Mais c’est tout moi, ça !

Morceau choisi

 (…) Cependant, derrière moi, l’Institut s’endormait en chien de fusil dans la saignée de la rue Mazarine, sa coupole brodée d’or enfoncée jusqu’aux yeux comme un bonnet de nuit. J’allais doucement, du pas d’un humaniste qui arpente son jardin, flattant aux étalages des marchands d’occasion le pelage des livres, qui peuvent être féroces quand on ne les a pas lus.  Une fois de plus, je jouais… ce jeudi-ci, à revenir de la séance académique du dictionnaire. Je me perdais dans le rêve exquis d’un goûter de mots. J’étais serein, j’avais cent ans, ce qui ne m’empêchait pas d’être ébloui par les longues cuisses sous les jupes courtes. Et j’étais persuadé, si le caprice m’en prenait, que je pouvais redevenir un bel étudiant pour me mêler à ces garçons et à ces filles qui tenaient le haut du pavé.

Antoine Blondin – Monsieur Jadis ou l’école du soir – La Table Ronde – 1970

Une réflexion sur « Mais c’est tout moi, ça ! »

  1. Ha Ha Ha! C’est bien là la transposition d’un rêve éveillé. Antoine Blondin est un bon choix que je préfère en l’occurrence à Proust ou Shakespeare. Alors j’ai recherché une citation d’icelui pour compléter le tableau mais je n’ai trouvé que celle-ci:
    « Le haut du pavé se retrouve toujours sur les pavés du haut. »

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