux orties ! Au moins, ça fera de la place pour les choses sérieuses.

Donc, Flaubert a dit « Madame Bovary, c’est moi ! «  et personne n’a rien compris. Mais quand je dis: « Walter Mitty, c’est moi!« , vous comprenez très bien ce que je veux dire. Non ? Ah, bien sûr, si vous ne savez pas qui est Walter Mitty, pour vous, tout ça manque un peu d’intérêt.

Hé bien, voilà :
Walter Mitty est un héros littéraire (c’est à dessein que j’emploie ici le mot héros) qui n’est apparu qu’une seule fois, et très brièvement, dans la littérature nord américaine, plus précisément dans une courte nouvelle de Continuer la lecture de Walter Mitty, c’est moi ! (1)