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Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa ? (Texte intégral).

Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa?

Sergent vaguemestre Coutheillas Daniel
58ème Division d’Infanterie
1ere Compagnie du Génie S.P.241 


sergent
Daniel Coutheillas et Eugène Prunet en mai 1940
2 juillet 1940

Je suis prisonnier, échoué le long de ces grilles que gardent des soldats allemands! Depuis un mois, nous sommes sans nouvelles. Où êtes-vous Denise, Marie-Claire, ma mère?

10 juin 1940

Le 10 juin, nous avons quitté Beuvillers où la vie s’écoulait près du front avec des alternatives de calme et de bombardements. La relève Continuer la lecture de Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa ? (Texte intégral).

Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa ? (Chapitre 17 – Je les ai ! )

3 aout

Je me fous de tout. Je n’ai plus de courage. De plus en plus impatient, j’attends ma mère avec les papiers nécessaires pour ma sortie du camp.
Nous devenons un peu fous. Nous interprétons tout de travers. Mes nerfs sont tendus comme une corde prête à se rompre.
J’écoute le haut-parleur qui m’appelera peut-être tout à l’heure…
Deux femmes venues d’Andilly en vélo ont accepté d’aller pour nous à Paris. Elles prendront le train, se chargeront de nos courses. Prunet, Mas, Dumousseau, Poirier et moi nous leur confions nos espoirs. Petites lettres…Elles reviendront apporter leur réponse ici dans deux ou trois jours.
Ce soir, les Ponts et Chaussées partent à leur tour, avec des faux papiers fournis par le 11ème étranger.
Nous faisons une demande, Prunet et moi, au titre des Ponts et Chaussées.
Nous sommes enfiévrés, anxieux. Moi surtout !

4 aout

Notre demande va bon train. J’espère.
Messe du matin. Je vois Léger. Cher moine, bon copain. Il me conseille de prier ! Je fais de mon mieux. Messe émouvante.
Je brûle d’impatience. Prunet fourgonne dans les bureaux. Nous nous étions promis il y a longtemps de partir tous les deux ensembles.
Ce soir, nous sommes dans la cour. Quantité de fourmis volantes s’abattent sur nous.
Décision subite. Prunet fonce au bureau du camp, où sont libérés les Ponts et Chaussées. Je le vois de la fenêtre au rez de chaussée. Je surveille les dossiers. Je vois nos feuilles signées…Je lui fais signe. L’adjudant veut un paquet de cigarette pour arranger les choses. Je cours en chercher. Je rentre dans la chambrée. Prunet arrive derrière moi. Il est essoufflé, pale

-Je les ai ! dit-il……..

Et voilà !  Le journal que le prisonnier Coutheillas avait commencé le 2 juillet 1940 se termine  le 4 aout, comme ça, brutalement, sans conclusion ni grandes phrases, ni tambour, ni trompette, ni suite. 
On devine une sortie du camp, sans acte de bravoure, mais avec de faux papiers et une grosse boule au ventre, à côté d’Eugène devenu son ami pour toujours. On aimerait qu’il soit arrivé chez lui, à pied depuis la Gare de l’Est, à l’improviste et à l’heure des croissants, dans la douce aurore de ce matin du 5 aout 1940.

Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa ? (Chapitre 16 – Les dragées )

Lundi 29 juillet

Il fait beau. Je m’installe dans la cour, le derrière sur deux briques au pied d’un arbre rachitique qui me sert de dossier. Je croque des dragées. Ça fait des kilos que nous boulottons. Si je fais un baptême un jour, je demanderai des crottes en chocolat.
A bien regarder, ça a vraiment une sale gueule une caserne, même sous le soleil.
Prunet vient me chercher pour un tour de piste et…grabat-dodo !
 
