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Tailleur pour Dames – Critique aisée n° 207

Critique aisée n°207

Tailleur pour dames
Georges Feydeau
Bernard Murat – Pierre Arditi-2008

Quelqu’un1 a dit un jour : « Les pièces de Georges Feydeau sont des mécanismes d’horlogerie, des mécanismes d’horlogerie d’une précision suisse, construits par un horloger maniaque dans le seul but de pouvoir y introduire lui-même un à un les grains de sable qui emmèneront l’horloge en survitesse et finiront par la faire exploser. »
Mais une fois qu’on a dit ça ou quelque chose d’approchant, en général on brode un peu et on s’arrête là, à court de paraphrases et de métaphores. Et pourtant, quand on a dit ça, on n’a pas tout dit.

On n’a pas dit qu’elles sont impossibles à raconter, car leur intrigue est aussi invraisemblable que compliquée ; qu’elles sont immorales, au mieux amorales, car les protagonistes passent leur temps à tromper ou à vouloir tromper les uns avec les autres ; qu’elles sont cruelles, car Continuer la lecture de Tailleur pour Dames – Critique aisée n° 207

Lettre à Ernest Feydeau

Ernest Feydeau. Vous ne connaissez pas Ernest Feydeau ? Mais vous connaissez son fils, certainement ? Voyons ! Georges ! Georges Feydeau ! Le fil à la patte ! Ah, quand même !
Eh bien, Ernest Feydeau était le père de Georges. Enfin, peut-être, parce que certains disent — ou plutôt disaient, car aujourd’hui, tout le monde s’en fout — que le véritable père du véritable père du vaudeville était le Duc de Morny, ou peut-être même Louis-Napoléon Bonaparte.

Selon Wikipedia, Ernest était « archéologue, écrivain et courtier en bourse ». L’éclectisme des gens de cette époque me surprendra toujours… archéologue et courtier en bourse !
Ernest Feydeau a vécu de 1821 à 1873 alors que son ami Flaubert, de 1821 à 1880. Il fallait se dépêcher d’écrire à cette époque, car le temps était court.

Bref, Ernest et Gustave étaient amis et, comme chacun sait, Flaubert écrivait beaucoup (et bien). Voici un extrait d’une lettre de l’été 1857 dans laquelle il avoue à son ami que la littérature l’embête et que Continuer la lecture de Lettre à Ernest Feydeau

Le Système Ribadier. Critique aisée (3)

Le système Ribadier, de Georges Feydeau – Théâtre du Vieux Colombier.
-J’étais seul l’autre soir au Théâtre Français,
-Racontait Lamartine ou bien alors Musset,
-…
Que l’on se rassure, je ne vais pas recommencer mes exercices alexandrins et approximatifs, mais je trouve que ça sonnait bien pour débuter la critique d’une pièce du Répertoire,  « Le système Ribadier ». Donc, j’étais seul l’autre soir devant le théâtre du Vieux Colombier, l’autre salle de la Comédie Française, lorsque qu’une affiche pour ce spectacle a attiré mon attention toujours en éveil.
J’avais vu, il y a quelques années, cette pièce de Feydeau assez peu connue. Le rôle principal y était tenu par Bruno Solo qui, malgré ses premiers emplois de clown de télévision, se révèle au fil des spectacles un excellent acteur. Sans arriver à la perfection de la Puce à l’Oreille ou du Fil à la Patte, j’avais trouvé qu’avec moins de moyen, cinq personnages seulement, Ribadier arrivait à un très bon résultat, c’est à dire, comme toujours  avec Feydeau, au rire aux éclats, au rire qui essouffle, au rire qui fait pleurer. Le sympathique petit Bruno y était pour quelque chose bien sûr, mais surtout le grand Georges. Revoir cette pièce, montée par la Comédie Française, me tentait donc beaucoup. Mais, déception, rage, désespoir, la pièce se jouait à guichets fermés jusqu’à la fin de la saison.
Mais, espoir re-né, joie céleste, plaisir anticipé, le spectacle était diffusé tel soir à la télévision. Mise en scène de Zabou Breitman, rôles principaux tenus par Laurent Laffitte et Laurent Stocker, l’affaire était dans la poche. Je me suis donc installé plein de bonne volonté devant mon étrange lucarne ( vous n’aurez pas été sans remarquer que l’usage de cette métaphore, destinée bien sûr à éviter une répétition, celle du mot télévision, me fait tomber immédiatement dans un cliché très usagé.)
Hé bien, non. Je n’ai pas ri, ou si peu que Feydeau en aurait développé un ulcère à l’estomac. Pourquoi? Parce que Zabou a cassé la mécanique. Malgré des acteurs pleins de bonne volonté,  malgré un très joli saut de l’ange de Stocker à travers une fenêtre ouverte, malgré un petit chien très bien dressé, malgré un décor parfait et des costumes réussis, malgré un mari cocu joué à la perfection par un acteur dont j’ai oublié le nom mais remarqué la silhouette à la Daumier, malgré tout cela, le rire n’y est pas.
Vous avez sûrement remarqué que, dans les meilleurs pièces de Feydeau, il n’y a pratiquement jamais de silences, que les répliques se marchent les unes sur les autres, qu’une affirmation d’un personnage est immédiatement contredite par une porte qui s’ouvre, que la crainte d’un autre est aussitôt réalisée par l’annonce d’un valet de chambre, que tout ça doit aller très vite pour créer l’absurdité, réaliser l’impossible et finalement engendrer la folie. Hé bien, rien ou pas grand chose de tout ça dans ce spectacle.
Zabou a provoqué de multiples cassures du rythme en ménageant des espaces, et par conséquent des silences, pour y placer quelques pantomimes, parfois inutilement vulgaires, qui ont probablement pour but de faire référence à des scènes de cinéma muet.
Mais Feydeau, c’est comme le café Maxwell Qualité Filtre, ce n’est pas la peine d’en rajouter. Tout y est déjà.
Zabou a cassé la belle mécanique.
Si vous voulez vous faire un avis par vous-même, vous pouvez encore voir la pièce pendant quelques jours sur francetv-pluzz