Morceau choisi
(…) il faut s’entendre sur le sens des mots. Un réactionnaire est quelqu’un qui estime préférable un état antérieur de l’organisation sociale, possible d’y revenir, et qui milite dans ce sens.
Or s’il y a une idée, une seul, qui traverse tous mes romans, jusqu’à la hantise parfois, c’est bien celle de l’irréversibilité absolue de tout processus de dégradation, une fois entamé. Que cette dégradation concerne une amitié, une famille, couple, un groupement social plus important, une société entière ; dans mes romans il n’y a pas de pardon, de retour en arrière, de deuxième chance : tout ce qui est perdu est bel et bien, et à jamais, perdu. C’est plus qu’organique, c’est comme une loi universelle, s’appliquant aussi bien aux objets inertes ; c’est littéralement, entropique. À quelqu’un qui est à ce point persuadé du caractère inéluctable de tout déclin, de toute perte, l’idée de réaction ne peut même pas venir. Si un tel individu ne sera jamais réactionnaire et tout naturellement, conservateur. Il considérera toujours qu’il vaut mieux conserver ce qui existe, et qui fonctionne tant bien que mal, plutôt que se lancer dans une expérience nouvelle. Plus sensible aux dangers qu’à l’espérance il sera pessimiste, d’un naturel triste, et en général facile à vivre.
M.Houellebecq – Ennemis publics – 2008
ET DEMAIN, UN SONDAGE SUR LES ORIGINES DU CHOCOLAT AU LAIT