TAVUSSA 19
Mais dans quelle langue Macron parle-t-il donc ?
Plus ça va, plus j’ai l’impression que les déclarations d’Emmanuel Macron sont faites d’un assemblage de syntagmes choisis au hasard et placés comme des dominos, les uns derrière les autres.
Pourtant, cette combinaison aléatoire de mots, qu’il pratique désormais couramment, donne, parfois à son insu, un sens précis à ce qu’il dit. Le hasard fait quelque fois mal les choses et, la dernière fois, c’était plutôt maladroit : en voyage de campagne électorale en Algérie, Emmanuel a dit en substance que la colonisation française de l’Algérie avait constitué un crime contre l’humanité.
Que la colonisation ait été globalement bonne ou mauvaise pour l’Algérie est une question que l’on peut discuter entre gens de bonne foi. La qualifier de crime contre l’humanité constitue non seulement une ânerie juridique, une erreur historique et un grave faux-pas diplomatique mais aussi une lâche complaisance envers un journaliste algérien.
Après tant d’années post coloniales, même la gauche de la gauche ne pense plus comme cela, et Macron a dû se rendre compte qu’il avait choqué une grande partie de l’opinion publique, et plus particulièrement les pieds noirs, qui se sont vus ainsi assimiler aux Nazis de la Shoah et aux Turcs du génocide arménien.
Cette partie de la population française votant certainement en plus grand nombre aux élections françaises que les Algériens, Macron a voulu se rattraper auprès de cette clientèle potentielle. Il a donc prononcé à l’intention des Pieds Noirs cette phrase énigmatique et compliquée, à la syntaxe incertaine et au sens obscur :
« Ma responsabilité, c’est qu’ensemble, nous soyons vraiment Français, il faut casser ces blocages, donc je le dis, à chacune et chacun dans vos conditions, dans vos histoires, dans vos traumatismes, parce que je veux être président, je vous ai compris et je vous aime, la République doit aimer chacun ! »
Analysons, voulez-vous ?
« …vraiment Français… »
Tout d’abord, qu’est-ce qu’être vraiment Français ? Etre Français, je sais. Mais vraiment Français ? Je ne vois pas. Plus français que ceux qui ne sont que français ? Je n’ose pas croire qu’il ait voulu dire « Français de souche »
« …Ma responsabilité, c’est… »
Ensuite, en quoi le fait d’être Français, vraiment ou pas, relève-t-il de la responsabilité de Macron ? De Macron candidat ? De Macron président ? Non, vraiment, je ne vois pas.
« …casser ces blocages… »
Mais de quels blocages s’agit-il ? Des blocages qui empêcheraient les pieds noirs de se considérer comme Français ? Le genre de blocage que créerait par exemple une comparaison hasardeuse avec les Nazis par un président putatif ?
« …donc je le dis, à chacune et chacun dans vos conditions, dans vos histoires…»
Plait-il ?
« …parce que je veux être président, je vous ai compris et je vous aime … »
Veuillez m’excuser, mais je ne vois pas bien la logique, là ? Est-ce que « je vous aime parce que je veux être président ? ou bien « je veux être président parce que je vous aime ? »
« …je vous aime, la République doit aimer chacun. »
Est-ce que c’est vraiment français, ça ? Je veux dire grammaticalement ?
Eh oui, vous voyez, les déclarations publiques de E.Macron me donne de plus en plus l’impression d’un arrangement aléatoire de mots décalés, ronflants, convenus, d’une combinaison probabiliste de propositions passe-partout, reflétant un populisme habillé de neuf, un discours de la méthode sans fond, avec par conséquent la profondeur du vide, une logorrhée incantatoire de secte du Grand Mamamouchi, un consensus lisse, une bouillie aux sens multiples bien digne de cet émule christique du Pingouin suprême.
C’est beau comme du Paolo Coelho. La foule ébahie fait semblant de comprendre les aphorismes. Elle lève les bras au ciel comme le Ravi de la crèche.
Si j’étais à la place de la foule, je me méfierais.