Faut-il dissoudre le peuple ?
Pour l’extrême droite comme pour l’extrême gauche et, quelques fois, même pour la gauche non extrême, l’élection de Donald Trump, c’est le sursaut attendu des indignés, des oubliés et des déçus de toutes sortes contre le système, c’est la victoire du peuple contre les élites et des tas d’autres choses tout aussi lyriques et enthousiasmantes.
Bon. Si on veut.
Mais si la victoire du peuple contre les élites, c’est la désignation comme président des États Unis d’un homme, qui, vu à travers la campagne qu’il a menée, peut être qualifié de raciste déclaré, de xénophobe affirmé, de sexiste assumé, d’impulsif incontrôlable, d’ignorant crasse, de menteur invétéré, d’affairiste autoproclamé et de brute incarnée (et nous n’avons pas fini de le découvrir), ne serait-il pas temps, comme disait Berthold Brecht, de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ?
J’imagine déjà vos réactions à vous autres, âmes sensibles, devant cette question interdite : est-ce la faute du peuple si Trump a été élu, si l’Angleterre a largué les amarres et part à la dérive, si Mademoiselle Le Pen a toutes chances d’être au second tour des élections présidentielles françaises et des chances réelles d’être élue ?
Les Américains sont-ils devenus furieux (totally mad), les Anglais légèrement dérangés (rather deranged) et les Français totalement stupides (completely nuts) ?
Ne répondez pas tout de suite. Dites-vous d’abord ceci :
Pour ce qui est des USA :
–The Donald a été élu avec moins de voix que Mme Clinton
– Les électeurs du Donald représentent seulement un électeur sur quatre (plus exactement 25,5% de l’électorat)
-Il y a donc 3 électeurs sur quatre qui n’ont pas voté pour le Clown
(Il n’est pas question ici de contester l’élection d’Achille Zavatta, jusqu’à preuve du contraire régulièrement élu. Mais quand même ! Quelle drôle de loi électorale ! Élaborée dans leur sagesse par ceux que les Américains appellent les Pères Fondateurs pour éviter ce qui vient justement de se produire, il serait peut-être temps de la réviser. Mais faisons confiance au Donald pour le faire le jour où ça l’arrangera.)
Pour ce qui est de la Grande-Bretagne :
-Le Brexit a été voté par les vieux contre les jeunes, par les campagnes contre les villes et par les non-comprenants contre les diplômés.
-Le lendemain du vote, un des promoteurs importants du Brexit reconnaissait qu’il s’était trompé dans ses calculs.
-Le même jour, une partie des électeurs du Brexit (suffisante pour faire basculer le résultat) avouait qu’ils regrettaient leur vote.
Il ne s’agit donc pas (pas encore) de qualifier les Anglais d’abrutis définitifs, ni de désespérer (déjà) de l’Amérique. Il s’agit de serrer les fesses pendant les quatre prochaines années et de ne pas se tromper (j’allais dire Trumper, mais c’est vraiment trop facile) en avril prochain.
Ce serait vraiment trop bête que, sachant tout ce que nous savons aujourd’hui, intelligents comme nous sommes, nous butions sur le même caillou que les Anglais pour tomber dans le même trou que les Américains.