Incident de frontière – Chapitre 2

Si vous voulez lire le chapitre 1, cliquez ici.

Sinon, voici son résumé :
Mai 1970. En ce bref temps de paix au Proche-Orient, trois Français, Jean-Pierre, Françoise et Christian, deux Américains, Bill et John, trois Américaines, Tavia, Patricia et Anne et une Australienne, Jenelle, sont réunis dans deux petites voitures pour un long weekend en Syrie.

Chapitre 2

Jeudi dernier, en début d’après-midi, ils s’étaient tous retrouvés devant l’hôtel Saint-Georges pour embarquer à bord des deux modestes voitures de la Banque Mondiale. Pour rejoindre la route de Damas à travers les banlieues de Beyrouth, ils avaient pu longer Tall ez Zaatar. Le camp palestinien était retourné au calme depuis quelques jours avec la libération de Bachir Gemayel, le fils du député maronite de Beyrouth.  Le passage de la frontière s’était effectué comme d’habitude, dans la cohue et le désordre, mais sans difficulté administrative particulière. En passant devant la grande cimenterie proche de Damas, Christian s’était demandé une nouvelle fois qui pouvait bien avoir eu cette idée saugrenue de tenter de camoufler cette grande usine en la peignant en vert, jaune et marron, comme un vulgaire char d’assaut.

Arrivés à l’Hôtel Sémiramis, on ne retrouvait pas la réservation qu’ils avaient faite par Télex, mais quelques livres syriennes suffirent au concierge pour la retrouver. Ils obtinrent quatre chambres. Les deux couples prirent les deux premières, les filles la troisième et les deux célibataires, la dernière.

Après la visite de la mosquée des Omeyyades, pour laquelle les filles avaient eu à revêtir un simple châle noir, ils avaient erré dans les souks jusqu’à la fermeture des portes. Un diner de becfigues dans le jardin d’un restaurant parcouru de petits canaux dans lesquelles courait rapidement une eau rafraîchissante les avaient conduits jusque tard dans la nuit.

Le lendemain matin, ils avaient pris la route qui file presque tout droit vers le nord en suivant la voie ferrée au milieu de la campagne clairsemée. Tous les vingt kilomètres, ils pouvaient apercevoir sur leur droite une petite gare à la française, où l’on n’aurait pas été étonné de lire « Arrivée » et « Départ » au-dessus des deux portes traditionnelles.

Ils avaient passé Homs sans s’arrêter car ils voulaient arriver à destination bien avant la nuit, mais un arrêt à Hama était devenu inévitable. Il faisait de plus en plus chaud et les filles étaient fatiguées de rouler sans arrêt. On avait trouvé une fraiche terrasse au bord de l’Oronte. Ils avaient mangé des brochettes en buvant de la limonade car, le vendredi, même aux étrangers, on ne sert pas d’alcool. Pendant ce temps, des enfants en chemise se laissaient soulever par les norias et plongeaient dans le fleuve du plus haut des grandes roues à aubes.

Délaissant la citadelle, qu’ils pourraient toujours visiter une autre fois, ils étaient repartis vers le Nord. Encore une cinquantaine de kilomètres et ils atteindraient au but de leur voyage, Alep.

Alep, Aleppo, une des plus vieilles villes du monde, plaque tournante millénaire du commerce, citadelle de Saladin, prison des Croisés, point de mire de l’Orient Express, séjour préféré de Lawrence d’Arabie…

Ils étaient arrivés vers la fin de l’après-midi, et après avoir pris leurs chambres à l’hôtel Baron, ils étaient partis directement à la citadelle, les souks étant fermés jusqu’au lendemain matin. Là, par petits groupes, ils avaient erré sur les remparts, divagué au milieu des vestiges déserts des mosquées, des palais et des thermes romains. Christian avait réussi à se montrer drôle et cultivé devant Patricia, mais il n’avait pas pu la séparer d’Anne, qui les suivait partout comme un chaperon. En bermuda, ample chemise à carreaux, chapeau de paille et sandales de marche, volubile et passionné, le professeur Breed avait arpenté le site en tous sens en prenant des notes et des photographies, entraînant derrière lui les deux Ponti et l’australienne, ravis. John et Tavia avaient passé la plupart du temps assis sur un créneau à contempler la ville et les souks qui s’étendaient à leurs pieds. Inspirés par le spectacle, ils avaient parlé de l’histoire de l’humanité, de son avenir et de leur propre futur. Au coucher du soleil, fatigués, ils s’étaient tous retrouvés à l’hôtel. Un peu plus tard, dans la douceur de la nuit, à la lumière de guirlandes électriques multicolores, ils dînaient sur la terrasse au-dessus de la rue, seuls clients du Baron pour ce soir.

Le diner fut agréable. Le patron avait même accepté de leur servir de la bière. A la fin du repas, Christian tenta vainement d’entraîner Patricia dans une promenade nocturne dans la ville, mais finalement, tout le monde alla se coucher.

