Go West ! (32)

(…) Une fois tout le monde réveillé par cette agitation, après que j’aie subi quelques quolibets sur ma tendance à vouloir massacrer les chats à coups de revolver, après les inévitables plaisanteries sur ma façon de conduire, après cette soirée décevante à Las Vegas et cette nuit à la dure en plein désert, un besoin de petit déjeuner urgent et unanime a fait remonter tout le monde dans la voiture. Nous avons repris la route vers Death Valley qui s’annonçait à une cinquantaine de miles vers le nord-ouest.

Si la légende qui s’attache à cet endroit désolé ne nous avait pas attiré, rien que son nom y aurait suffi. La Vallée de la Mort ! Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, le mot Vallée implique toujours une notion d’immensité, de splendeur, de solennité. Vallée des Rois, Vallée Perdue, Vallée des Géants, Vallée de la Peur, Vallée de la Mort…, le genre de locution qu’on ne peut écrire qu’avec des majuscules. Il nous paraissait donc impossible de rentrer en France sans pouvoir dire que nous avions traversé la Vallée de la Mort.

Il est sept heures du matin. Le courant Continuer la lecture de Go West ! (32)

Les trois premières fois !

Très chers lecteurs du Journal des Coutheillas, c’est aujourd’hui que parait mon dernier livre. Après Blind dinner, La Mitro, Histoire de Dashiell Stiller, Bonjour, Philippines !, Histoire de Noël et Les disparus de la rue de Rennes, voici enfin :

Les trois premières fois
et autres nouvelles optimistes

Gratuitement, je vous en livre la table des matières :

Les trois premières fois
La lucarne
Monsieur Minette
Les fleurs jaunes
Le téléski des Merles
Incident de frontière
Mexican hat
Sari
Points de vue
Un jour sans fin
Wetbacks
Les choses de la vie
Guillaume n’aime pas l’avion
À l’enterrement d’Alexis

Sur deux cents pages, Continuer la lecture de Les trois premières fois !

Les corneilles du septième ciel (53, 54 ET 55)

Chapitre 53

Comment réussir à faire avouer à l’un ou à l’autre, ou aux deux, la raison du drame survenu dans le Marais deux ans plus tôt ? C’était le boulot de Bruno et pas celui de Françoise comme cette dernière le lui rappela au moment où ils se quittèrent.

  • Effectivement, reconnut Bruno. Mais si vous aviez une idée, ce serait gentil de m’en faire part.
  • Voyez-vous, je crois qu’on ne peut sortir du mensonge comme de l’ambiguïté qu’à son propre détriment. Ils ne reconnaîtront jamais leur forfait. Ruser pour leur tirer les vers du nez n’est pas la bonne solution. Leur dire la vérité, en l’occurrence la nôtre, serait sûrement plus efficace.
  • J’en doute, mais je vais y réfléchir.

Ils décidèrent de se répartir la tâche : Françoise se chargerait du photographe et Bruno Continuer la lecture de Les corneilles du septième ciel (53, 54 ET 55)

Go West (31)

(…) En tendant le bout de carton à l’officier, je réalise combien le résultat de mon travail de faussaire est lamentable. Ça ne passera jamais, il va me demander mon passeport.  Mais Charles Kane fait semblant de comparer la photo avec le modèle et me la rend avec un très professionnel « Thank you, Sir, and have a nice stay at the Golden Nugget ».  Je n’en suis pas sûr, mais je crois distinguer derrière ses Ray-Ban une lueur d’amusement. Il se recule de deux pas et continue à m’observer. Si je m’arrête de jouer maintenant, il va penser qu’il m’a fait peur, que je ne suis pas en règle ou quelque chose comme ça. Alors, l’air nonchalant, je confie un autre Silver dollar au bandit manchot et abaisse son bras. Perdu ! Je hausse les épaules avec affectation, et je m’éloigne, mon scotch and soda à la main. Même pas mal !

Nous avons quitté Las Vegas et le Golden Nugget vers deux heures du matin après une demie nuit de jeu effréné : J’avais gagné neuf dollars d’argent à ma première tentative sur une machine à sous. Comme j’en avais perdu un à la seconde, j’avais jugé qu’il était temps de m’arrêter. Après tout, j’étais gagnant de huit dollars. Ensuite, pour ne pas tomber dans l’enfer du jeu, j’étais resté à danser d’un pied sur l’autre devant une table de black jack ou de roulette sans oser risquer la moindre de mes précieuses pièces. Les autres avaient Continuer la lecture de Go West (31)

Lettre de César à Octave

Tout le monde bien sûr (?) connait  le magnifique texte de Plutarque racontant la mort de César, assassiné dans le Théâtre de Pompée par une bande de sénateurs le 15 mars de l’année 44 avant J.C. Mais plus surprenante est la lettre qui a été retrouvée dans un coffret miraculeusement intact lors du percement d’une nouvelle galerie de métro sous la colline du Mont Palatin. C’est la lettre qu’écrivait César à son fils adoptif, Octave, celui qui deviendra bientôt Auguste, le vrai fondateur de l’Empire Romain.

Ave, Octave.
A toi, mon fils, salut.

Celle-ci est la dernière lettre que tu recevras de moi car je ne t’écrirai plus.

A lire cette annonce abrupte, tu dois te demander pourquoi, au bout de quatre années, j’ai décidé de mettre un terme à cette habitude que j’avais prise de t’écrire afin de t’apprendre ce que moi-même j’ai appris au cours de ma vie. Rassure-toi, tu ne m’as ni offensé ni déçu, et je suis satisfait de voir que tu deviens celui que j’espérais. Mais je ne t’écrirai plus.

Cette décision de t’écrire régulièrement, je l’avais prise tout d’abord par devoir, celui que je m’étais imposé de former un adolescent en qui j’avais vu une intelligence, une perspicacité, une capacité de froide analyse et de brillante synthèse au service d’une grande ambition non encore révélée, qui, avec l’aide de mon enseignement, lui permettraient d’atteindre et d’assumer les plus hautes charges de l’Etat.

Ce devoir est vite devenu Continuer la lecture de Lettre de César à Octave

Franz Bauer, Bertram Fitzwarren et moi

Le diner s’était prolongé fort tard dans la nuit. D’abondantes volutes de fumées bleues et grises flottaient sous les poutres du plafond de l’auberge en enveloppant la roue de charrette qui, avec ses pauvres ampoules électriques, faisait office de lustre au-dessus de nos têtes. Depuis quelques instants, sans doute sous l’effet des mets et des vins que nous avions absorbés en quantité, nous étions tombés dans un silence méditatif qui contrastait avec la gaité et la vivacité des conversations que nous avions échangées jusque-là.
Franz Bauer, Bertram Fitzwarren et moi nous étions rencontrés pour la première fois quelques heures auparavant dans les bureaux de la Compagnie Maritime des Indes Orientales dont le Princesse des Mers devait appareiller dans la nuit pour Sidney via Singapour et Macassar.
Pour des raisons et des destinations différentes, chacun d’entre nous avait retenu une cabine sur le Princesse des Mers et nous avions lié connaissance en accomplissant les formalités d’embarquement. Compte tenu de la Continuer la lecture de Franz Bauer, Bertram Fitzwarren et moi

Nighthawks revisité

Rediffusion
Nighthawks est probablement le tableau de plus célèbre d’Edward Hopper (1882-1967). Les commentateurs s’accordent en général pour dire que ce tableau, peint en 1942, est une représentation de la solitude et de l’aliénation de l’individu dans la société américaine.
Pourtant cette interprétation est loin de faire l’unanimité chez les spécialistes et plus particulièrement chez les gardiens de musée, surtout depuis qu’un jeune chercheur de l’Université d’Hawal-Bumpil-On-The-Gange a retrouvé dans l’un des containers qui renferment les documents en instance de classement du Whitney Museum de New York une série de croquis qui mettent en évidence les hésitations du maître quant à la signification de son œuvre majeure. Voici le premier d’entre eux qui exprime le désarroi pathétique de la femme devant l’absurdité du temps qui passe en même temps que l’assurance insolente de l’homme devant l’absurdité de la femme.

Nota bene : Avant d’envoyer des insultes à la Rédaction, rappelez vous que c’est Hopper qui pense et que nous sommes en 1942

 

Go West ! (30)

Quand la remorque a commencé à chasser, le chauffeur a lui aussi choisi de passer en force. Il s’est porté sur le milieu de la chaussée en accélérant. La remorque s’est redressée. Ses pneumatiques ont franchi l’obstacle en bondissant par-dessus. Un habile coup de volant lui a permis d’éviter la voiture montante. Cent mètres plus bas, dans un grand chuintement pneumatique, le camion s’est arrêté au même endroit que le précédent. Le chauffeur a sauté sur l’asphalte. Il a considéré la scène un bref instant et il nous a montré le poing en criant une insulte inaudible. Et puis il est remonté dans sa cabine pour continuer sa route et disparaitre dans un long coup d’avertisseur furieux.
Il ne nous restait plus qu’à dégager le pin fautif.

En 1962, Las Vegas est encore une bien petite ville au milieu du désert. Bien sûr, le Rat Pack s’y produit régulièrement, le jeu y bat son plein et la Mafia y blanchit allègrement son argent. Mais le Caesar Palace n’est encore qu’un chantier et le Flamingo et le Sands, pratiquement les seuls grands hôtels de la ville, ne sont que des masures à côté de ce que seront dans quelques décennies ces immenses hôtels-casinos à thème comme le Bellagio, le MGM, le Paris, le Venetian…
Oui, en 1962, Las Vegas est encore une petite ville, mais nous ne le savons pas encore et nous y arrivons pleins d’espoir.

Nous roulons depuis quelques centaines de mètres dans un tunnel de lumière Continuer la lecture de Go West ! (30)