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J’aurais voulu être un dandy

Couleur Café (2): Le Comptoir du Panthéon
25 juillet 2012
La rue Soufflot penche vers la droite. Le soleil est parfaitement dans son axe. Entre deux feux verts, la rue est calme devant le Comptoir du Panthéon. Sa terrasse, à l’ombre de son dais marron, est encore fraiche. Peu de monde. A ma droite un homme jeune manipule son iPad. Il écrit de temps en temps. A ma gauche, un jeune couple basané, venu des Indes ou du Pakistan, est en train de faire le bilan de sa découverte de Paris. Comme des tables vides nous séparent, personne ne gêne personne.
J’ai fini mon croissant, pas encore mon double café. J’ai lu trois pages du Côté de Guermantes, ce qui a épuisé mon stock de concentration disponible. Comme j’ai pris la précaution d’emporter un stylo et un bloc, je me mets à écrire.

Voilà ce que j’aurais aimé faire de ma vie : écrire à la terrasse d’un café. Mener une vie de dandy. Etre  Barbey d’Aurevilly et me préoccuper de ma prochaine canne ou de ma prochaine coupe de cheveux. Être  Frédéric Moreau, et hésiter toujours, ne s’engager jamais, trouver le peuple sublime et ne jamais s’y mêler. Pourtant, ces deux personnages, l’un réel et l’autre romanesque, me déplaisent tant par leur égoïsme évident, leur futilité apparente et leur incroyable sentiment de supériorité. Mais, dans une sorte de mise en abyme, je sais que je ne pense cela que parce que je ne suis pas un dandy, parce que je suis à l’extérieur de ces personnages, alors que si j’étais l’un d’eux, aveuglé par les défauts que je leur prête, je ne verrais rien de ces mauvais aspects du dandysme et coulerais de bien beaux jours.
Être un dandy. Une petite rente. Pas trop petite quand même, assez pour habiter le Quartier Latin et n’avoir pas d’autre occupation que manger un peu, boire un peu, écrire un peu, voir des amis un peu.
Nostalgie, regrets, apitoiement sur soi, signes d’âge.

Tout va bien.

La rue Soufflot penche à droite vers la Tour Eiffel. Le 89 monte vers le Panthéon. Quelques jeunes touristes, en short et sac à dos, bouteille de plastique à la main, redescendent de la Montagne vers le Luxembourg ou le MacDo. Quelques touristes moins jeunes, en short, Birkenstocks aux pieds et sueur au front, gravissent le trottoir, face au soleil, vers le monument.
Peu d’autochtones, pas d’étudiants. Quelques belles filles pourtant. Quelles belles filles ! Quelle belle ville ! Quelle belle vie !

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