Archives par mot-clé : Lorenzo dell’Acqua

Averses à La Flotte

Mercredi 3 avril : Pluie ininterrompue à La Flotte
par Lorenzo dell’Acqua

         Quand on ne joue ni aux cartes ni au scrabble, le mauvais temps à la mer oblige à se rabattre sur des activités solitaires. Cette semaine, j’ai lu un roman de Jean d’Ormesson dont le sous-titre aurait pu être : l’Eloge de la Futilité. Contrairement à ce qu’il dit avec une fausse modestie dont il est coutumier, ce livre ou plutôt cette autobiographie, Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, est de loin son meilleur roman. Et il faut bien reconnaître que la réalité y dépasse la fiction. Cette constatation me perturbe un peu car il m’est devenu de plus en plus difficile de lire des ouvrages de fiction. Il me semble logique d’aimer les fictions quand on est jeune et que la vie s’offre à nous avec toutes ses possibilités. On y découvre alors les voies que l’on aimerait emprunter ou au contraire celles qui nous rebutent. Mais quand la vie est derrière nous, se plonger dans la fiction ne m’intéresse plus et me semble même absurde. A quoi revenir sur ce que nous n’avons pas réalisé ou su réaliser au cours de notre vie ? Aurais-je dû être un autre ? C’est le début de la dépression, à coup sûr !

         La lecture de ce livre de Jean d’O est troublante Continuer la lecture de Averses à La Flotte

Les corneilles du septième ciel (53, 54 ET 55)

Chapitre 53

Comment réussir à faire avouer à l’un ou à l’autre, ou aux deux, la raison du drame survenu dans le Marais deux ans plus tôt ? C’était le boulot de Bruno et pas celui de Françoise comme cette dernière le lui rappela au moment où ils se quittèrent.

  • Effectivement, reconnut Bruno. Mais si vous aviez une idée, ce serait gentil de m’en faire part.
  • Voyez-vous, je crois qu’on ne peut sortir du mensonge comme de l’ambiguïté qu’à son propre détriment. Ils ne reconnaîtront jamais leur forfait. Ruser pour leur tirer les vers du nez n’est pas la bonne solution. Leur dire la vérité, en l’occurrence la nôtre, serait sûrement plus efficace.
  • J’en doute, mais je vais y réfléchir.

Ils décidèrent de se répartir la tâche : Françoise se chargerait du photographe et Bruno Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (53, 54 ET 55)

Itinéraire d’un enfant gâté

 

Itinéraire d’un enfant gâté
Claude Lelouch, 1988
par Lorenzo dell’Acqua

Itinéraire d’un enfant gâté est un film de Claude Lelouch qui va à l’encontre de mes théories sur la vanité des fictions. Celui-là en est une particulièrement invraisemblable. L’histoire ne tient pas debout. Et pourtant, ce film me tire des larmes chaque fois que je le revois. L’émotion naît chez moi non pas de l’horreur qui ne me fait pas pleurer mais changer de chaîne, elle naît au contraire de la noblesse d’âme et de sentiments. Et dans ce film, on est servis ! L’histoire n’est pas crédible mais les sentiments des personnages sont vrais et bouleversants. C’est de l’amour, non pas à la Lelouch, mais à la louche. Depuis la première vision,  je trouve que c’est une ode à la paternité dont je ne connais pas d’autre exemple dans le cinéma. C’est aussi un film rempli de bienveillance même s’il y a, comme dans la vraie vie, des méchants très méchants. La scène Continuer la lecture de Itinéraire d’un enfant gâté

Gratitudes

Cela fait près de 5 mois que Lorenzo m’a adressé pour publication la première version du texte ci-dessous, première version suivie de 4 ou 5 autres. J’aurai pu publier sur le champ cette action de grâce tant elle est de toutes les saisons, mais j’ai pensé que le jour de Thanksgiving était préférable à tout autre, même si nous ne sommes pas de culture américaine, car la traduction de Thanksgiving, selon Art Buchwald tout au moins, c’est « Merci donnant ». Alors…

*

On ne dit jamais assez merci à ce qui compte pour nous, à ce qui nous émeut, à ce qui force notre respect comme la générosité, la gentillesse, le charme, le courage, la dignité, l’élégance, la gaité, l’honnêteté, le respect, la gratitude, le souvenir, l’humour, le sacrifice, la délicatesse, la poésie, la grâce, le dévouement, la droiture, l’enthousiasme, le génie, la fidélité, l’humilité, l’indulgence, l’intégrité, la loyauté, la modestie, l’écoute, la patience, la rigueur, la sagesse, la sincérité, la tolérance, la bienveillance …

Voilà la raison de ces « Gratitudes » que j’ai voulu Continuer la lecture de Gratitudes

Rendez-vous à cinq heures avec le passé

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LE SILENCE DES PARENTS 

Mon cher Philippe,

Bien que le passé ne t’intéresse pas et que le présent ait des raisons de te préoccuper, j’aimerais que tu soumettes un jour aux lecteurs de ton blog cette question que je me pose tous les jours. Leurs réponses me seraient utiles.

Je suis né en 1950 et, bien qu’on n’en parlât jamais, la guerre terminée depuis quatre ans était encore omniprésente à notre insu. Par crainte de je ne sais quelle restriction, on ne mangeait jamais de pain frais, on finissait d’abord le pain rassis de la veille. C’était une des obsessions de ma mère héritées des années de privation dont je ne pouvais pas comprendre pas la raison. Nous étions heureux, ou plutôt nous n’étions pas malheureux, même si nous, les enfants, ne le savions pas.

Avec le temps, le silence de mes parents est devenu pour moi une énigme à laquelle je ne trouvais aucune réponse. Eux n’avaient jamais rien fait de mal, j’en suis convaincu, ce qui exclut déjà cette explication à leur attitude. Alors pourquoi ne nous ont-ils jamais parlé de la guerre et de leur vie pendant la guerre ? Cette interrogation Continuer la lecture de Rendez-vous à cinq heures avec le passé

Rendez-vous à cinq heures avec une façon d’aimer

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Critique littéraire
par Lorenzo dell’Acqua
Une façon d’aimer
Dominique Barberis, 2023

A la différence de Modiano, D. Barberis, l’auteur du roman « Une façon d’aimer », ne se nourrit pas de bribes de souvenirs mais de bribes de témoignages. Son imagination comble les vides pour inventer une histoire cohérente alors que celles de Modiano restent toujours floues. Son roman, plus proche de Maupassant, est criant de vérité en particulier sa description de la vie coloniale en Afrique à la fin des années cinquante ; on s’y croirait.

 « Une façon d’aimer » est une histoire banale comme en vivent beaucoup de gens dont on n’entendra jamais parler et qui ne seront jamais des héros. Aux yeux de son auteur, ils le sont autant que Madame Bovary. Ses personnages obscurs, pour ne pas dire quelconques, ressentent un jour la même chose que les personnages de romans : la passion. D. Barberis nous dit que la passion existe aussi chez ceux qui, intellectuellement, culturellement, socialement, n’en sont pas les protagonistes classiques. Elle redonne leurs titres de noblesse à tous ceux qui ont connu pour de vrai ce que les romans racontent pour de faux. Eux, ils l’ont vécue, ils en ont souffert et parfois ils en sont morts. Qui le dit, qui le raconte, qui le sait ? C’est surement une de ses qualités de réussir à intéresser les lecteurs à des gens banals dont l’histoire n’est exceptionnelle Continuer la lecture de Rendez-vous à cinq heures avec une façon d’aimer

Rendez-vous à cinq heures à bicyclette

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GIANT
par Lorenzo dell’Acqua

Dans mes souvenirs d’enfance, la bicyclette n’était qu’un jouet. Mon premier vélo m’avait été offert pour l’anniversaire de mes sept ans et ce n’est pas ma chute avec une fracture du bras qui m’empêcha de continuer à en faire toute ma vie. Aujourd’hui encore, il me donne un plaisir infini et une incroyable sensation de liberté.

Chez ma tante à Dreux, j’eus par la suite un « routier » bleu, une sorte de vélo de course avec de gros pneus et des garde-boue, l’ancêtre des VTT, sur lequel je sillonnais sans plaisir cette sous-préfecture sans charme. A Tharon-Plage au bord de l’Atlantique où je passais les vacances d’été, un vélo de course récompensa mon succès au BEPC avant d’être remplacé par un solex. Continuer la lecture de Rendez-vous à cinq heures à bicyclette

Rendez-vous à cinq heures avec les souvenirs

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Aimer Modiano

Chaque fois que nous évoquons un souvenir, nous le modifions.

Sa profession médicale et les hasards de la vie nous firent nous retrouver par hasard cinquante ans plus tard. Nous parlâmes de cette époque avec nostalgie. Comme j’évoquais ma passion pour Patrick Modiano, elle me demanda si je me souvenais de la soirée passée chez Dominique Zerhfuss, une de ses amies d’enfance et future femme de l’écrivain. Dans son souvenir, il s’agissait d’un magnifique appartement du quai Anatole France donnant sur la Seine et les Jardins des Tuileries où nous étions allés ensemble. Je suis absolument certain n’y être jamais allé et, d’ailleurs, je n’ai pas non plus le moindre souvenir de Dominique Zerhfuss. Lisant ce soir une biographie de Modiano, je m’aperçois qu’il s’est marié en septembre 1970. Continuer la lecture de Rendez-vous à cinq heures avec les souvenirs

Rendez-vous à cinq heures avec Laurent

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Mon prénom

Bien que je l’aie longtemps détesté, je suis aujourd’hui convaincu que le plus beau cadeau de mes parents, c’est lui.

Dans mon enfance, j’étais complexé de m’appeler ainsi : mon prénom Laurent avait une consonance désagréable et je le trouvais excentrique. A ce handicap s’en ajoutait un autre et tous les deux s’associèrent dans mon ressentiment. Était-ce la nature ou ma mère, je ne le saurai jamais, qui m’affublèrent d’une coiffure déjà ridicule à cette époque : la brosse. A l’école communale de la rue Boulard, personne d’autre que moi bénéficiait de ces deux attributs dévalorisants. Et, n’en déplaise à certains, j’étais bien trop ignorant de l’actualité pour que mon prénom puisse m’évoquer à cette époque, et même dans mon inconscient, une ville d’Algérie tristement célèbre. Continuer la lecture de Rendez-vous à cinq heures avec Laurent

Les comportements de Lorenzo

Dans la droite ligne de son remarqué article « Pourquoi le roman ? », Lorenzo remet le couvert avec cette :

Ebauche sur les comportements

Il existe à mon sens trois théories pour expliquer les comportements humains :

— les théories psychologiques, dominées par la psychanalyse qui n’est pas la seule,

— les neurosciences, qui n’en sont qu’à leur début,

 — et, paradoxalement, le roman.

Pourquoi le roman ? Parce qu’il est la description, l’analyse et l’interprétation des comportements humains selon des critères ni scientifiques, ni psychologiques qui n’appartiennent qu’à lui, ou plutôt, qui sont à chaque fois proposés par l’auteur comme des possibilités. Paradoxalement, dans un roman, Continuer la lecture de Les comportements de Lorenzo