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Le Monumenta des Kabakov – Critique aisée 23

Cette année, tout un tas de gens qualifiés ont confié le Grand-Palais à Ilya et Emilia Kabakov pour y réaliser le Monumenta 2014. Parmi ces deux artistes russes, je ne sais pas qui fait quoi, mais ce qu’ils font est honorable: une étude sur la lumière qui fait penser inévitablement aux Cathédrales de Rouen de Monet, des schémas, des dessins, des maquettes d’un « centre d’énergie cosmique » qui rappelle très fortement les décors de Edgar P. Jacobs pour Les aventures de Blake et Mortimer, encore des maquettes et des dessins à la Folon de méthodes pour rencontrer les anges. Tout cela n’est pas extraordinaire mais honorable.
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Je mettrai pourtant à part le « Musée Vide », très prévisible « Galerie sans tableaux » où les œuvres sont remplacées par des tâches de lumière sur les murs. Ce genre de paradoxe-provocation constitue pour moi le comble -ou l’un des combles car ils sont nombreux ces temps-ci – du conventionnel, à moins que ce ne soit celui du canular, à l’instar de Klein repeignant totalement une galerie en blanc pour n’y exposer rien du tout (pour une fois qu’il ne faisait pas du bleu !) J’ai toujours espéré qu’il s’agissait d’un canular, tout en étant persuadé d’avoir tort.

Honorable donc, passable, intéressant parfois. Mais pourquoi ai-je gardé cette impression que tout cela était daté des années cinquante, avec en plus un fort parfum soviétique ?

Mais là n’est pas la question. La question est que, sans être petites, les œuvres présentées sont de taille modeste. Par ailleurs, elles demandent à être vues sous de faibles éclairages avec, de préférence, jeux d’ombre et de lumière. Pour les abriter, les artistes ont donc conçu des sortes de blocs en staff blanc, qu’ils ont disposés avec ordre dans l’espace offert, et qu’ils ont appelé pompeusement « Étrange Cité ». (Soit dit en passant, il y règne une chaleur d’enfer, mais il faut bien souffrir pour être cultivé).

Mais alors, dites-moi, pourquoi avoir choisi de telles œuvres pour les exposer dans cet immense, magnifique et lumineux espace qu’est le Grand-Palais?
Buren, au moins, avait su utiliser toute la surface offerte avec ses disques de plastique multicolore. Ajoutant une dimension, Anish Kapoor, l’inimitable, avait réussi, lui, à occuper le volume du Grand Palais avec sa magnifique poupée gonflable.

Ilya et Emilia, eux, n’ont fait qu’utiliser la fonction abri de la grande verrière pour y placer des stands d’exposition dans lesquels on trouvera leurs œuvres honorables (voir plus haut).
Étrange Cité, assurément. Étrange conception qui ne tient aucun compte du lieu. Étrange choix d’artistes dont les œuvres n’ont rien de Monumenta..L.

 

 

La Villa Méditerranée. Critique aisée (1)

Quand la technique de pointe des grands ouvrages d’art se met aveuglement au service de la nullité de la pensée architecturale, ça donne la Villa Méditerranée de Marseille.
La « Villa » est principalement composée d’une salle d’exposition planant à 19 mètres de hauteur en console au-dessus d’un bassin qu’elle recouvre entièrement et de divers espaces de réception et amphithéâtres situés sous le bassin.

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On reste sans voix devant les prouesses techniques incarnées dans  cette construction prétentieuse voulue et payée par la Région et devant les phrases creuses, convenues et passe-partout (…politique de coopération décentralisée volontariste, espace phare de l’activité culturelle du périmètre Euroméditerranéen….) qui sont censées expliquer et justifier ce porte à faux gigantesque et coûteux et ces salles sous-marines.

Qu’a-t-on voulu faire exactement?
pouvoir nettoyer facilement sous le bâtiment?     Peu probable.
mettre à la disposition des Marseillais un plongeoir collectif, d’où 47 personnes pourraient plonger en même temps et figurer ainsi dans le livre des records?       Dangereux.
mettre le bassin à l’abri pour éviter que les gens qui se baignent soient mouillés par la pluie?     Gribouillesque.
rafraichir les amphithéâtres en les plaçant sous 2,50 mètres d’eau? Peu efficace.
épater le badeau ?     Probable.
laisser une empreinte?     Regrettable.
dépenser de l’argent?     Certain.

Plus sérieusement, sur le plan politique local, ce machin, qu’on appelle déjà la Villa Vauzelle, du nom du Président de la Région, est le résultat courant d’une ambition personnelle, celle de Monsieur Vauzelle, de laisser sa trace, et d’un conflit entre l’Etat, alors de droite et initiateur du projet du MUCEM, et la Région, toujours de gauche, qui ne voulait pas être en reste sur le plan culturel.

Soixante-dix millions d’euros avoués, probablement davantage, dépensés pour un palais de plus auxquels les Conseils Régionaux nous ont habitués.

Tout aussi sérieusement, mais cette fois sur le plan architectural : une construction qui ressemble à décor pour un James Bond de la belle époque, un dessin à l’esbroufe dont aucune réalité de fonctionnement n’explique ni ne justifie les originalités dispendieuses, du Mies van den Rohe ou du Frank Lloyd Wright mal copiés. Et ce n’est pas la définition donnée par l’architecte lui-même, Stefano Boeri, qui va nous éclairer:  » un bâtiment qui accueille la mer « .

A ce prix là, on ne se privera pas d’une plaisanterie facile en disant qu’une journée portes-ouvertes est prévue prochainement dans les amphithéâtres sous-marins afin de véritablement  « accueillir la mer ».