30 juillet mardi

Longue nuit ; C’est le moment où tout se tait, mais quel bruit au réveil.
Les avions anglais sont venus nous survoler hier et nous ont jeté des tracts, aussitôt saisis par les allemands. Un Oberlieutenant en a même perforé un qui se baladait en l’air d’une balle de pistolet. Bel exploit. Ça nous donne à réfléchir.
On s’en fout des tracts ! Les anglais viennent trop tard. Etait-ce plus difficile de venir nous aider il y a deux mois ?
Les officiers français quittent le camp aujourd’hui, probablement dirigés vers Nancy. Est-ce bon ? Est-ce mauvais ? Comme d’habitude, on n’en sait rien. Ils sont là qui passent au milieu de nous, sans un adieu. Aucun homme ne leur porte leur cantine ou leurs colis. Triste départ.
J’ai fait l’essai de sortir tantôt, avec une corvée. Inutilement ! Chaque fois que je tente de sortir, c’est raté !
Journée sombre sans soleil.

31 juillet mercredi

Rien ne nous dit ce que nous allons devenir. Serons-nous délivrés bientôt ? Sur les montants de mon grabat, j’ai gravé le calendrier d’aout. Candide, je n’avais jusqu’alors gravé que juillet !
Ça fera deux mois de silence des miens dans quelques jours et cependant des amis reçoivent des nouvelles. Prunet, Mas et moi, nous sommes logés à la même enseigne ; c’est mortel !
Il y a même de très nombreuses visites au camp et des prisonniers ont la permission de la nuit pour la passer avec leur femme venue jusqu’ici.

Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa ? (Chapitre 15- Il pleut sans trêve )

25 juillet, jeudi

Il pleut sans trêve. Dans cette vie enfermée, c’est un mal de plus. Nous ne pouvons même pas aller dans cette grande cour. Elle est transformée en un marécage bourbeux.
Rien d’autre à signaler.

26 juillet, vendredi

Rien de nouveau dans notre misérable vie.
Je tente de faire passer une lettre à ma mère lui demandant d’essayer de me faire libérer. Y parviendra-t-elle ? J’en doute fort, mais nous, nous ferions tout pour sortir d’ici.

27 juillet

Ma mère réussira-t-elle ? La libération semble de plus en plus lointaine et c’est avec une sombre tristesse que nous voyons arriver les semaines à venir…
Je descends de mon grabat le matin. Petit tour en circuit dans la cour et puis re-grabat, et ainsi de suite toute la journée, çà et là coupée par un peu de TSF. La guerre des nerfs continue.
Les cultivateurs partent par petits paquets travailler dans les fermes des environs. Ce n’est pas le signe d’un prompt retour.
Prunet est cafardeux. Partout, les rires se font de plus en plus rares.
Ce soir, tour de chant dans la chambrée. Pas de grands talents !

Dimanche 28 juillet

Le mois de juillet se meurt dans un temps froid et pluvieux. Tout un grand mois de captivité, le plus long mois de ma vie.
Nous tournons en rond dans cette grande cour.
Aucune nouvelle de ma famille !
Rencontré Pharamond dans la cour. Il est tellement maigre qu’ il ne fait même pas d’ombre lorsqu’il y a du soleil. On s’amuse à lui prendre le bras au-dessus du coude, on serre un peu et on ne sent qu’un bras gros comme un crayon entouré d’étoffe. Tout doucement, il devient fou.
Messe dans un mauvais hangar, pour officier, le prêtre nous fait face derrière une table dressée sur des tréteaux. Quelles prières faut-il faire ? J’ai les larmes aux yeux. Faiblesse.
Hier soir grâce à Dominique ( ?) et Bayer nous avons eu une escalope de veau-crème fraiche, du pain civil, de la bière. Mon estomac n’est plus habitué.
Je n’ai plus de bas ! Bientôt plus d’argent. Heureusement, j’ai un banquier : Prunet !
Nous sommes décidés à ne pas moisir ici.
Les heures s’égrènent, longues et tristes.

Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa ? (Chapitre 14-Il pleut)

Il pleut…

22 juillet 1940

Il a plu toute la nuit. Il pleut encore. Tout est humide, boueux. Aujourd’hui un mois que nous sommes prisonniers et nous n’avons aucun véritable espoir de partir. Cette semaine, dit-on, sera décisive. Qu’est-ce qu’on en sait ? Des espoirs chaque jour déçus ne nous ont pas encore guéris.
C’est aujourd’hui la fête de ma mère. Où est-elle ? Je lui avais donné le conseil de partir. L’a-t-elle fait ?
Je dois avoir changé. Maigri, fatigué, mais je tiendrai jusqu’au retour.
Tantôt, je suis allé à une conférence faite par un officier, Deschamps. Conférence sur la dénatalité. Je connaissais Deschamps Continuer la lecture de Qu’est-ce que t’as fait à la guerre, Papa ? (Chapitre 14-Il pleut)

Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (13-Grand messe)

Samedi 20 juillet 1940

Aujourd’hui un journal de Châlon sur Saône du 30 juin est tombé sous nos yeux. Comment est-il venu là ? En tous cas, il nous apprend pas mal de choses…les limites de l’occupation allemande, certaines clauses de l’armistice : libération des prisonniers à la Paix ! Que foutent-ils, dit Prunet, pourquoi ils ne la signent pas, cette paix ?…Les allemands sont loin sur notre sol. Tristesse. Ils n’ont pas l’air de s’être comportés comme en 1914. On verra plus tard.

Nous sommes oubliés, abandonnés de nos Continuer la lecture de Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (13-Grand messe)

Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (12-Artisanat)

Artisanat
19 Juillet 40

Encore une nuit passée dans mon cagibi. Il fait froid, il pleut.
Il est six heures du matin. Prunet se rase. Dumousseau dort encore. Mas commence à dire des bêtises.
Si seulement on pouvait compter les jours ! Les heures sont de plus en plus longues. Il pleut à torrent. Nous sommes contraints de rester à deux cents dans cette chambre.

Nous sommes maintenant à l’âge du bronze : chacun se fait une bague dans des pièces de monnaie. Vingt-cinq centimes devient une bague en argent, deux francs devient une bague en or. Dumousseau a inventé Continuer la lecture de Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (12-Artisanat)

Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (11-Pessimisme)

Pesimisme
17 juillet

Aucune nouvelle depuis deux jours. La TSF doit être cassée car le haut-parleur installé au milieu de la cour reste muet. Dommage. Les bruits qui circulent sont plus nombreux que jamais. Rien n’est prouvé ni confirmé. Toujours anxieux.

Des femmes de camarades ont su qu’ils étaient ici et ont fait des prodiges de vélo pour venir voir leurs maris. Elles sont venues de Troyes, 170 kilomètres en deux jours. C’est superbe. Par elles, nous pensons pouvoir rentrer vers Continuer la lecture de Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (11-Pessimisme)

Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (10-Les Alsaciens sont partis)

Les Alsaciens sont partis

Mardi 16 juillet

Je suis toujours sans nouvelle des miens. Quelle angoisse !
Nous ne foutons toujours rien, pas plus Prunet que moi.
Comme tout le monde, j’espère que cette journée nous apportera du nouveau et que bientôt nous verrons des départs à grande cadence.
Seuls les cheminots sont partis. Mais les Alsaciens sont encore là malgré l’espoir qu’ils avaient de partir les premiers. Déjà beaucoup ont tourné casaque. Nous les voyons avec les allemands. Ils sont interprètes et cette fonction leur donne de l’importance…à leurs yeux.

Hier soir la femme de Grandchaudron Continuer la lecture de Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (10-Les Alsaciens sont partis)

Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (9-Qu’est-ce qu’on attend ?)

Qu’est-ce qu’on attend ?

Dimanche 14 juillet 1940

Qu’attend-on pour nous délivrer ? Nous avons l’impression d’etre abandonnés par notre gouvernement. Qu’est-ce qu’ils foutent là-bas ? Qu’est-ce qu’ils attendent pour demander notre retour ? Que nous soyons crevés ?
L’épidémie s’étend avec rapidité. Les hommes tombent comme des mouches. J’en vois à chaque instant portés sur des brancards qu’on emmène vers l’infirmerie déjà pleine à craquer.
Par mesure d’hygiène, nous devons passer les heures de la journée dehors et non plus dans les chambres.
Je suis fatigué et pas gaillard du tout. Je veux pourtant tenir. Prunet est cafardeux.

14 juillet 1939 ! Le défilé de nos forces ! C’était tout ce qu’on avait !
Les Allemands ont installé Continuer la lecture de Qu’est que t’as fait à la guerre, Papa ? (9-Qu’est-ce qu’on attend ?)