L’Art des Snobs

Aucun roman (La Recherche du Temps Perdu) ne détruit plus simplement que le sien (Marcel Proust) une légende d’après laquelle l’oisiveté, la richesse, le confinement dans un cercle étroit de relations personnelles constitueraient des conditions propices à l’épanouissement des qualités de l’esprit et à la finesse des manières.
(…)
Il ressort donc de la Recherche que l’oisiveté et l’argent n’affinent par le goût, mais au contraire forcent contre leur goût à s’occuper d’art quantité de malheureux qui, sans nécessité de sauver la face, n’eussent jamais été condamnés à ce supplice et auraient du même coup épargné à autrui celui de les écouter. Leur dénuement eu rendu inutile la production qui leur est spécialement destinée : la littérature décaféinée, la peinture prédigérée, et en général l’avant-garde rétrospective.  Proust détruit le paradoxe de la fonction sociale des snobs, le mythe de la purification héréditaire du goût, et montre que l’éducation aristocratique et grande-bourgeoise conduit moins souvent au Louvre qu’à la galerie Charpentier.

Jean François Revel – Sur Proust (Julliard, 1960)

2 réflexions sur « L’Art des Snobs »

  1. Et j’ajouterai encore ceci qui était censé figurer dans ma réflexion antérieure à propos des regimes totalitaires et la culture, leur obsession de la contrôler et la soumettre à leur glorification, leur persécution des auteurs, compositeurs et autres sculpteurs non soumis, mais aussi la vie cauchemardesque rendue à ceux qui ont accepté de jouer leur jeu. Par exemple celle de Chostakovitch, le compositeur officiel du régime stalinien. C’est là le lien que je souhaitait faire entre les deux livres de J-F Revel, « Sur Proust » et « La tentation totalitaire ».

  2. J’ajouterai à l’attention des lecteurs du JDC qui ne connaîtraient pas Jean-François Revel (je doute qu’il y en ait), philosophe, éditorialiste, un « jouisseur éclectique » comme l’aurait décrit Baudelaire, gastronome, est l’auteur de deux ouvrages très inspirant dont les titres à eux seuls sont des invitations à la reflexion: « Ni Marx ni Jésus » et « La tentation totalitaire ». À propos du second, comme dirait mon frère Artur, « grosse mef », cette tentation totalitaire nait vite dans l’esprit bienveillant de ceux qui militent pour la création d’un monde plus juste pour aboutir à la soit disant dictature du proletariat. Mais les prolétaires deviennent vite les cocus dans l’affaire. Ca c’est un constat objectif prouvé dans les faits. Les nantis d’avant sont éliminés, certes, pour être remplacés par une nomenklatura encore plus cruelle. Pour s’en convaincre, il y a plus court à lire et plus distrayant: « Animal Farm » de George Orwell (« La ferme des animaux » en français). Décidément, l’aristocratie, par opposition à la démocratie, n’a pas que du mauvais. Merci à J-F Revel, par JDC interposé, de nous (me) le rappeler.

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