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Dérision

Les extrêmes se rejoignent ; et comme on désespère d’être pauvre et seul, on s’ennuie d’être trop riche ou trop heureux ; tout se change en or, et l’on crève d’indifférence, comme les hommes pauvres et seuls meurent d’indigence. Si tout est permis, rien n’est permis. Cette âme neurasthénique par trop grande liberté, trop grande virtuosité, trop grande oisiveté, ressemble à un navigateur qui meurt de soif au milieu de l’océan. Car l’abondance avilit : telle est la dérision de la concurrence. L’ennui est donc le désespoir renversé, le désespoir des millionnaires, des acrobates et des humoristes ; c’est la façon qu’ont les riches d’être pauvres. Quelle dérision !
Vladimir Jankélévitch – L’ironie – 1964

L’ironie

Morceau choisi

…D’abord de l’ironie. Ne vous laissez pas dominer par elle, surtout à vos heures de sécheresse. Dans les moments créateurs efforcez-vous de vous en servir comme d’un moyen de plus pour saisir la vie. Employée pure, elle aussi est pure ; il ne faut pas en avoir honte. Si vous vous sentez trop de penchant pour elle, si vous redoutez avec elle une intimité́ grandissante, tournez-vous vers de grandes et graves choses, en face desquelles elle devienne petite et comme  perdue. Gagnez les profondeurs : l’ironie n’y descend pas. Si elle vous accompagne jusqu’aux bords de la grandeur, cherchez si elle répond à une nécessité de votre être. Sous l’action des choses graves, ou bien elle se détachera de vous (c’est qu’elle n’était là que par accident), ou, vous étant vraiment innée, elle se forgera elle- même en instrument précieux et prendra sa place dans l’ensemble des moyens dont vous devez former votre art.

Rainer Maria Rilke. Lettres à un jeune poète

Rigolade gratuite, laïque et obligatoire. (Critique aisée 27)

J’aime bien Alain Finkelkraut. Il a dit:
« Nous vivons aujourd’hui sous le régime cauchemardesque de l’hilarité perpétuelle. »
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette déclaration (1) car je la trouve trop générale. Peut être le contexte dans lequel elle a été prononcée précisait-il sa cible, mais je l’ignore, alors autant apporter la précision moi même.
À la place de Finkie (2), moi, j’aurais dit:
« À la télévision, nous vivons aujourd’hui sous le régime cauchemardesque de l’hilarité perpétuelle ».
C’est mieux, non? J’aurais même complété:
« À la télévision, nous vivons aujourd’hui sous le régime cauchemardesque du sarcasme obligatoire, de l’ironie permanente et de l’hilarité perpétuelle. À la télévision, moi, je m’emmerde. »
Là ! Comme ça, c’est parfait !

Note 1- Quand j’ai écrit cette petite note, A.F. n’avait pas encore été élu à l’Académie Française. Sinon, vous pensez, jamais je n’aurais osé apporter la moindre réserve à la déclaration d’un immortel.
Note 2- Voir note 1 ci-dessus.