Archives par mot-clé : Lucien Claveirole

Les mousserons de Massiac

L’automne a semé dans l’herbe rase des pieces de monnaie aux reflets dorés, attendant le Petit Poucet courant la campagne.
Les moutons de « La Marthe » sont passés par là !
Les mousserons feront dans la poêle baveuse le bonheur de Mère Gtand’, ou sur le fil attendront l’omelette gourmande.
La canne en main, solitaire, le Grand-Père Édouard aimait découvrir ces chapelets de Sainte-Madeleine, retrouvant l’air pur de sa jeunesse et un peu de liberté.
Les moutons de La Marthe ont fumé cette terre maigre où le vent des plateaux déplie le profond de vous-même et vous grise.
Jadis, sonnait la cloche de la chapelle sous l’ardeur de nos impulsions juvéniles; elle tinte encore dans nos souvenirs, comme un air de fête et d’insouciance. Heureux les élus qui s’attachent aux bruits présents du passé.
Les alouettes s’envolent et leur cri traverse les champs sous le sifflet du vent.
Les murets de pierre volcanique cloisonnent le plateau comme en Bretagne celte.
Un trou d’eau abreuve le troupeau du cousin Soubrier, quand le soleil ne l’a point asséché.
Au loin, sur le flanc des collines, l’autoroute trace une saignée bruyante, taxe de modernité, qualifiée d’embellie économique pour le village. Les premiers hommes sont passés par là !
Mais le plat de champignons sauvages gardera pour toujours ce relief cher au palais du ramasseur !

Lucien Claveirole
Aix, le 21 août 2002

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Novembre

Le ciel bleu se drape d’une écharpe blanche au Sud, tandis que le soleil s’évanouit à l’ouest, sur le golfe, dans une clarté anémiée.
La terrasse s’assoupit sous un linceul de feuilles de platane, jetées de ci de là tristement.
Il fait « du mide » dans l’air, dirait la fermière du Jas de Bouffan. Les rayons d’automne ne sèchent plus la nature dont l’engourdissement vous raidit l’âme et les sens.
Les chiens aboient à la mort, dans l’unisson de deuil.
L’homme est imprégné de son environnement, quand il respire, malgré l’isolement urbain des forces vives. Y aurait-il une intime pression du dehors sur le dedans ? La fraicheur d’automne chasse vite les rêveries ; il faut retrouver l’abri douillet de la maison.

Lucien Claveirole
La Violette, 22 novembre 2002, 16 heures

Dimanche à la mine de La Ricamarie

 1937

L’ingénieur principal divisionnaire du Montrambert, Henri Claveirole, est de garde ce dimanche. Un éboulement s’est produit durant la semaine dans un travers-banc, et des boiseurs sont descendus pour étayer le toit effondré.

Mon père veut se rendre compte de l’avancement des travaux, pour la reprise lundi de l’extraction en cet endroit, par plus de huit-cents mètres sous terre ; il me propose de l’accompagner pour me faire mieux connaitre la vie des mineurs de fond que nous côtoyons depuis notre première enfance et dont il parle avec respect et une certaine affection, comme sans doute à ses soldats de Verdun ; ces mineurs ne l’appellent-ils pas familièrement entre eux « le Capitaine » ?

Apres cinq minutes de marche depuis notre villa, sur les noirs trottoirs de la route nationale baptisée rue Gambetta, dans cette traversée ouvrière, après être passés devant Continuer la lecture de Dimanche à la mine de La Ricamarie

Aux écrevisses

Lucien Claveirole. 1938

Nous ne pêchions pas. Nous cueillions de l’écrevisse au fond des « gours » de l’Arcueil.
La bande gravissait à bicyclette, en fin de journée, les quatre cents mètres de dénivellation des vingt kilomètres de côte de la route de Massiac à Saint-Flour; une petite route de terre nous conduisait au hameau d’Espezolle, commune de Saint-Mary Le Plain, qu’il fallait, par peur du gendarme, traverser sans trop attirer l’attention sur nos agissements.
Nous admirions furtivement le coucher de soleil sur le petit lac où s’abreuvaient les troupeaux. A pieds, poussant les vélos, nous descendions le chemin pierreux vers l’Arcueil, vers sa gorge encaissée. Arrivés au moulin, il fallait montrer aux aboiements du chien, « patte blanche amicale », pour obtenir la faveur du Père Nicolas, de s’installer pour dormir dans la grange.
Les bicyclettes mises à l’abri, les provisions déchargées, Continuer la lecture de Aux écrevisses

Les ormes

Une haie de vieux ormes jalonnait le talus élevé de deux à trois mètres, en pied de la grande prairie, le long du chemin de la Vierge Noire. Leur tronc, droit, haut, à l’écorce raboteuse se terminait par une cime touffue, qui dominait de vingt-cinq mètres l’allée bucolique. Elle n’était pas sans danger, cette route, les jours de grand vent, qui faisait choir les branches mortes tourmentées et cassantes.
Les arbres s’abreuvaient dans la rigole en contrebas, née du canal du Verdon ; aussi restaient-ils verts sous le chaud soleil d’été, comme dans l’allée d’un parc lyonnais.
Géraud, enfant, récolta un jour, dans un sous-bois, Continuer la lecture de Les ormes

Le poisson rouge

Il est né dans le vaste bassin de pierre de « La Verdière ».
Un jour, à l’occasion d’une vidange il est resté prisonnier du seau qui regroupait ses congénères. La hasard l’a choisi pour devenir l’hôte d’un modeste bocal qui ornait la salle à manger.
Au chaud, bien nourri, il grossissait, tout juste respecté par les chats.
Chaque semaine, la main amicale de la maîtresse de maison le déposait dans l’évier d’inox de la cuisine à l’occasion du lavage de sa prison de verre que les algues vertes envahissaient. Il était heureux, couché sur le flanc, ravi d’être arrosé par le jet du robinet; c’était pour lui comme une caresse.
Comme le bébé changé de langes, sa toilette faite regagné le berceau, il fallait à regret retrouver le bocal.
Une pincée de paillettes de nourriture affectueusement distribué en surface, permettait à l’ami de venir saluer, puis il recommençait sa ronde aquatique sans jamais se lasser, jusqu’à la prochaine évasion.
Ayant trop grossi pour le modeste logement un jour d’automne nous décidions de le libérer dans la vaste piscine de la propriété. Il semblait s’y ennuyer un peu. Nous lui rendions de fréquentes visites; nous frappions des mains et il venait au bord pour se faire caresser et nous voyait partir à regret.
Un jour d’hiver, la glace à envahi la surface de l’eau. Nous avions disposé des branchages et pourtant Oscar a péri. La maisonnée était triste de perdre un fidèle compagnon à qui la liberté avait été fatale.

Lucien Claveirole

Le vent

Nous habitions le quartier du « Jas de Bouffan » baptisé sans doute en l’honneur des exaspérations du Mistral, souvent maître impétueux de l’atmosphère.
Descendant de la vallée du Rhône, se mariant avec les vents du Nord nés des hautes pressions septentrionales, il est appelé par le Sud Méditerranéen plus chaud; il tourne sur l’Etang de Berre, remonte sans obstacle la vallée de l’Arc pour souffler ses violentes rafales sur nos pinèdes dont il couche les arbres.
Après un temps pluvieux, en un instant il nettoie le ciel rendu limpide, dessèche la terre en poussière et malmène le linge en drapeaux Continuer la lecture de Le vent