Hotel des Folies Olympiques

Exercice de style : inspiré de l’Hôtel des Folies Dramatiques (Le sang d’un poète- Jean Cocteau-1930)

Jean avance au bord de cette falaise, vertigineuse. À droite, la mer, en  furie. À gauche, une plaine, désolée. La falaise est blanche, la mer est noire, la plaine est bleue. Le vent souffle en tempête de la terre et le pousse vers l’abîme. Jean lutte contre le vent. Il est seulement vêtu d’un pantalon de pyjama rayé qui flotte sur ses jambes. Il est nu pied et se blesse aux cailloux du chemin. Il a froid mais il transpire.

Devant lui, loin, se dessine une bâtisse, immense, rouge, rouge sang. Elle approche. Elle est dressée au-dessus de la falaise blanche.  Ses volets rouges battent sous l’effet des rafales.

Une allée s’avance vers la porte. Un enseigne se balance au vent : Hôtel des Folies Olympiques. Une bourrasque ouvre violemment la porte.

Jean hésite et entre. A gauche, derrière le bureau de la réception, personne. Le tableau des clés ne comporte que trois cases. Trois cases, trois chambres, pas de clé.

Jean pénètre dans le salon, désert. Il appelle. Personne.

Devant lui s’allonge le couloir qui mène aux trois chambres.

Il s’avance, frappe à la première porte. Pas de réponse. Pourtant un bruit de chaines vient de l’intérieur. Il doit y avoir quelqu’un. Il frappe à nouveau. Pas de réponse. Alors il regarde par le trou de la serrure.

La première chose qu’il voit, c’est la fenêtre du fond de la chambre. Elle est ouverte sur la tempête. Les rideaux blancs volent, les volets rouges battent. Bruit de chaines. Il se déplace devant le trou de serrure pour avoir un autre angle. Il aperçoit un lit, un simple lit en fer. Sur le lit, jambes et bras écartés, un homme est enchaîné. Il s’agite. Le lit grince. Les chaines sonnent. L’homme est enchaîné, mais il sourit. Il sourit à un grand oiseau blanc qui vient d’entrer dans la pièce par la fenêtre ouverte. Jean voit l’oiseau qui replie ses ailes et s’avance vers le lit. Sa démarche est grotesque. Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. L’albatros saute sur le lit tandis que l’homme sourit. Et puis, d’un coup, l’oiseau plonge son bec dans le ventre de l’homme, l’agite un peu et l’en ressort en tenant serré quelques livres de chair et de viscères. L’homme sourit toujours.
A ce spectacle, Jean a reculé vivement son visage de la porte. Il n’a pas vu que, tandis que l’oiseau s’envolait par la fenêtre, la blessure du prisonnier se refermait déjà.

Jean avance jusqu’à la deuxième chambre. Cette fois-ci, il ne frappe pas. Tout de suite, il s’accroupit et regarde par le trou de serrure. Il voit deux hommes debout face à face. L’un est jeune, l’autre est vieux. L’homme jeune est habillé pauvrement, le vieux est vêtu comme un roi. L’un est fort et droit, l’autre est voûté et tremblant. Ils se parlent dans une langue que Jean ne comprend pas. Mais il voit bien qu’ils se disputent. Et puis un premier coup part. C’est une gifle. C’est le vieil homme qui a frappé. Alors, le jeune homme lui envoie un coup de poing dans le ventre. Le vieillard se plie en deux. Mais de sa canne, il porte un grand coup à l’entre-jambes du jeune homme. Maintenant, c’est lui qui saisit une lourde lampe et l’abat sur la tête du vieil homme. Bouche ouverte, yeux ouverts, crâne ouvert, il meurt et tombe. De là où il est, Jean voit le visage du mort, tourné vers la porte. Ce sont les mêmes yeux que ceux du meurtrier, le même menton, le même nez, les mêmes traits, des traits héréditaires.

Maintenant Jean a peur. Il a été témoin d’un crime. Il faut qu’il s’enfuie. Mais une musique l’attire. Elle provient de la troisième chambre.

Jean avance malgré lui jusqu’à sa serrure et regarde. Et le spectacle qu’il voit le ravit. Encadré par la forme de la serrure, le corps splendide d’une femme se dessine en contre-jour sur la fenêtre éclairée par un violent clair de lune. Cette femme est la plus belle femme que Jean ait jamais vue. C’est la plus belle femme que quiconque ait jamais vue.
Elle danse au son d’une musique jamais entendue. Tout en dansant, elle joue avec une boite, petit coffre à peine plus grand que sa main. Elle le fait passer devant elle, sur son ventre, sur ses seins, puis sur ses reins, entre ses jambes. De temps en temps elle parait tendre la boite vers quelqu’un que Jean ne voit pas. Il est fasciné par le spectacle. Mais il veut savoir pour qui est cette danse, pour qui est cette boite, pour qui est cette femme. Alors il se déplace un peu devant le trou de la serrure et il voit un homme, assis sur un trône. Lui aussi à l’air fasciné par la femme, sa danse et la boite qu’elle lui tend.
Alors, l’homme saisit la boite, hésite à l’ouvrir, regarde la femme. Par geste, elle l’invite à l’ouvrir. Alors il l’ouvre. La femme sourit. Et l’homme, la chambre, le trou de la serrure, l’hôtel, le vent, la plaine, la falaise, la mer et Jean, tout disparaît.
Reste seulement, flottant dans l’éther, la petite boite.

 

Une réflexion sur « Hotel des Folies Olympiques »

  1. Pas de doute, c’est du Cocteau, lui que avait dit que « les rèves sont la littérature du sommeil ».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *