Critique aisée 122
Livret de famille
Patrick Modiano – 1977
Voici ce qu’écrivait Le Monde en 2014 à propos du cinquième roman de Patrick Modiano (1) :
« Une quinzaine de récits juxtaposés, tous plus ou moins autobiographiques. Dès le deuxième, on découvre au détour de deux répliques que le narrateur a pour nom Modiano, et pour prénom Patrick. Est-ce pour autant l’écrivain lui-même ? Bienvenue au royaume de l’autofiction et de ses leurres délicieusement troublants. »
Bien vu !
Autobiographie ?
Pour en décider, il faudrait connaitre la vie de Modiano. Et rien ne nous y oblige. Avec Proust et contre Sainte-Beuve, je suis, modestement, de ceux qui se refusent à juger une œuvre littéraire d’après la vie de son auteur. Je dois ajouter que, tout seul, sans Proust ni Sainte-Beuve, je me refuse aussi à juger un écrivain d’après son œuvre.
Autobiographie ? Peut-être.
Les références confuses à certains évènements, la description précise de certains lieux, les allusions constantes à certaines époques, et aussi et surtout l’absence de logique romanesque, tout cela fait penser que ce qu’on lit est vrai, que cela a eu lieu, a été vécu. Mais par qui ?
Autobiographie ? Probablement pas.
L’absence de chronologie, les contradictions, le brouillard mélancolique qui estompe les péripéties, la légèreté apparente des personnages, l’absence de conséquences de leurs actions, tout cela fait penser à une œuvre de fiction.
Peut-être est-ce cela que l’on appelle l’autofiction ?
Quand on avait demandé à Modiano si son « Livret de famille » était une autobiographie, il avait répondu par la négative : « Pour moi, mon écriture c’est plutôt une entreprise artistique, une mise en forme d’éléments dérisoires. »
Voilà, c’est exactement cela : « une entreprise artistique, une mise en forme d’éléments dérisoires.«
Ce qui me donne l’occasion de citer encore une fois et approximativement notre ami Raymond Chandler : « Ce qui compte, c’est le style ! L’histoire, on s’en fout ! «
Note :
1-Maintenant que Modiano est Prix Nobel de Littérature, on peut bien se permettre de découvrir un roman vieux de quarante ans.
ET DEMAIN, UN TABLEAU DE FAMILLE