A SUIVRE…

Chapitre 3 : dimanche prochain

2 réflexions sur « Incident de frontière – Chapitre 2 »

  1. Comme annoncé, après avoir revu la 2e partie de ‘Lawrence of Arabia,’ je dois reconnaître que ce n’est pas à Alep que Lawrence a reçu ses coups de trique turque.

    Si j’ai bien compris, c’est à Hamà (au Nord de Homs, entre Alep et Damas) qu’Il a fait cette mauvaise rencontre avec les Turcs.

    Les pérégrinations de Lawrence, narrées dans ce film sont quand même époustouflantes!

    Lawrence n’a-t-il pas bien dit à Alec Guiness (roi Faiçal) lorsqu’il le rencontre pour la première fois sous sa tente que les déserts sont comme les océans sur lesquels ses sujets, Bédouins circulent librement comme les vaisseaux de Sa Majesté.

    Dans le film, Lawrence part du Caire pour le centre de l’Arabie Saoudite, descend vers Akaba, d’où il retourne au Caire. Repart faire sauter les trains turcs en Arabie puis va se faire flageller à Hamà. Vexé, il décide de retourner vers son troupeau ethnique, les Anglais. Ill revient à Jérusalem au QG britannique d’où ses supérieurs le renvoient en Arabie en passant par Alep afin de revenir sur Damas, avec les tribus qu’il a réunies – au début du film – pour s’emparer d’Akaba. Mais à Damas, après avoir parcouru un long et pénible chemin, les Bédouins ne souhaitant pas se muter en rats des villes, repartent vers leurs déserts respectifs. Lawrence retourne seul au Caire d’où il rentre dans sa nation d’origine. Et tout ça, en fin de compte, pour nous montrer que tomber du haut d’un chameau dans le sable du désert fait beaucoup moins mal que d’une moto dans son pays natal!

    L’histoire que nous raconte le film s’arrête alors qu’elle allait nous révéler que Lawrence a eu son fatal accident de moto en se rendant à une réunion de militants d’extrême droite, ancêtres des partisans du Brexit! Peut-être n’avait-il pas digéré la déclaration de Balfour et les accords Sykes-Picot qui lui ont fait ‘un ptit dans l’dos!’

    Pour revenir au fait évoqué par Philippe, O’ Tool, incarnant Lawrence, parle bien d’Alep dans le film. C’est lorsqu’il rejoint la coalition des tribus arabes qu’il avait rassemblées pour conquérir Akaba et ce pour qu’ils se dirigent cette fois vers Damas avant que l’armée britannique ne l’occupe. Il est alors escorté par des ‘Bédous’ d’Alep qui, aux dires d’Anthony Queen et de Omar Sfariff, ont une très très mauvaise réputation.

    Dans cette magnifique œuvre d’orientalisme (comme dirait Edward Saïd), l’idée d’un peuple et à fortiori d’une nation arabe est un fantasme écrit dans la tête de Lawrence et nulle part ailleurs!

    Sur l’échelle de l’épanouissement politique que nous a proposé Montesquieu (sans doute, comme Alain Badiou, inspiré par Saint-Paul), les Arabes (qui refusent de se reconnaître en tant que tels) sont bloqués à la phase deux (ils ne sont pas les seuls!).

    On se souvient tous que Montesquieu propose, en ordre croissant: quatre paliers allant du moins épanoui au plus accompli.

    Le 1er est celui de l’égoïsme individuel, le second est la tribu familiale (où certains inscrivent leur site en bloggant au 2e degré), le troisième, un peu plus évolué mais encore loin du compte: la nation et, enfin, celui pour lequel nous devrions faire fi des trois autres: le genre humain (géré par une ONU qui aurait les dents d’Obama pour mordre les fesses de Netanyahu et de beaucoup d’autres, passés et à venir, qui restent les coincés dans les étages inférieurs!). OTIS est loin d’être au chômage!

  2. Je ne vois rien là qui puisse justifier l’interruption de la trêve des confiseurs imposée aux plongeurs qui, comme les personnages des bandes dessinées, s’expriment au travers de leurs bulles!

    Je ferai même des compliments pour la galanterie et la grande classe avec lesquelles sont répartis les membres de l’équipe dans les quatre chambres d’hôtel réservées par la banque mondiale!

    Si la Grande Vadrouille me sert de référence, il n’est pas certain que ce bel ordre ait été respecté durant la nuit, surtout entre les petits encas! Mais c’est là une spéculation d’un goût douteux, pur fruit de l’imagination lubrique du pervers lecteur!

    J’ai toutefois, une petite question (à laquelle je répondrai en regardant à nouveau la seconde partie, la plus sombre et la plus ‘hard’ du film).

    Alepe, ville où aimait bien séjourner ‘Lawrence of Arabia,’ n’était-elle pas occupée par les Turcs durant la première guerre mondiale? Et n’est-ce pas là, sous la neige et dans la boue, que Lawrence se fait fouetter le dos sous le regard sadique d’un petit haut gradé turc qui se dit raffiné et assez expert en identités arabiques pour y situer ce grand blond aux yeux bleus et à la peau très blanche qu’était Peter O’ Toole, incarnant Lawrence?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *