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Non, Michel Houellebecq n’est pas réactionnaire.

Morceau choisi

(…) il faut s’entendre sur le sens des mots. Un réactionnaire est quelqu’un qui estime préférable un état antérieur de l’organisation sociale, possible d’y revenir, et qui milite dans ce sens.
Or s’il y a une idée, une seul, qui traverse tous mes romans, jusqu’à la hantise parfois, c’est bien celle de l’irréversibilité absolue de tout processus de dégradation, une fois entamé. Que cette dégradation concerne une amitié, une famille, couple, un groupement social plus important, une société entière ; dans mes romans il n’y a pas de pardon, de retour en arrière, de deuxième chance : tout ce qui est perdu est bel et bien, et à jamais, perdu. C’est plus qu’organique, c’est comme une loi universelle, s’appliquant aussi bien aux objets inertes ; c’est littéralement, entropique. À quelqu’un qui est à ce point persuadé du caractère inéluctable de tout déclin, de toute perte, l’idée de réaction ne peut même pas venir. Si un tel individu ne sera jamais réactionnaire et tout naturellement, conservateur. Il considérera toujours qu’il vaut mieux conserver ce qui existe, et qui fonctionne tant bien que mal, plutôt que se lancer dans une expérience nouvelle. Plus sensible aux dangers qu’à l’espérance il sera pessimiste, d’un naturel triste, et en général facile à vivre.

M.Houellebecq – Ennemis publics – 2008

ET DEMAIN, UN SONDAGE SUR LES ORIGINES DU CHOCOLAT AU LAIT

Seule la littérature…

Morceau choisi

Autant que la littérature, la musique peut déterminer un bouleversement, un renversement émotif, une tristesse ou une extase absolue ; autant que la littérature, la peinture peut générer un émerveillement, un regard neuf porté sur le monde. Mais seule la littérature peut vous donner cette sensation de contact avec un autre esprit, avec l’intégralité de cet esprit, ses faiblesses et ses grandeurs, ses limitations, ses petitesses, ses idées fixes, ses croyances ; avec tout ce qui l’émeut, l’intéresse, l’excite ou lui répugne. Seule la littérature peut vous permettre d’entrer en contact avec l’esprit d’un mort, de manière plus directe, plus complète et plus profonde que ne le ferait même la conversation avec un ami – aussi profonde, aussi durable que soit une amitié, jamais on ne se livre, dans une conversation aussi complètement qu’on ne le fait devant une feuille vide, s’adressant à un destinataire inconnu.

Michel Houellebecq – Soumission