Quand c’est dit comme ça…

…on comprend mieux le déterminisme :

Dans un tourbillon de poussière qu’élève un vent impétueux ; quelque confus qu’il paraisse à nos yeux, dans la plus affreuse tempête excitée par des vents opposés qui soulèvent les flots, il n’y a pas une seule molécule de poussière ou d’eau qui soit placée au hasard, qui n’ait sa cause suffisante pour occuper le lieu où elle se trouve, et qui n’agisse rigoureusement de la manière dont elle doit agir. Un géomètre qui connaîtrait exactement les différentes forces qui agissent dans ces deux cas, et les propriétés des molécules qui sont mues, démontrerait que, d’après les causes données, chaque molécule agit précisément comme elle doit agir, et ne peut agir autrement qu’elle ne fait.
Paul-Henri Thiry d’Holbach (1723-1789)
ou alors comme ça (c’est la même chose) :
Nous devons envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur, et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux. 
Pierre-Simon de Laplace (1749-1827)

2 réflexions sur « Quand c’est dit comme ça… »

  1. D’holbach et Laplace, les deux mamelles desséchées du scientisme!

    Dans ‘Mémoire du mal, Tentation du bien, Enquête sur le siècle,’ Tzvetan Todorov (Paris, Laffont, 2000, p. 30) oppose le scientisme à l’humanisme. Il écrit que « le point de départ du scientisme est une hypothèse sur la structure du monde: celle-ci est entièrement cohérente. En conséquence, le monde est comme transparent, il peut être connu sans restes par la raison humaine. La tâche de cette connaissance est confiée à une pratique appropriée, appelée la science. Aucune parcelle du monde matérielle ou spirituelle, animée ou inanimée, ne peut échapper à l’emprise de la science. »

    En France, depuis Auguste Comte (1798-1857) qui suit de peu Laplace, la croyance s’est répandue que l’on pouvait appliquer à l’homme les trouvailles de la physique. Et d’aucuns (‘scientistes’ mais pas ‘savants’) s’imaginent que ‘les sciences humaines’ peuvent, en suivant les méthodes de la Physique, parvenir à son niveau de certitude! C’est en ce sens qu’A. Comte est souvent considéré comme le père fondateur de la Sociologie.

    Mais Scientisme n’est pas Science!

    Les Anglo-Saxons qui appellent pourtant le savant, ‘scientist’ le savent et le savent même beaucoup mieux que les francophones. Là où quelques rares Français distinguent le savant du scientiste, les anglophones opposent ‘the scientist’ au ‘scientizer.’ Par contre, les deux langues se rejoignent pour évoquer le domaine ou la discipline: science = science et scientisme (fr.) = scientism (GB)

    Cette précision translinguistique, indispensable dans un monde où ‘English is the international language of business & science,’ ayant été apportée, voyons en quoi
    le scientisme avec sa croyance au déterminisme absolu est une aberration.

    Une aberration évidente dans l’étude des êtres humains en société mais aussi dans les sciences pures, dites naturelles et donc inhumaines!

    Commençons par régler le cas du scientisme ou positivisme dans les sciences naturelles que les prétendues ‘sciences’ humaines prennent pour modèle!

    Dans les sciences pures, les propos de d’Holbach et de Lapalace, ici rapportés par Philippe, ne sont considérés que comme des THÉORIES, des conjectures, des spéculations. La condition qui sous tend l’hypothèse du conditionnement total peut se résumer par l’exclamation: ‘Ah si seulement l’homme, voire cet homme exceptionnel qu’est le savant, était OMNISCIENT!’ Or l’homme et surtout le savant sait, comme le sage Socrate, qu’il ne sait rien!

    C’est pourquoi il a inventé Dieu qui, à l’image inversée de l’homme, est omniscient!

    Cette invention a le mérite de reconnaître l’incapacité de l’être humain à communiquer avec l’environnement dans lequel sa naissance l’a placé.

    Hélas des farceurs, des charlatans, se sont auto-proclamés, – suite à des nuits de sommeil agité sur des monts chauves plus ou moins parsemés de buissons ardents et d’oliviers -, ventriloques de Dieu et donc héritiers de son omniscience…

    Ce tour de passe passe a déplu à Voltaire comme à D’Holbach et d’autres Encyclopédistes tels que Diderot. Ils ont dépouillés les ventriloques de leur soutane et rendu à l’homme sa quête laïque du savoir. Mais ce n’est pas parce que l’on cherche la connaissance qu’on l’obtient! C’est pourquoi, conscients des limites de leurs trouvailles, des savants contemporains, tels que l’Américain, René Dubos restent Croyants. C’est aussi pourquoi des penseurs, comme Edgar Morin, qui ont longuement réfléchi sur les questions épistémologiques que posent l’usage des méthodes scientifiques, croient en la persistance d’importants mystères tout en restant agnostiques.

    Si les scientistes prennent les propos de D’Holbach et de Lapalce pour des trouvailles, des découvertes et donc des certitudes alors qu’ils ne sont que des conjectures, les savants savent que leur travail, comme celui auquel Sisyphe est condamné, est sans cesse à reprendre et que les mystères de la nature leur échapperont toujours.

    Pour Thomas Kuhn, les révolutions paradigmatiques sont permanentes et pour Karl popper, les trouvailles d’aujourd’hui sont appelées à être falsifiées demain.

    Même si l’on pense que les écolos sont les ventriloques de la nature comme les religieux étaient les ventriloques de Dieu, on ne peut nier que notre quête de ‘la santé parfaite’ (L. Sfez) engendre une surpopulation de la planète qui génère une infinité de problèmes insolvables.

    Maintenant que les limites des sciences pures sont évidentes, on comprend mal pourquoi, les chercheurs en sciences humaines ne s’auto-estimeraient qu’en fonction de leur aptitude à appliquer à leur domaine les méthodes bancales des sciences pures.

    Dans la critique du scientisme dans les sciences humaines, certains penseurs ont dénoncé les cultes du déterminisme qu’auraient pratiqués Michel Foucauld, Pierre Bourdieu, etc., en gros, les ‘soixantehuitards attardés dont je suis.’

    On a même pris à la lettre l’Idée de ‘la mort de l’homme ou d l’humanisme’ que Foucauld aurait fait sienne après avoir mis en lumière l’existence des déterminismes (chez Bourdieu, ils prennent le nom de capital financier, économique mais aussi social, culturel, etc.) qui conditionnent le comportement humain.

    On sort toutefois de ce ‘scientisme’ lorsqu’après avoir pris conscience, – grâce au travail des néo-soixantehuitards -, de la force des déterminismes qui nous conditionnent, nous y réfléchissons (‘self reflexivity’ d’A. Giddens et d’U. Beck) puis nous les évaluons et nous nous en dégageons, prenant alors nos responsabilités en toute liberté( c’est le Télésitisme que L. Thayer oppose au téléologisme.)

    Cette capacité d’auto réflexion et de comportement télésitique fait de nous des êtres responsables mais aussi imprévisibles. Nous recouvrons ainsi notre liberté et déjouons les attentes des ‘scientistes’ dont les hypothèses se voient ainsi falsifiées…

    Il ne leur reste qu’à changer de paradigme!

  2. Ouais! C’était une époque heureuse quand les énarques n’existaient pas encore, eux qui croient être « l’intelligence qui,… rien ne serait incertain pour elle,… etc ».

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