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La cena di Pisa (2/2)

(…) Avec des gestes rapides mais précis, elle découpa la jupe, l’ôta du goulot et enfonça le sommelier dans le bouchon. Quand elle l’eut extrait sans un bruit, elle porta le bouchon près de son nez. Nous étions silencieux, attentifs, recueillis. Nous nous attendions à devoir désigner celui de nous trois qui devrait procéder avec componction à la première dégustation du Barolo et, après les simagrées d’usage, autoriser la sommelière à nous servir. Mais la jeune femme saisit de sa main gauche le verre qu’elle avait placé au milieu de la table et, de sa main droite, elle renversa la bouteille à la verticale au-dessus du verre, faisant glouglouter vivement le vin dans le goulot.

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J’avais déjà eu l’occasion d’observer cette énergique méthode de verser le vin dans un restaurant parisien connu pour le prix littéraire qu’on y décerne chaque année. Le sommelier à qui j’en avais fait la remarque m’avait assuré que c’était une excellente façon d’aérer le produit. Soit ! Notre sommelière aérait le produit. Elle l’aéra même en une telle quantité, que j’estimai alors à une quinzaine de centilitres, que le cinquième du contenu de la bouteille se trouvait à présent dans son verre. Tous les trois, ébahis, nous regardions faire la spécialiste. Elle porta le vin à ses lèvres, en but très peu, fit toutes les grimaces qui sont d’usage quand il s’agit de gouter un vin et prononça comme pour elle-même deux mots que je reconnus sans peine : è buono. Puis, changeant de ton, elle lança vers le fond de la salle quelque chose comme : « Eh ! Alfredo ! … blablabla… Barolo ! »

Un homme apparut dans l’encadrement de la porte de la cuisine. C’était Alfredo, sans aucun doute, le patron de l’établissement : plutôt enveloppé, petit et rond, moustachu vif et souriant, il me fit penser au regretté Dario Moreno. Sur un pantalon noir, il portait Continuer la lecture de La cena di Pisa (2/2)

La cena di Pisa (1/2)

Comme vous n’allez pas tarder à le constater, ce récit ne présente aucun intérêt. Mais, bon…

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La chose s’est passée vers la fin de l’année 2003.
Le voyage entre Paris et Pise avait été difficile.
Ça avait commencé avec un violent orage qui avait inondé une partie de l’autoroute du Nord, provoquant un remarquable embouteillage. C’était justement l’heure où se rendent à Roissy ceux qui ont un rendez-vous le lendemain matin à 8 heures en Italie, la même que celle où les rurbains essaient de rentrer chez eux avant la fin des Chiffres et des Lettres, cette émission dont on célèbrera bientôt les soixante années d’existence et dont la folle ambiance n’est pas sans rappeler celle du journal du soir de la télévision soviétique des années Brejnev.
J’étais donc arrivé très en retard à CDG, mais le même orage ayant retardé le décollage de notre avion, je fus admis à y monter. J’y retrouvai mes deux clients, assureur et courtier, deux hommes que sincèrement et sans flagornerie — franchement, quel intérêt y trouverais-je à présent ? — je qualifie encore aujourd’hui de sympathiques.

Ça a continué avec le vol, plutôt agité, car il n’y avait pas que sur Paris qu’en ce début de nuit de la mi-novembre, le temps était orageux. Nous fûmes soigneusement secoués jusqu’après les Alpes, mais nous nous posâmes à Pise par un temps calme sous une voûte glaciale et étoilée.
Pendant le vol, et malgré les trous d’air, nous avions parlé de l’Italie, de la cuisine italienne et des vins italiens et, je dois dire, parfois avec émotion. J’avais même brillé en mentionnant un vin fameux, ignoré de mes deux compagnons, le Barolo.
Le Barolo est un vin du Piémont, un excellent vin, très Continuer la lecture de La cena di Pisa (1/2)