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Vieillir

Vieillir…le vilain mot!

On dit qu’il ne faut pas craindre de vieillir, que c’est la meilleure façon de ne pas mourir jeune, qu’avec l’âge viennent la sérénité, la tolérance et toute cette sorte de choses…
Mais, vieillir, c’est quand même un mot terrible.
Et terriblement contrariant quand c’est à soi qu’il est appliqué.
« La plus grande surprise dans la vie d’un homme, c’est de vieillir ».
C’est Tolstoï qui a dit ça. Et moi, d’ajouter: »…et pour une surprise, c’est une surprise! »

En effet, avant l’âge de dix ans, la jeunesse apparait comme un état permanent, acquis une fois pour toutes, immuable. Il y a d’un côté les enfants, dont on fait partie, à côté des enfants il y a les jeunes, qu’on appelle les grands, et puis il y a les vieux. C’est clair, net, précis et définitif.
Si, à partir de dix ans, on admet et même si, souvent, on souhaite rallier un jour le camp des jeunes, la vieillesse est un état que l’on n’envisage absolument pas de rejoindre. C’est tout simplement hors de question ; « Old age is not an option », comme disait Peter Pan.
Vers quinze ans, on est comblé, on fait partie des grands. Bientôt les filles, le permis de conduire, les vacances sans les parents, les après-midi dans les cafés….
On commence vaguement à entrevoir que, dans de très nombreuses années,  si on ne fait pas attention, on pourrait se retrouver dans la peau d’un vieux. Mais une telle lucidité n’apparait que rarement. Elle a la brève clarté d’un éclair. Il suffit de secouer la tête pour dissiper cette pensée néfaste.
Vers vingt-cinq ans, on est un homme ; on ne peut se cacher les choses plus longtemps: il faudra se résoudre à atteindre un jour cinquante ans. Mais rien de grave! Les images de la publicité nous prouvent tous les jours qu’à cinquante ans, on est beau, on est propre, on boit du Nespresso, on barre un bateau, on part à Val d’Isère, on rit autour des piscines.
Cinquante ans! Il fallait bien en arriver là. Mais on se dit que rien n’est perdu, qu’on ne laissera pas venir les fameux symptômes dont Raymond Queneau avait dressé la liste : « …la ride véloce, la pesante graisse, le menton triplé, le muscle avachi… » Ah non, pas moi ! Il suffira de faire un peu d’exercice et de remplacer le beurre demi-sel par du St Hubert allégé.
Soixante ans passés. Pendant la décade qui vient de s’ouvrir, ils vont arriver les symptômes, inévitablement, dans le désordre,

-Par surprise bien sûr, mais ils arriveront,
-En éclaireurs sournois d’une  armée d’invasion.

Ils se feront d’abord passer pour la conséquence d’un effort un peu trop poussé, d’un geste maladroit ou d’une mauvaise posture. Ils se déguiseront ensuite en punition d’un excès de table. Mais ne vous y trompez pas, make no mistake comme avait l’habitude de dire Georges Bush, l’effort, la posture, la table n’y seront pour rien, ou presque.

Décidément, non! « Old age is not for sissies! » La vieillesse n’est pas faite pour les mauviettes! Ça, c’est Bette Davies qui l’a dit.

Vieillir est donc la plus grande surprise qui puisse arriver dans la vie d’un homme. Mais pourquoi est-ce une surprise ?
Mais parce qu’à l’intérieur, ce n’est pas du tout pareil !
Parce que, à l’intérieur, on a toujours, selon les circonstances, dix-sept, vingt-cinq, trente-cinq ans, ou bien pas d’âge du tout.
La preuve : quand on rêve, est-ce qu’on s’est jamais vu en vieillard ?

Non, en dedans, tout est comme avant.
viell