Un monde qui fait le malin

Morceau choisi

Ce mouvement d’individualisme (…) est l’essence même du vingtième siècle. Ce fut son illusion, l’inverse d’un mouvement de maturation, une forme d’ivresse de soi. Aussitôt après nous, déplore Charles Péguy, commence un autre âge, un tout autre monde, le monde de ceux qui ne croient plus à rien, qui s’en font gloire et orgueil. Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé le monde moderne, le monde qui fait le malin, le monde des intelligents, des avancés, de ceux qui savent, le monde de ceux à qui on n’a plus rien à apprendre, un monde où l’individualisme se vit comme le seul génie des lieux, convaincu d’être l’alpha et l’oméga de sa vie, vérité vieille comme le temps mais qui a trouvé dans la modernité son lieu d’expansion.
La Rochefoucauld l’avait déjà cerné : « L’amour propre est le plus grand des flatteurs. Quelque découverte que l’on ait faite dans le pays de l’amour propre, il y reste encore bien des terres inconnues.  »
Il ne savait pas que ces terres inconnues se prénommeraient la modernité.

Cynthia Fleury
Les irremplaçables

Une réflexion sur « Un monde qui fait le malin »

  1. Cynthia Fleury n’est pas connue du grand public car elle n’est pas une adepte du star système intellectuel style BHL par exemple, mais on peut parfois lire ses chroniques dans la presse (et même dans le JDC) ou la voir dans des émissions comme C dans l’air. Sans avoir lu Les Irremplaçables ni ses livres précédents, Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, m’apparaît comme étant l’intellectuelle, simple et brillante, la plus en phase avec notre monde démocratique actuel pour l’analyser et en comprendre tous ses vices (notamment l’ivresse de soi dont il est question ce matin).

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