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Humour, ironie et laconisme

Morceaux choisis

Le jour où Jaromil montra ses poèmes à sa mère, elle attendit en vain son mari, et elle attendit aussi vainement le lendemain et les jours suivants.
Elle reçut en revanche de la Gestapo un avis officiel lui annonçant que son mari était arrêté. Vers la fin de la guerre, elle reçut un autre avis officiel comme quoi il était décédé dans un camp de concentration.
Si son mariage avait été sans joie, Continuer la lecture de Humour, ironie et laconisme

Théorie mathématique de la bêtise

Georges Brassens a dit que le temps ne faisait rien à l’affaire et que quand on était con, on était con. Mais, sauf le respect que je dois au bonhomme et l’affection que je lui porte, je dois dire que Brassens se trompait car, en matière de connerie, le temps est un facteur important. Non pas que le con devienne plus con avec l’âge, mais le con d’aujourd’hui l’est davantage que le con d’hier. En effet, récemment, grâce au progrès, la connerie a avancé à pas de géant. Rappelons-nous que le Web est devenu d’usage public à partir des années 90 et que Facebook a été créée en 2004. L’ami Georges, mort en 1981, bien trop tôt, ne pouvait bien sûr pas tenir compte de ces extraordinaires facteurs de progrès.
Voyons ce que Milan Kundera disait du sujet. (Comme il parle de Flaubert, Kundera ne dit pas « connerie« . Il dit « bêtise« , mais c’est pareil.)

« Le 19ème  siècle à inventé la locomotive. Flaubert a découvert la bêtise. J’ose dire que c’est là la plus grande découverte d’un siècle si fier de sa raison scientifique, car la bêtise ne s’efface pas devant la science, la technique, le progrès, la modernité, au contraire, avec le progrès, la bêtise progresse elle aussi. Ainsi la bêtise moderne signifie non pas l’ignorance mais la non-pensée des idées reçues. La découverte flaubertienne est pour l’avenir du monde plus importante que les idées de Marx ou Freud, car on peut imaginer l’avenir sans lutte des classes ou sans psychanalyse mais pas sans la montée irrésistible des idées reçues. »    (Milan Kundera – L’Art du Roman – 1986)

« Avec le progrès, la bêtise progresse elle aussi… » Remarquable sentence, non ? Et encore, l’auteur de l’Insoutenable Légèreté de l’Être, lui non plus, ne connaissait pas Internet. Pourtant, malgré ce handicap, ses travaux ont permis  d’établir les deux théorèmes essentiels suivants, qui sont aujourd’hui à la base de la plupart des théories modernes de la communication :

1er théorème de Kundera
Toutes choses égales par ailleurs, le crétin d’aujourd’hui est plus bête que celui d’hier.

2ème théorème de Kundera
A un instant donné et dans les conditions normales de température et de pression, la bêtise est strictement égale à la somme des idées reçues.

À partir de ces deux théorèmes, certains chercheurs, disciples de Kundera, prétendent avoir démontré le corollaire suivant :

Corollaire de Kundera
L’ensemble des idées reçues est inclus dans l’ensemble des commentaires publiés sur Facebook.

Une école de chercheurs dissidente regarde cette inclusion comme trop limitative. Elle considère qu’une partie des idées reçues échappe au sous-ensemble Facebook et peut se retrouver dans d’autres ensembles ou sous-ensembles dénommés « supports médiatiques et/ou vernaculaires ». La presse, les émissions de débats télévisés et les comptoirs des cafés et tabacs de l’hexagone sont actuellement examinés par les membres de cette école. Leur champ de recherche est infini et prometteur.
Quels que soient les résultats que ces chercheurs obtiendront au cours des années à venir, on peut dès aujourd’hui réaffirmer l’axiome de Brassens :

Axiome de Brassens
Quand on est con, on est con

ceci à la condition d’y ajouter le codicille suivant :

Codicille de Brassens
mais la probabilité de le devenir davantage est de 99,97%